L’univers du football ne semble décidément pas fonctionner selon les mêmes règles que le monde réel. Celui du football français en tout cas.
Pour qui ne vit pas au cœur de ses arcanes, il peut être surprenant par exemple de lire, dans la même phrase, que les clubs ont tranché en faveur de la résiliation du contrat avec DAZN, et que le diffuseur devra les en indemniser. Dans la marche habituelle des contrats, la compensation est plutôt à la charge de celui qui décide de la rupture…
De façon plus systématique, on peut s’étonner de l’incapacité des dirigeants à s’inspirer du discours que leurs entraîneurs tiennent sans aucun doute à leurs équipes, sur les vertus et même l’absolue nécessité de la cohésion et du jeu collectif. Faire fuiter les images et/ou verbatims de réunions internes, en particulier, c’est à peu près équivalent, pour un défenseur, au fait de se retourner balle au pied pour crucifier son gardien de buts. Et le faire deux fois en quelques semaine, c’est marquer deux buts contre son camp.
Il est loin enfin le temps où le FC Sochaux de Peugeot jouait aux avant-postes, mais quand même… Alors qu’un vendeur de voiture va jusqu’au coup de polish pour faire briller le modèle qu’il veut placer, le « produit est abimé » est une formule récurrente dans l’expression publique des responsables du football français. Et, quand ils en évoquent la valeur des droits TV, la course à la baisse des montants évoqués a succédé au vertige du Milliard d’euros.
A mi-parcours (après la 17e journée), l’affluence dans les stades de Ligue 1 était pourtant en hausse de 3% sur la saison 2023/2024, alors que celle-ci avait marqué un bond de 14% sur la saison précédente et un record historique pour la compétition.
Sur le terrain, et à la veille de la 30e journée, la moyenne de 2,57 buts par rencontre est supérieure de presque 10% au chiffre de la saison 2023/2024, et constitue un plus haut des dix années précédentes.
En termes de performances sportives, la France pourrait répéter la situation de 2023-2024, avec deux représentants en demi-finales de la Ligue des Champions et de l’Europa League (il est midi le 17 avril à l’heure où ces lignes sont écrites).
Le pitch commercial, sur ces bases, ne semble impossible à écrire, et les droits de diffusion de la Ligue 1 à l’international ont d’ailleurs trouvé preneur sans difficulté, et pour un montant très sensiblement augmenté…
Reste peut-être, pour la France, à rompre avec la pratique qui a consisté, depuis une quinzaine d’années, à aller chercher à chaque appel à candidatures un Deus ex Machina extérieur au marché, plutôt que de s’appuyer sur un acteur national.
On en revient donc évidemment à Canal+. Dans ces dernières expressions publiques, ses dirigeants n’ont montré aucun empressement à rouvrir le dossier, préférant mettre en avant la façon dont le groupe s’était « désintoxiqué » de la Ligue 1. Rugby, Formule 1, moto y ont d’abord contribué. Les droits sur l’ensemble des Coupes d’Europe y participent aujourd’hui, mais ils sont payés au prix fort. Et on peine à croire qu’un effondrement de la Ligue 1 (dépôts de bilan de clubs…) n’aurait pas d’impact sur la performance des clubs français dans les compétitions continentales, et finalement sur l’attractivité des droits qui y sont attachés. Renouer avec le partenaire historique devrait être la priorité.
Réactiver les sources étonnamment écartées dans l’appel d’offres de l’automne 2023, telle que le lot de semi-direct pour lequel Free apportait près de 50 M€ et qui avait été purement et simplement supprimé, constituerait un deuxième axe.
Elargir l’équation représenterait une troisième piste : bien qu’avec des motivations différentes, acteurs du digital (Amazon en particulier) et chaînes en clair (TF1 surtout) pourraient trouver intérêt au même type de proposition : un nombre limité de rencontres (avec la possibilité, pour TF1 ou potentiellement M6, de panacher les diffusions sur leurs différentes antennes en fonction de l’attractivité de l’affiche).
Si l’on intègre la possibilité pour la Ligue d’éditer sa chaîne, comme une brique supplémentaire susceptible d’être combinée à ces trois directions, plutôt que comme une alternative, une sortie par le haut n’apparait pas hors d’atteinte.
La fourchette est ouverte, entre les 150 à 200 M€ évoqués par Joseph Oughourlian et le mythique milliard d’euro.
Image générée par l’IA