
On ne l’avait pas forcément pressenti mais, à lire ces chiffres, l’AVoD et les FAST s’apprêtent à déferler sur le paysage audiovisuel, à la façon d’un tsunami qui balaiera sur son passage acteurs historiques de la télévision comme plateformes de SVoD :
- 75 % des Français regardent des services d’AVoD et de FAST au moins une fois par semaine ;
- 57 % de ces derniers ne regardent pas de télévision linaire, donc 43 % de l’ensemble de la population (57 % de 75 %) ;
- 35 % de la population des AVoDistes n’utilisent pas de plateformes de SVoD, donc 26 % des Français.
Portant le regard au-delà de l’hexagone, Rakuten TV, qui publie ces « viewers insights », propose également des « key learnings » qui élargit son périmètre à l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. La moyenne hebdomadaire des utilisateurs d’AVoD et de FAST est alors de 71 %, la part de ceux qui a abandonné la télévision linéaire de 44 % (soit 71 %), et la proportion des non-SVoDistes de 25 %…

La fin de la télévision serait donc toute proche, et l’horizon promis au streaming payant ne serait guère plus enviable. La curiosité pousse naturellement à vouloir en savoir plus.
Impossible de connaître le profil – âge, sexe… – de ceux qui ont été interrogés par Rakuten TV, ou le prestataire qui l’a accompagné. Mais le document indique leur nombre : « plus de 800 consommateurs en Allemagne, en France, en Espagne et en Italie », soit environ 200 par pays…
A titre de comparaison, et s’agissant du seul marché français, NPA Conseil et Harris Interactive interrogent environ 4000 répondants, quatre fois par an, pour chaque vague du Baromètre des Usages Audiovisuels.
Le caractère « disruptif » des chiffres avancés par Rakuten TV est dès lors moins surprenant :
- La part des Français de plus de 15 ans qui se connectent chaque semaine à des plateformes d’AVoD et de FAST ? Estimée par notre Baromètre à un peu moins de 15 % sur le téléviseur, et 17 % si l’on prend en compte l’ensemble des écrans ;
- La part de ces AVoDistes qui regardent la télévision linéaire moins d’une fois par semaine ? pas tout à fait 25 %, plutôt que 57 % ;
- 35 % des AVoDistes qui n’utilisent aucune plateforme de SVoD ? Le Baromètre estime que trois sur quatre accède à une plateforme au moins une fois par semaine…
On est un peu plus que dans l’épaisseur du trait.
Mais alors pourquoi en parler, au risque de paraître arrogant et donneur de leçons ?
Par souci d’abord, de défendre tous ceux qui, tous les jours, s’attachent avec rigueur à décrypter une réalité audiovisuelle toujours plus complexe, en mobilisant pour cela matière grise et données de qualité.
Mais aussi parce que Rakuten TV ne pousse évidemment pas cette publication pour la seule beauté du geste. L’objectif est naturellement d’attirer des annonceurs, quitte à jouer au bonneteau avec ses propres données pour forcer encore le trait : Rakuten TV indique que 83 % des AVoDistes sont « très contents, contents ou sans avis » sur la charge de publicité diffusée. Donc, potentiellement, que 0,5 % sont très content, 0,5 % content et 82 % n’ont pas d’avis. Le chiffre n’a tout simplement aucun sens, mais sans doute la proportion des seule « contents ou très contents » est-elle parue insuffisante.
Le 4 septembre, Médiamétrie a annoncé avoir retenu AudienceProject pour que la mesure cross média vidéo soit capable dès 2026 d’offrir une vision précise de la couverture dédupliquée et de la répétition des campagnes sur tous les canaux. L’énoncé des technologies mobilisées pour y parvenir (panel, intégration avec les principales plateformes d’Ad-Tech, intégration directe avec les walled garden…) suffit pour entrevoir la complexité du sujet (Lire sur la plateforme Insight NPA Avec AudienceProject, Médiamétrie s’appuie sur un spécialiste de l’intégration des walled garden).
A ces avancées techniques répondent les volontés politiques, celle de l’Union Européenne avec le règlement EMFA ou celle de la proposition de loi Lafon, de garantir aux annonceurs une mesure fiable, et transparente.
Parce qu’une activité ne se développe jamais durablement sur des bases fallacieuses, ces initiatives doivent être soutenues, indépendamment même de toute considération éthique. Et sachant que l’univers numérique est suffisamment dense et complexe pour laisser toute leur place à des travaux complémentaires d’analyse, d’éclairage, de mise en perspective.