Dans le cadre de son enquête sectorielle sur le commerce électronique lancée en mai 2015, en vue du développement d’un marché unique numérique européen, la Commission européenne a publié le 18 mars 2016 ses premiers résultats sur les pratiques du blocage géographique par les opérateurs économiques, autant dans le commerce en ligne que dans la diffusion sur Internet de contenus numériques (films, séries TV, sport, etc.). Plus de 1 400 vendeurs et diffuseurs de contenus en ligne y ont répondu à travers les 28 pays membres de l’UE.
Le blocage géographique, une pratique répandue en Europe
L’étude opérée par la Commission européenne révèle en premier lieu que près de 90% des consommateurs européens interrogés se sont heurtés au moins une fois au géo-blocage. Cette pratique consiste, pour les détaillants et les fournisseurs de contenus numériques, à empêcher les internautes d’acheter des biens de consommation ou d’accéder à des services de diffusions de contenus numériques, en raison de leur situation géographique ou de leur pays de résidence. Cette sélection opérée par les professionnels s’effectue principalement sur la base de l’adresse IP de l’utilisateur permettant ainsi la localisation de l’appareil utilisé pour se connecter à Internet, mais également l’adresse de la carte bancaire employée.
Plus particulièrement à propos des services de contenus numériques, 68% des fournisseurs de contenus audiovisuels[1] déclarent pratiquer le géo-blocage afin de limiter l’accès à leurs services aux internautes situés dans un pays autre que celui dans lequel ils émettent leurs contenus. Les moyens employés pour bloquer l’accès des utilisateurs peuvent varier : 65% interdisent directement l’accès aux contenus, 35% rendent impossible l’inscription ou l’abonnement au service et 23% opèrent une redirection des internautes vers un service accessible depuis leur pays d’origine.
Le blocage géographique est une pratique plus ou moins répandue au sein de l’Union Européenne selon les territoires. Ainsi les pays où il est le plus utilisé sont le Danemark, la République Tchèque, la Grèce, la France et le Portugal, et il est le moins développé auprès des fournisseurs de contenus originaires d’Italie, de Bulgarie, de Belgique, d’Allemagne ou d’Autriche. Des disparités existent également entre les diffuseurs : à l’échelle européenne, 85% des opérateurs télécoms fixes pratiquent le géo-blocage contre 56% des câblo-opérateurs ; du côté des éditeurs de services, 82% des radiodiffuseurs publics utilisent le géo-blocage contre et 62% des éditeurs de services de télévision privés.
Des disparités d’usage du géo-blocage en fonction du type de contenus
Au cours de son enquête, la Commission européenne a identifié 7 catégories de contenus dans ses questionnaires adressés aux diffuseurs en ligne : film, sport, musique, fiction TV (séries TV), l’information, la jeunesse et non-fiction TV (les documentaires principalement). Ainsi, en moyenne dans les 28 pays de l’UE, 59% des accords de diffusion de contenus en ligne, signés entre les ayants droit et les diffuseurs, comprenaient une clause exigeant le géo-blocage des programmes. Plus spécifiquement, l’enquête estime que 74% des accords de diffusion de fictions TV comprenaient cette clause, 66% pour les films et 63% pour le sport.
La France se distingue par rapport à cette moyenne européenne puisque 65% des accords de diffusion contiennent une clause de blocage géographique pour les programmes dédiés à la jeunesse et à la fiction TV, le cinéma n’arrivant qu’en quatrième position avec 50% des accords. Les ayants droit sur les programmes jeunesse sont encore plus exigeants auprès des diffuseurs espagnols puisque 93% des accords signés contiennent cette clause de géo-blocage, alors qu’elle ne représente que 20% des contrats pour les radiodiffuseurs polonais.
A part les contraintes contractuelles avec les ayants droit, les services de diffusion en ligne de contenus avouent en majorité instituer un système de géo-blocage en raison du coût d’achat des droits de diffusion pour plusieurs pays, mais également de la non-disponibilité des droits sur d’autres. Cependant, malgré ces barrières freinant leur développement transeuropéen, 123 diffuseurs de contenus numériques sont présents dans plusieurs pays et 38% d’entre eux déclarent proposer un catalogue différent en fonction des pays afin de respecter les différences de goûts des consommateurs.
L’utilisation des VPN pour contrer le géo-blocage
La Commission européenne a également interrogé 9 services VPN[1] et routeurs IP permettant de passer outre le blocage géographique en masquant, cachant ou remplaçant l’adresse IP de l’utilisateur. Cela permet également à l’internaute de choisir la nationalité de son adresse IP afin d’avoir accès aux contenus accessibles aux ressortissants du pays sélectionné. Selon les réponses accordées par ces services, ils comptabilisent entre 20 000 et 100 000 utilisateurs réguliers, c’est-à-dire qui les utilisent 3 fois par semaine au minimum. De plus, ils répondent que la consommation de vidéo et de programmes audiovisuels passant par leurs services représentent entre 20 et 80% de leur trafic.
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[1] Canal de communication cryptée établi entre 2 ordinateurs ou 2 appareils possédant une adresse IP