Récemment dépassé par Google au classement de la plus grosse valorisation boursière, Apple était une nouvelle fois très attendu lors de sa dernière keynote du 21 mars. Également en pleine tourmante sur les débats autour de la protection des données, Apple se devait de rassurer ses clients sur la sécurité de ses produits mais également rassurer le marché sur sa capacité à relancer les ventes de ses smartphone (68% de ses revenus en 2015) et tablettes face à une concurrence accrue des constructeurs Chinois et alors qu’on assiste à une tendance globale baissière du marché[1].
La firme de Cupertino qui a réalisé une année 2015 record en termes de profit a pourtant vu ses ventes de matériels ralentir pour la première fois depuis 2007 (+0,47% pour les iPhone, -25% pour les iPad, et -3,75% pour les Mac). Cette croissance ralentie suit la tendance globale du marché avec une stagnation dans les pays développés. Depuis plusieurs années, la firme à la pomme était parvenue à se démarquer en restant relativement imperméable aux variations du marché. Il semblerait que la corrélation avec la croissance globale du reste du marché soit désormais de plus en plus marquée. Certains pays émergents restent cependant des relais de croissance très importants pour Apple, comme l’Inde qui devrait devenir le deuxième marché des smartphones derrière la Chine et devant les US en 2016. Sur ce marché, comme dans certains pays d’Amérique Latine, Apple dispose d’une marge de manœuvre plus importante (seulement 4% de PdM en Inde en 2015).
D’autre part, Apple est aujourd’hui menacé par la montée en puissance des acteurs Chinois à commencer par Huawei et Xiaomi qui gagnent de plus en plus de parts de marché. C’est pourquoi, pour la première fois, Apple a décidé de segmenter un peu plus sa gamme et de prendre un nouveau tournant dans sa stratégie tarifaire avec un IPhone SE qui se situe sur le milieu de gamme. Le smartphone qui sera vendu 399$/499$ sans forfait (489€/589€ en France) pour les modèles 16 et 64 Go disposera sensiblement des mêmes spécificités techniques que l’IPhone 6S mais avec la taille du 5S présenté fin 2013 (4,4″). C’est donc le smartphone le moins cher qu’Apple ait sorti depuis 2007 avec un positionnement jusqu’ici ignoré par la firme de Cupertino et qui permettra de remplacer l’entrée de gamme actuelle (le 5S est toujours commercialisé par les opérateurs). Si Apple s’est lancé sur ce segment, c’est que cette diagonale représente le gros du marché (cf. graphique 2) et ce même si Apple n’aurait pour l’instant vendu que 30M d’IPhone du format 4″ (sur 231,5M d’IPhone écoulés). Il reste donc des marges de manœuvre intéressantes pour convaincre les usagers Apple qui n’ont pas été séduits par la dernière génération d’appareil de renouveler leur équipement tout en restant dans l’écosystème (selon Tim Cook en janvier 2016, 18 mois après la sortie de l’iPhone 6, 60% des possesseurs d’iPhone n’avaient pas encore choisi de migrer vers cette nouvelle génération 6/6s). Mixpanel qui suit régulièrement le parc actif des différents iPhones en se basant sur le trafic web dévoile des chiffres un peu différents.
Alors que les analystes attendaient un nouveau modèle avec un prix de 450$ à 550$ Apple a donc choisi de faire un effort supplémentaire pour absorber un maximum de valeur en attendant la sortie de l’IPhone 7. De plus, Apple a révélé quelques chiffres intéressants lors de la keynote : 1/3 tiers des nouveaux clients IPhone achètent un 4″ (2/3 sur le marché Chinois). Il y a donc là une double volonté d’attaquer frontalement le milieu de gamme Android en récupérant de nouveaux clients jusqu’alors utilisateurs d’Android et dans le même temps d’assurer sa croissance sur le marché Asiatique d’autant plus que les modèles d’IPhone 5 (4″) sont privilégiés en Inde. Sur les marchés plus matures comme la Chine, Apple devra à moyen-terme transformer l’essai et réussir à convaincre les utilisateurs de renouveler leurs smartphones.[2] Par ailleurs, Apple se devait de proposer un produit techniquement à la hauteur pour garder ses utilisateurs captifs autour de ses services et de son écosystème. Pour cela, le SE proposera le NFC, Siri, une caméra 12 megapixels qui fera de la captation 4k, ainsi que le service Apple Pay qui a connu un large succès lors de son lancement en Chine (3M de paiements enregistrées en 2 jours).
Pour le reste, l’ensemble des autres annonces de la keynote étaient largement anticipées par le marché. Seule vraie surprise, la baisse du prix de l’Apple Watch (-50$ pour le modèle sport) qui peut être le signe de ventes décevantes mais qui reste une nouvelle intéressante pour le marché des wearables qui a encore besoin de prix à la baisse pour décoller durablement.
Récapitulatif des annonces de la keynote
- 100% d’énergie renouvelable pour tous les bâtiments Apple (93% actuellement)
- Présentation du projet Liam, un robot capable de démonter toutes les pièces d’un iPhone ; présentation d’Apple Renew, un programme pour recycler les vieux appareils
- Santé connectée : annonce du lancement de CareKit, une plate-forme open source pour créer des applications de santé (cible prioritaire : les hôpitaux et centres de recherches)
- Apple Watch : baisse du prix et présentation de nouveaux bracelets (1/3 des utilisateurs changent de bracelet)
- Désormais 5000 applications disponibles dans le store de l’Apple TV ; Siri bientôt disponible pour l’Appstore
- Voiture connectée : amélioration du système d’infotainment Carplay ; plus de 100 partenaires constructeurs
- Lancement prochain d’iOS 9.3
- Présentation d’un nouvel iPad pro avec écran retina 9,7″ qui bénéficie du meilleur de l’iPad Pro (4 haut-parleurs, Apple Pencil, etc.). La tablette disposera également d’une caméra 12megapixels 4K. Prix de vente : 599$ pour le 32 Go, 749$ pour 128 Go ou 899$ pour 256 Go
- Baisse du prix de l’iPad air 2 à 399$ et le mini à 269$
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[1] Se référer au Flash 783 « L’IPad s’enfonce dans la crise »
[2] http://www.wired.com/2015/12/smartphone-growth-is-slowing-thats-great-news-for-apple/