L'édito de Philippe Bailly

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Encore plus de formats courts originaux hors l’écosystème YouTube

2015 a vu le développement de plusieurs services spécialisés dans les formats courts à l’extérieur de l’écosystème YouTube. Cette volonté d’émancipation des créateurs et des éditeurs semble en passe de se concrétiser avec à l’appui de nouveaux acteurs. En 2016, un grand nombre de lancement est attendu.

2015, de nouveaux services spécialisés dans les programmes courts

Alors que la consommation de programmes courts de qualité professionnelle et la consommation en mobilité ont continué à progresser notamment chez les plus jeunes, 2015 a été caractérisée par le lancement de nouvelles offres adaptées à ces usages. Surtout, alors que les services alternatifs à YouTube étaient pour l’instant essentiellement des pure-players, en 2015 plusieurs acteurs historiques de l’industrie audiovisuelle ont lancé leurs propres services. L’arrivée de certains acteurs majeurs sur ce segment de marché constitue une situation nouvelle à même de faire évoluer un écosystème jusqu’alors très largement dominé par YouTube.

Dish a été le premier à proposer une offre de programmes courts avec le lancement en février de son service de télévision payante OTT Sling TV. Le service propose ainsi dans son bouquet de base une offre de contenus issus des catalogues et talents du réseau multi-chaînes Maker Studios (groupe Disney) et son sous-réseau Polaris. Grâce à son partenariat avec Maker, Sling TV peut proposer un grand nombre de programmes courts et de nouveaux formats parmi les plus populaires sur YouTube mais également de bénéficier de contenus en avant-premières ou exclusifs.

En France, Canalplay a lancé une offre similaire en octobre en intégrant à son service SVOD près de 500 titres de Maker Studios. Cette offre, présentée par le service comme la « sélection web génération » s’inscrit dans la stratégie d’enrichissement du catalogue de programmes courts de Canalplay qui s’est traduit en 2015 par l’ajout de plusieurs web-séries, de vidéo exclusives et de nombreux courts-métrages.

aVerizon a lancé également au début du mois d’octobre Go90, une application gratuite (iOS et Android) ciblant directement les jeunes consommateurs. Go90 offre une combinaison de contenus TV traditionnels complétée par une offre très riche de titres courts (8 000 contenus) issus des catalogues des plus importants réseaux multi-chaînes (Awesomeness TV, Endemol Beyond USA, Fullscreen, Maker Studios, Machinima, Stylehaul…). Le service propose également une part de contenus exclusifs qui devrait augmenter progressivement. L’objectif pour Verizon est de capter une partie des consommateurs les plus jeunes.

Enfin, en 2015, a été lancé Vessel, une nouvelle plate-forme intégralement dédiée aux nouveaux formats web-natifs. Ce service, s’il n’est pas adossé comme les cas précédents à un grand groupe, a été fondé par Jason Kilar, fondateur de Hulu, qui s’est adjoint les services d’anciens cadres d’Amazon, Hulu et Netflix. Vessel a déjà su attirer sur sa plate-forme de nombreux créateurs et réseaux multichaînes (MCN) dont Machinima, Taste Made et Endemol Beyond. Surtout, le jeune service peut proposer grâce à un modèle économique innovant une part conséquente de vidéos exclusives ou en avant-première. Une partie du service est gratuit mais les utilisateurs ont la possibilité de s’abonner (2,99$ par mois) pour bénéficier des vidéos en avant-première.

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Ce développement de nouvelles offres est dû en grande partie à la croissance de la consommation en mobilité mais également à la synchronisation progressive de la stratégie des acteurs historiques et des créateurs de contenus web-natifs. En effet, les producteurs, créateurs et éditeurs de contenus digitaux sont de plus en plus désireux de s’extirper d’une trop grande dépendance à YouTube. Si YouTube constitue toujours un service incontournable en termes d’exposition, le partage des revenus avec les créateurs reste critiqué et des audiences très importantes sont nécessaires pour atteindre des seuils rémunérateurs, notamment pour les contenus les plus ambitieux[1]. Ce n’est pas nouveau et les réseaux multi-chaînes ont déjà multiplié les tentatives pour diversifier leur distribution. Cependant, ce désir d’émancipation trouve un écho chez les diffuseurs historiques qui recherchent justement à étoffer leur offre et disposent eux de relais de diffusion susceptibles de concurrencer YouTube. Ils ont la volonté désormais d’adapter leur offre à un public qui évolue et dont une partie passe plus de temps à regarder des contenus courts sur terminaux mobiles que devant un téléviseur.

2016, vers l’émergence de nouveaux modèles pour les programmes courts

Du fait de cette convergence des stratégies, les offres existantes devraient s’étoffer et les alternatives à YouTube pourraient se multiplier.

Comcast devrait être le premier acteur à lancer son offre spécialisée. Le câbloopérateur américain a inauguré en septembre dernier la version bêta de son service Watchable. Le service propose des contenus issus des catalogues de 30 partenaires parmi lesquels des acteurs médias traditionnels mais également un grand nombre de réseaux multi-chaînes, dont Awesomeness TV, Defy Media, Machinima ou Maker Studios. Une partie de ces accords prévoit la diffusion de contenus exclusifs. Comcast devrait dans les prochains mois lancer la version définitive de son service, sans doute enrichi de nouveaux partenariats. Du côté des créateurs de contenus, le réseau AwesomenessTV (Dreamworks) a multiplié les partenariats de distribution de contenus au cours des derniers mois. Ainsi, AwesomenessTV a conclu un accord avec Vubiquity pour la distribution de 130 heures de contenus sur les services SVOD et VOD gérés par Vubiquity en Afrique, en Amérique Latine, en Europe de l’Est et au Moyen-Orient. La filiale de Dreamworks a également conclu un accord avec Endemol en vue de développer des synergies communes en Europe et notamment sur le marché hexagonal. Le réseau multi-chaînes interne d’Endemol, Endemol Beyond, sera chargé de développer les marques d’AwesomenessTV sur ces marchés mais pourrait aussi travailler à la distribution des contenus du réseau. En France enfin, le groupe Canal+ pourrait autonomiser la partie de l’offre de CanalPlay consacrée aux programmes courts notamment autour de son offre de contenus Maker Studios qui devrait progressivement s’étoffer. Sans-doute un moyen de retrouver des opportunités de distribution au sein des forfaits des opérateurs mobiles alors que CanalPlay a été évincé par Zive chez SFR.

En outre, au-delà de partenariats avec les acteurs historiques, certains pure-players ont également prévu de lancer de nouveaux services. C’est le cas notamment de Fullscreen (deuxième plus important réseau multi-chaînes américain) qui a annoncé en septembre la création de son propre service de vidéo par abonnement dédié à l’audience mobile. Le réseau Vevo pourrait lui aussi lancer un nouveau service de vidéo indépendant de YouTube par le biais de la plateforme Show You rachetée en décembre dernier. Néanmoins, le cas de Vevo est un bon exemple des difficultés des MCN à s’émanciper de YouTube en lançant leur propre service. Si le réseau dispose depuis longtemps d’une plateforme indépendante pour diffuser ses contenus, il demeure très majoritairement dépendant de son audience YouTube. Par conséquent le développement de services autonomes est risqué pour les MCN et comporte en outre un risque d’atomisation du marché qui profite indirectement à YouTube, seule plateforme à même d’agréger les contenus de l’ensemble des créateurs.

Le développement d’une alternative à YouTube passe sans doute par les nouvelles formes d’agrégateurs de contenus courts développées par Verizon, Comcast ou encore Canal+. Mais deux points sont essentiels pour favoriser le développement de ces nouvelles offres en 2016 : les contenus exclusifs et le partage des revenus favorable aux créateurs.

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Dans un contexte où les offres se multiplient, notamment chez les opérateurs américains, les exclusivités seront un élément précieux de différenciation et de fidélisation des abonnés. Verizon et Comcast ont déjà redoublé d’efforts pour s’assurer de la présence de contenus exclusifs dans leurs offres Go90 et Watchable. Mais c’est Verizon qui semble disposer d’une certaine avance puisque le telco américain a conclu en décembre un accord avec Maker Studios portant sur la création de 8 séries exclusives pour son service Go90 dont une autour de la marque Marvel et une autre autour de la marque Star Wars (toutes deux propriétés du groupe Disney comme Maker Studios).

Afin d’augmenter le nombre de contenus exclusifs et de favoriser l’adhésion des créateurs de contenus, les nouveaux services ont également pour impératif de proposer des conditions de rémunération plus avantageuses que celles offertes par YouTube. Plusieurs acteurs ont déjà fait le choix d’un partage des revenus favorable aux créateurs. C’est le cas de Comcast, qui s’est engagé à reverser 70% des revenus de son service Watchable à ses partenaires, soit 15 points de plus que YouTube en moyenne. Le service Vessel a quant à lui organisé son modèle économique autour d’une rémunération attractive pour les créateurs. En mai 2015, le service annonçait pourvoir proposer à ses créateurs une monétisation des vidéos supérieure à 50 dollars pour 1 000 vues, soit un taux largement supérieur à celui offert par YouTube. Si les nouveaux services sont capables de maintenir des conditions si avantageuses, alors il est possible que se développent en 2016 des alternatives pérennes à YouTube pour les contenus courts.

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[1] Le partage des revenus publicitaires sur la plateforme s’effectue dans la majorité des cas selon un ratio de 45/55. Pour plus de renseignements sur l’économie de YouTube et son impact sur les créateurs, se référer au dossier NPA n°698 MCN : stratégies et perspectives des nouveaux champions de la vidéo en ligne

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