La domotique sera un des sujets phares du CES alors que Samsung vient d’annoncer l’intégration de sa plateforme dans ses prochaines TV connectées, suivi par LG. Les constructeurs EGP devront faire face aux opérateurs télécoms et aux géants du net qui tentent d’élargir leurs écosystèmes.
La TV comme hub naturel pour la maison de demain
Lors du CES 2014 de Las Vegas, Samsung annonçait déjà que la télévision occuperait une place importante dans sa stratégie autour de la maison connectée. Depuis, le géant coréen a racheté la plateforme domotique ouverte SmartThings pour 200M de dollars et a proposé deux versions de son hub avec toujours plus de produits compatibles. A la veille du CES 2016, le constructeur a annoncé l’intégration de sa plateforme dans ses TV connectées, ce qui permettra de contrôler les autres produits Samsung ainsi que tous les produits compatibles avec l’écosystème SmartThings. Pour l’autre Coréen et numéro deux du marché, LG Electronics, la mise à jour de son OS – Web OS 3.0 – permettra également aux TV de servir de Hub domotique via l’application IoTv. Conscients que le parc restera limité pour les derniers modèles, les deux constructeurs continueront de commercialiser leurs hubs de manière autonomes, SmartThings Hub pour Samsung et le nouveau Hub domotique de LG « SmartThinQ » qui ressemble par sa forme cylindrique au produit d’Amazon (Echo), avec un écran en plus mais sans microphone. L’objet, qui sera présenté au CES communique avec l’ensemble des produits connectés LG et également avec les produits disposant du framework Alljoyn (Allseen Alliance, plus de 100 membres).
Les offres des opérateurs télécoms émergent progressivement
Si les géants du net réussissent à construire doucement mais sûrement leurs écosystèmes, c’est que les opérateurs télécoms leurs laissent de la place. En effet, ces derniers peinent encore à convaincre les abonnés avec leurs offres. Ces dernières pourtant se multiplient : AT&T Digital Life (US), Comcast Xfinity Home (US), Home live pour Orange (FR), Home By SFR (FR) ou encore Qivicon pour Deutsch Telekom (ALL), pour ne citer que les exemples des leaders domestiques. Mais les opérateurs communiquent peu alors qu’ils possèdent des atouts : présence dans le salon via les box qui ont des capacités technologiques a priori supérieures à celles des constructeurs TV ; une base de clients considérable pour les leaders et tous maitrisent la complexité de la relation client ainsi que la facturation ; une image de confiance établie (sécurisation des données, relation client). Le défi principal est maintenant de réussir une intégration horizontale en réunissant de nombreux partenaires et en proposant des services innovants avec des nouveaux scénarios d’usages.
Le marché de la smarthome représente un relais de croissance non négligeable pour les opérateurs télécoms et un moyen de capturer de la valeur. Deutsch Telekom (Qivicon) et AT&T (Digital Life), sont deux exemples qui semblent en passe de convaincre leurs abonnés grâce à une stratégie d’ouverture et une exportation de leurs offres au-delà de leurs marchés domestiques. AT&T a par ailleurs profité du CES pour annoncer le lancement courant 2016 de son propre assistant vocal qui servira à piloter sa solution Digital Life. Tout l’enjeu pour ces plateformes ouvertes sera de réunir le maximum de partenaires afin de proposer une expérience utilisateur optimale. Du côté d’Orange, l’offre Homelive lancé en octobre 2014, proposée à tous et pas seulement réservée aux clients d’Orange, comptait 15 000 abonnés 7 mois après son lancement (mai 2015). Un chiffre modeste mais jugé satisfaisant pour l’opérateur compte tenu du coût d’entrée et du prix de l’abonnement.Des offres promotionnelles (pack à 1€ au lieu de 79€ en ce moment même) et une communication plus importante grâce à de la publicité, devrait permettre d’accélérer les recrutements. Mais l’écosystème reste encore assez pauvre et doit évoluer rapidement compte-tenu des ambitions du groupe dans la Smart Home.
Les écosystèmes Américains en maturation : Winner takes it all?
Impossible de parler de la SmartHome sans évoquer les GAfA. Les écosystèmes Américains vont continuer d’animer le marché malgré des stratégies parfois confuses.
Pour Apple, 2015 a été marquée par la sortie du nouvel IPhone, la distribution élargie de son Apple Watch, ses nouveaux IPad et l’Apple TV (4ème génération). Une année de bénéfices et de résultats record pour Apple mais assez pauvre concernant son framework propriétaire Homekit. On peut imaginer qu’en 2016, Apple concentrera une partie de ses efforts sur ce marché à fort potentiel. Malgré une nouvelle page web dédiée et quelques nouveaux produits certifiés «Homekit», la solution connait des débuts discrets depuis son lancement en 2014. La principale raison : un niveau de sécurité exigé (certification Made for IPhone) jugé trop élevé par de nombreux produits potentiellement partenaires. Une fois que l’écosystème commencera à émerger (et le début de l’année est prometteur avec l’annonce de la compatibilité du thermostat Lyric d’Honeywell-, principal concurrent du Nest Thermostat), la promesse d’Apple de rendre la maison intelligente pourra commencer à être jugée sur pièce. L’arrivée d’iOS 9 fin 2015 a sans doute été l’annonce la plus importante pour Homekit. Avec iOS 8 il fallait impérativement passer par l’Apple TV pour piloter ses accessoires HomeKit lorsque l’on n’était pas chez soi, mais l’ouverture de iCloud aux fabricants d’accessoires a permis de se passer de l’Apple TV grâce au protocole HAP (HomeKit Accessory Protocol). La mise à jour de l’OS a également améliorer l’intégration de Siri dans le framework. Ce nouvel OS devait s’accompagner d’une application dédiée à Homekit, en donnant la possibilité de contrôler l’ensemble des produits depuis une seule et même application, mais la firme de Cupertino a préféré laisser le champ libre aux développeurs qui n’ont pas tardé à proposer l’application « Home » à 14,99$ avec en plus la prise en charge des « triggers », une nouveauté d’iOS 9 qui permet d’automatiser des actions à la manière de IFTTT.
Google/Alphabet/Nest : le géant de Moutain View est omniprésent sur le marché de l’IoT. A commencer par la Smart Home via sa filiale Nest et son programme « Work With Nest » lancé en juin 2014 qui permet une interaction entre les produits et les objets de la gamme pour créer un écosystème domotique. Le 1er octobre, la filiale dirigée par Tony Fadell a décidé l’ouverture du protocole applicatif Nest Weave aux développeurs à partir de 2016 : les développeurs pourront faire communiquer les objets entre eux directement depuis le réseau et non plus uniquement depuis le Cloud. Nest Weave propose en outre une communication sécurisée, fiable et directe entre appareils via les réseaux WiFi ou Thread. Avec cette démarche, Nest offre la possibilité aux développeurs de créer des interactions plus complexes entre les objets. Utilisé uniquement dans les produits Nest jusqu’alors, Nest Weave devrait booster le nombre de produits compatible avec le protocole en 2016 (les industriels Somfy, Legrand, Philips ou Daikin se sont déjà engagés à l’utiliser dans leurs produits connectés).
Du côté de Google (ou plutôt Alphabet), il faut retenir lancement de «OnHub » fin 2015, le Hub Wifi qui est amené à évoluer. Ce produit est le premier équipé de l’OS Brillo, dédié à l’IoT et dévoilé en mars en même temps que le protocole de communication ouvert Weave. Alphabet est présent sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la maison connectée. Cependant, avec cette profusion d’annonces venant de divisions distinctes du conglomérat (tantôt Google, tantôt Nest), Alphabet fini par manquer de pédagogie et de clarté pour le consommateur. Il est aujourd’hui difficile de savoir comment tous ces produits et services s’articuleront.
En marge, Amazon et son Amazon Echo. Ce produit remplit plusieurs fonctionnalités de contrôle et de pilotage de la maison, mais reste essentiellement un moyen de passer des commandes directement sur le site Amazon. Reste que le produit connait un succès outre-atlantique et devrait débarquer en Europe en 2016 de même que les capteurs « Dash Replenishment » qui permettent de re-commander automatiquement un produit lorsqu’il est épuisé. Plus intéressant, Amazon serait en train de travailler sur le projet encore mystérieux « Kabinet ». Cet ordinateur haut de gamme serait pensé pour la cuisine et conçu comme un hub pour la smart home.
Dans cet univers foisonnant, l’expérience utilisateur et la confiance accordée aux fournisseurs de service seront déterminants pour l’avenir. De plus, pour dépasser le statut de simple « marché de niche », la Smart Home doit convaincre les développeurs, seuls à même d’inventer les services du futur et de développer une approche customer-centric.