L’information a peut-être fait regretter à certains analystes leurs commentaires sur la prudence excessive de la direction. Et le jeu des comparaisons est plus cruel encore. Ce lundi 13 juin, Microsoft a annoncé l’acquisition de Linkedin pour une valeur dépassant les 26 milliards de dollars ; il y a deux semaines à peine, le nouveau patron de Viadéo Renier Lemmens indiquait que le réseau avait maintenant « cédé ses activités en Chine à la fin 2015 (puis qu’il s’était séparé) de toutes ses activités internationales en Afrique et en Russie. C’est désormais chose faite (pour se) centrer sur la France (avec l’espoir de) redevenir rentable sous 12 à 15 mois ». Et quand l’action Linkedin terminait la séance dans la foulée sur une hausse de 46,68%, le titre Viadeo perdait 4,76%.
Peu de différence au départ, pourtant, entre les deux réseaux sociaux professionnels : 18 mois à peine séparent la création de Linkedin (décembre 2002) et celle de Viadeo (juin 2004) et quand Viadeo se propose d’aider professionnels et étudiants à « construire leur carrière, enrichir leur carnet d’adresses, trouver de nouvelles opportunités » Linkedin se fixe pour « mission de mettre en relation les professionnels pour les aider à mieux réussir et à être plus productifs ».
Mais quand le service offert par premier n’a guère dépassé cette fonction de « base de CV », le second l’a progressivement complété l’échange d’informations et d’analyses produites par la communauté, qui en accroissent la dimension sociale, le rythme de visites et l’audience. Autrement dit, qui a créé de la valeur d’usage et accru la fidélité au site. Résultat : au mois de mai, Linkedin se classait au 33e rang des sites Web dans le monde avec 969 millions de visites et une moyenne de 5,51 pages vues par visite, quand Viadeo n’affichait que 12,1 millions de visites, 2,74 pages vues, et une 3 429e place (source : Similar Web).
A cette « culture intensive » de la relation avec ses abonnés, Viadeo a préféré la « culture extensive », autrement dit l’expansion internationale tous azimuts, et vers des marchés pas forcément solvables (2008 en Chine, 2010 aux États-Unis, 2011 en Russie…) sans éviter pour autant que le fossé se creuse en termes de nombre d’utilisateurs : 19 millions pour Linkedin en 2007 contre un pour Viadeo ; 100 contre 27 en 2010 ; 200 pour 48 en 2012 ; 300 versus 65 en 2014… Après avoir été contraint de se replier sur l’hexagone fin 2015 par l’ampleur des pertes accumulées (23 millions pour la seule année 2015), Viadeo ne revendique plus que 40 millions d’utilisateurs quand Linkedin culmine à 433 millions (donc davantage également que Instagram, Twitter ou encore Google+).
En ces jours de baccalauréat, il est tentant alors d’emprunter à Candide en forme de conclusion : « il faut cultiver notre jardin ».