Du pain et, plus que jamais, des jeux. A suivre les annonces de cette rentrée concernant la programmation de compétitions sportives en télévision en clair et/ou sur les grandes plateformes numériques, on croirait bien que responsables des achats, directeurs d’antennes ou chargés de la programmation ont tous pris un bain de culture latine pendant l’été !
S’agissant des géants mondiaux du Web, d’abord, l’agence Bloomberg indiquait ces derniers jours qu’Amazon « cherchait à acquérir des droits sportifs dans une large gamme de disciplines, intégrant le tournoi de Roland-Garros et le rugby professionnel (mais aussi) le golf, le football et la course automobile (en plus) des sports leaders aux Etats-Unis tels que le basket et le baseball » ; Ce faisant, Amazon se démarque de Netflix – toujours concentré sur l’offre de programmes à la demande – pour rejoindre Facebook, YouTube, Yahoo! ou encore Twitter dans une course au live dont le sport est un des carburants clé. En juin 2015, on apprenait que Yahoo! avait acquis pour près de 20 M$ les droits du match inaugural de la saison 2015/2016 de football américain ; au printemps dernier, Twitter emportait 10 matches de la NFL à l’issue d’une compétition avec Yahoo !, AOL et, déjà, Amazon ; et il n’est plus un appel d’offres outre Atlantique sans que l’une au moins des grandes plateformes se positionne pour bidder.
L’évolution est tout aussi spectaculaire en France s’agissant des chaînes de la TNT. Si Direct8 / D8 (football féminin), W9 (Europa League), France 4 et France Ô (dans le cadre des dispositifs multichaînes de France télévisions principalement, tels que les J.O. de Rio) ou TMC (Coupe des Confédérations 2013, demi-finale du Mondial de handball masculin ou, plus récemment, match Slovaquie Angleterre lors de l’Euro) ont intégré de longue date une touche de sport à leur programmation, Numéro 23 a créé l’évènement du début de la saison avec la promesse ce vendredi 16 septembre d’un Chelsea Liverpool de Premier League, et l’arrivée annoncée d’une partie du championnat de Pro A de basket, L’Equipe (ex 21) a poursuivi son glissement de l’information sportive vers la retransmission de compétitions, en ouvrant avec l’ASSE une case de rediffusion de matches de la Ligue 1 les lundi après-midi, et C8 est assuré de proposer pendant encore deux saisons au moins la finale de la Ligue d’Europe des Champions. Le 28 mai dernier, le Real et l’Athletico de Madrid lui avaient offert le record d’audience de la TNT, avec 4,2 M de téléspectateurs et 21,1% de part d’audience.
Rien de mystérieux à cet engouement : dans un contexte de fragmentation des audiences, le sport offre une « garantie performance » presqu’imparable (il occupait déjà 5 place dans le Top 25 de la TNT en 2015) ; il s’inscrit parfaitement, au-delà, dans une « économie de l’attention » qui maximise la résonance des campagnes de communication, comme en atteste l’importance de l’activité enregistrée sur les réseaux sociaux pendant les rencontres ; il représente enfin pour les chaînes un élément de différenciation et leur apporte un élément statutaire.
Trois éléments méritent au-delà d’être relevés dans ce retour du sport vers le clair.
- De C8 à W9 en passant par France 4 ou TMC, il est le produit d’arbitrages au sein de groupes adossés à une chaîne historique ou, dans le cas de Numéro 23, à un opérateur télécom (SFR, via Nextradio), et s’inscrit donc dans le mouvement visant à « raisonner de manière transverse sur l’ensemble des chaînes du groupe» que relevait ces derniers jours le Pdg de TF1 Gilles Pélisson.
- Par rapport à la tendance qui a prévalu ces dernières années et tendait surtout à faire monter les enchères entre acteurs du payant, cette tendance pourrait pousser Ligues et Fédérations à revoir la conception de leurs prochains appels d’offres, afin de les rendre plus incitatifs pour les chaînes gratuites, sur certains lots au moins.
- Concernant les producteurs, enfin, le mouvement doit résonner comme une alerte. Dans la foulée de TPMP, les programmes de flux, et singulièrement les talk-shows, ont fait figure de principaux marqueurs identitaires avec, comme illustration, la concurrence poussée à l’extrême qui prévaut cette saison en access prime time. La vague sport, si elle s’amplifie, pourrait conduire certaines chaînes à réviser leurs arbitrages comme leur programmation.
Nouvelle illustration de l’effet papillon, décliné en shorts et crampons !