Netflix vient d’annoncer un premier partenariat de distribution avec iPic Entertainment, un réseau américain de cinémas de luxe comptant une quinzaine de salles à travers le pays. L’accord porte sur dix longs-métrages qui seront diffusés simultanément dans les salles obscures et sur le service de streaming. The Siege of Jadotville (avec Jamie Dornan et Guillaume Canet), premier film concerné par cet accord, est sorti vendredi dernier outre-Atlantique.
Fondé en 2006, iPic Entertainement exploite un réseau d’une quinzaine de salles sur le sol américain, notamment à New York et Los Angeles. Proposant des prestations « premium » (32$ par ticket), chaque complexe dispose de services de restauration haut de gamme et de « petits plus » (larges fauteuils en cuir inclinables, pop-corn à volonté, bar, cabines isolées…) visant à enrichir l’expérience client durant la séance de projection.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une chaîne de premier plan aux États-Unis, iPic Entertainement est amené à jouer un important pour le leader mondial du streaming vidéo par abonnement. La diffusion des films de Netflix sur grand écran permettra en effet à la firme de Los Gatos de pouvoir prétendre aux Oscars. En vertu des règles officielles de l’Académie[1], pour qu’une œuvre soit éligible dans la course aux Oscars, elle doit avoir été diffusée dans des cinémas spécifiques pendant au moins sept jours d’affilée, avec plusieurs projections par jour (trois a minima dont une démarrant entre 18h et 22h), et les cinémas en question doivent présenter régulièrement des nouveautés. Déjà en 2015 Netflix avait essuyé le refus des grands réseaux américains (AMC, Regal, Cinemark, Carmike…) pour la diffusion sur grand écran de sa première production originale (Beast of No Nation). Le service de streaming avait alors été contraint de se tourner vers des chaînes de moindre envergure et des cinémas indépendants pour avoir une chance de décrocher la prestigieuse statuette dorée. Une reconnaissance critique recherchée par Netflix pour lui permettre d’asseoir sa légitimité dans l’industrie cinématographique – à l’image du travail effectué dans la production de séries, régulièrement salué par les professionnels – et de séduire de nouveaux abonnés.
De son côté, la NATO[2] se refuse catégoriquement à collaborer avec Netflix. L’Association craint qu’une sortie simultanée en salles et en ligne ne nuise aux revenus des deux parties et rappelle que si la notion d’exclusivité est essentielle pour les services de streaming, elle l’est tout autant pour les exploitants de salles. Pour Ted Sarandos (Directeur des Contenus de Netflix), au-delà de l’intérêt porté aux Oscars, ce partenariat doit permettre de prouver que les films produits par le service de SVoD sont de qualité et qu’ils ne sont pas exclusivement destinés au petit écran.
L’accord à long terme avec iPic doit permettre de pérenniser la distribution en salles des grandes productions du service. Dix films ont d’ores et déjà été annoncés pour le lancement de ce partenariat dont War Machine avec Brad Pitt, Bright avec Will Smith et Joel Edgerton ou encore First they Killed my Father d’Angelina Jolie. En cas de succès de l’opération, Netflix pourrait multiplier les accords de ce type et ainsi étendre sa présence dans un plus grand nombre de cinémas.
Les détails du partenariat entre Netflix et iPic Entertainment n’ont pas été dévoilés, notamment en ce qui concerne le partage de profits entre les deux sociétés. Il est à noter que le grand rival de Netflix, Amazon et son service de streaming Prime Video, propose également ses longs-métrages dans les salles obscures. A la différence de Netflix, le géant du e-commerce a choisi de maintenir une période d’exclusivité en faveur des exploitants. Une fenêtre d’exclusivité toutefois réduite à moins de deux mois (contre 3 mois et 17 jours en moyenne).
[1] AMPAS : Academy of Motion Picture Arts and Sciences
[2] National Association of Theatre Owners