La capacité à tirer éternellement sur les mêmes ficelles tient apparemment lieu de créativité pour les parlementaires. C’est en tout cas ce qu’inspire l’examen en commission du projet de Loi de finances 2017 à l’Assemblée Nationale, et plus précisément les dispositions arrêtées pour le financement du service public de l’audiovisuel.
Tournant le dos à une pratique installée dans la foulée de la réforme Sarkozy de 2009, un amendement de la rapporteure générale du budget Valérie Rabault a réduit de 2 à 1 euro l’augmentation prévue de la Contribution à l’Audiovisuelle Publique (CAP, ex redevance audiovisuelle), en compansant la perte qui en résultera pour le budget du service public de l’audiovisuel (estimée à 38 M€) par un relèvement de 0,1% de la Taxe sur les Opérateurs de Communications Electroniques (TOCE, dite, Taxe Copé).
Répétition, d’abord, dans l’incapacité à garantir dans la durée la « redevance » comme levier principal de financement de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA, après que l’arrêt de la publicité après 20 heures a divisé par deux les recettes commerciales de la première, après que l’Etat a planifié la suppression des concours versés sur le budget général de l’Etat, et après que les ministres de la Culture successifs ont renoncé depuis 2012 à étendre l’assiette de la CAP aux nouveaux écrans. Une telle réforme, notamment mise en œuvre par l’Allemagne, permettrait de mettre à contribution les foyers, en nombre croissant, qui ne possèdent pas de téléviseur (6% à ce jour d’après le CSA) mais utilisent PC, tablettes et smartphones pour visionner les programmes. Ceci augure mal de la capacité de la gauche à se mobiliser pour le service public audiovisuel, au moment où les mises en cause de ce dernier se multiplient à droite, de Nicolas Sarkozy à la dernière note du think tank Fondapol.
Répétition, aussi, dans la capacité à aller toujours puiser dans les poches des opérateurs télécom. Lorsque la taxe Copé a été instituée, son taux était de 0,9%. L’espace d’un septennat à peine, ce dernier est passé à 1,3%, et l’amendement adopté à l’initiative de Valérie Rabault le porte à 1,4%, soit une augmentation de… 55%. La mesure aurait sans doute été supportable au début des années 2000, quand montée en puissance du haut débit et explosion du mobile nourrissaient la croissance des recettes (+77% entre 2000 et 2009). Mais crise économique, lancement de Free Mobile ou encore durcissement de la réglementation nationale et européenne se sont combinés depuis pour renverser la tendance : le secteur a perdu près de 20% de son chiffre d’affaires entre 2009 et 2015 (-19,6%, soit -11% pour le fixe et -25,5% pour le mobile, d’après l’ARCEP) et le 1er semestre 2016 ne marque pas de retournement (-1,8% par rapport au 1er semestre 2015).
Loin des représentations du riche et du pauvre, télécoms et médias (-11,7% des recettes publicitaires depuis 2009) partagent aujourd’hui d’être, à la fois, fortement challengés par la nouvelle donne numérique et fragilisés économiquement. Parce qu’il privilégie la logique des vases communicants au détriment de l’apport de valeur supplémentaire (via la redevance), l’amendement Rabault n’aidera pas au rebond…
Répétition, enfin, dans la capacité des pouvoirs publics à poursuivre malgré tout dans la voie des injonctions contradictoires : multiplier les déclarations hostiles aux GAFA et dénoncer les avantages concurrentiels dont ils jouissent par rapport aux acteurs nationaux, mais continuer à alourdir la charge règlementaire qui pèse sur ces derniers, coté média ; amputation des recettes mais injonctions à accroître les investissements destinés à permettre le passage au très haut débit, coté telcos. Hélas.