Snap Inc.(1) va revoir prochainement le modèle économique de son offre Discover, lancée en France mi-septembre, et arrêter la répartition des revenus avec les médias présents sur cette offre. Une règle de plus fixée par le réseau, qui amène à s’interroger sur les impacts de ces contraintes sur l’activité des médias.
« Opération séduction » des réseaux
Avec plusieurs millions de visiteurs uniques par jour, les réseaux sociaux sont devenus de véritables carrefours d’audience
via lesquels les internautes s’informent. Ainsi 35% des Français (2) utilisent Facebook pour s’informer et 58% d’entre eux consultent Twitter pour s’i nformer sur l’actualité en général (3). En France, la Discover Story de « Le Monde » sur Snapchat réunirait 200 000 visiteurs uniques par jour et « Melty » en enregistrerait 2 millions (4). Ces chiffres de fréquentation ont naturellement poussé les différents médias à accentuer leur présence sur les réseaux, principaux relais de leurs contenus. Tandis que les réseaux sociaux accordaient un traitement spécial aux contenus provenant des médias sur leurs plateformes, satisfaisant ainsi les attentes de leurs utilisateurs et augmentant le temps passé et la valorisation des audiences.
Des solutions à l’égard des médias : les dernières fonctionnalités déployées par les réseaux montrent qu’ils ont pris en compte les nouveaux comportements de leurs utilisateurs concernant leur consommation d’informations. Par exemple, Snapchat a lancé les stories Discover en France en septembre dernier, proposant ainsi aux médias sélectionnés une nouvelle fenêtre de visibilité auprès de la cible phare de Snapchat, les millenials. Instant Articles, lancé par Facebook en 2015, permet aux membres du réseau de consulter des articles de grands médias sans quitter le réseau social. Le réseau social souhaite ainsi rendre l’expérience utilisateur plus agréable et notamment sur mobile. Car 80% des utilisateurs actifs de Facebook en France se connectent au réseau via des terminaux mobiles.
Des médias de plus en plus dépendants
Des règles strictes qui imposent aux médias de faire preuve d’une grande capacité d’adaptation
Pour bénéficier d’une Discover Story sur Snap Inc., les médias se sont pliées aux règles imposées par le réseau : équipes dédiées à la plateforme, un maximum de 15 snaps par édition, une édition différente chaque jour et format vertical obligatoire. Quant à Facebook, son service Instant Articles impose aux médias un format de contenu qui leur est externe et dont ils ne peuvent contrôler le design et l’expérience utilisateur. De plus, Facebook multiplie les changements et tests de son algorithme pour offrir sans cesse la meilleure expérience à ses utilisateurs, au détriment des éditeurs. Depuis juin dernier, il favorise les posts des proches des utilisateurs, puis en août les articles « click-bait » sont sanctionnés. Des allers-retours qui demandent aux éditeurs de constamment s’adapter aux règles définies par le réseau pour assurer leur visibilité.
Des règles en faveur des réseaux sociaux
L’intérêt prioritaire des réseaux sociaux est d’assurer leur modèle et leur rentabilité. Aujourd’hui, ils pratiquent une répartition des revenus sur le modèle 50-50 avec les médias à l’exception de Twitter qui reverse 70% des revenus publicitaires aux créateurs de contenus. Facebook, pour Instant Articles, verse 100% des revenus publicitaires si les publicités sont apportées par les annonceurs et 70% si c’est le réseau qui apporte les publicités. Un modèle de répartition des revenus publicitaires séduisant.
Tandis que Snap qui pratiquait jusqu’alors une répartition des revenus à 50-50 avec les médias, a décidé de ne plus partager les revenus publicitaires dégagés par son offre Discover et de garder l’intégralité des revenus publicitaires. Ainsi, Snap, comme un distributeur TV, achèterait les droits de diffusion d’un contenu à un éditeur. Ce serait le gage d’un revenu fixe pour les médias mais un revenu limité et aveugle à l’audience que peut générer un contenu.
Un effet domino ?
Cette décision de Snap pose la question d’un éventuel effet de propagation. Ce modèle pourrait en effet, représenter une opportunité pour les réseaux sociaux d’accroître leurs revenus publicitaires. Facebook enregistre un chiffre d’affaires en hausse qui s’explique par la progression de ses recettes publicitaires (+56,8%, 5,20 milliards de dollars).
Cependant pour que ce modèle se généralise, il faudrait que les médias acceptent de ne pas toucher leur part d’un gâteau publicitaire en hausse. Ainsi, plusieurs médias s’inquiètent de cette mainmise des réseaux sociaux sur leur activité. Alan Rusbridger, l’ancien rédacteur en chef du Guardian, accuse Facebook de « prendre tout l’argent » lors d’une conférence organisée par le Financial Times en septembre dernier. « Comme les annonceurs veulent toucher les consommateurs là où ils passent le plus de temps, ils transfèrent leurs dépenses de communication vers des supports comme les réseaux sociaux (…) Et pour financer des publicités sur Facebook, ils puisent dans d’autres budgets, dont la TV et la presse écrite ». Tout miser sur les réseaux sociaux alors même que ceux-ci semblent être dans une logique de test and learn permanente, peut s’avérer être un défi de tous les jours pour les médias. Mais pour Francis Morel du Parisien, premier média à avoir utilisé Instant Articles en France, « ce n’est pas un combat, il faut qu’on ait ces technologies et ensuite qu’on développe nos activités ».
[1] Anciennement Snapchat
[1] http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2015/06/16/les-medias-face-au-pouvoir-des-reseaux-sociaux_4655143_3236.html
[1] Source : IPSOS / Enquête réalisée par internet du 1er au 8 juillet 2013 auprès d’un échantillon représentatif de 500 Twittos actifs
[1] http://www.lefigaro.fr/medias/2016/10/16/20004-20161016ARTFIG00159-bon-depart-pour-snapchat-discover.php