Après plusieurs mois de rumeurs, la présentation officielle de la Nintendo Switch a été faite jeudi dernier par le biais d’une vidéo promotionnelle[1] mettant en scène principalement des adultes jouant à la future console hybride du Japonais. Un concept assez novateur qui n’a sans doute pas vocation à venir titiller Sony et Microsoft sur le marché traditionnel de la console de salon. Cinq ans après la sortie de sa dernière console, Nintendo revient donc sur le devant de la scène avec sa console Switch dont le prix est pour l’instant tenu secret[2] et qui sortira en mars 2017.
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Nintendo Switch : une console modulable qui se dévoile partiellement
Alors que Nintendo est sur le point de ressortir une version miniaturisée de la NES (1986) pour les fans de retro-gaming, le Japonais a présenté jeudi dernier la Switch, une console différente de tout ce qui existe aujourd’hui sur le marché grand public. Une console modulable qui peut s’utiliser aussi bien pour un usage domestique (console de salon) que pour un usage nomade (console portable) grâce à une partie amovible. L’expérience est donc « single screen » comme Nintendo tient à le rappeler pour bien se distinguer de la Wii U considérée comme un échec cuisant pour le constructeur (seulement 13,2 M de consoles écoulées). Même si Nintendo devrait communiquer prochainement pour donner plus de précisions sur sa console qui sort dans six mois, des rumeurs circulent déjà sur les caractéristiques techniques, le prix et le line-up au lancement.
Parmi les remarques qui ont pu être faites sur cette vidéo, on note la capacité à jouer à quatre avec deux machines, chacune embarquant deux contrôleurs baptisés « Joy-Con » qui sont détachables. Ces contrôleurs peuvent s’employer de deux manières différentes. Soit de pair, à la verticale, par un même joueur, soit à l’horizontale, une par joueur, à la manière des contrôleurs Wii. La manette classique sera quant à elle vendue séparément. La puissance de la console se trouvera uniquement dans la partie mobile (qui se glisse dans la station). La station sert donc ici simplement de socle dont la seule fonction est de transmettre le jeu sur la TV ainsi que d’alimenter et de recharger le système, et n’augmente en rien l’expérience (pas de processeur qui améliorerait la qualité d’image par rapport au mode portable). Pour cette nouvelle console, une crainte subsiste chez les développeurs, celle d’avoir la même difficulté que sur les précédentes itérations pour développer un jeu (complexité du hardware) et retrouver ainsi principalement des licences Nintendo et peu de licences « AAA » de développeurs tiers. Malgré la liste des partenaires annoncés, Nintendo devra donc certainement convaincre, dans un premier temps, par ses franchises phares en utilisant au mieux les fonctionnalités de la console.
Malgré un enthousiasme plutôt partagé après la sortie de la vidéo, le marché ne semble pas très bien avoir réagi puisque l’action de Nintendo a chuté de 6,5% ce lundi matin. La raison ? Le choix de ne révéler que partiellement l’écosystème et de verrouiller la communication n’a pas été très bien accueilli par les analystes. De plus, certains estiment que le concept n’est pas assez révolutionnaire comme a pu l’être la Wii à sa sortie en 2006. Mais à quel niveau de vente, Nintendo considérera sa Switch comme un succès commercial ? Les attentes placées par le constructeur Japonais ne sont pas très claires. En revanche le message marketing est on ne peut plus clair (jouer où on veut, quand on veut, comme on veut) et on imagine que le constructeur espère concilier ses fans de console de salon et de console portable en proposant une véritable expérience nomade avec des franchises de qualité.
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Revirement stratégique pour Nintendo : un pari risqué ?
Conduit par l’échec de la Wii U et la montée en puissance de Sony et Microsoft sur le marché de la console de salon, le géant japonais semble vouloir se détacher en proposant un produit hybride confirmant ainsi sa volonté de vouloir fusionner ses divisions mobiles et fixe. Peut-être une dernière tentative de la part de Nintendo de conquérir le salon ou du moins avoir un pied dedans. Et malgré les rumeurs, Nintendo ne semble pas proposer de VR dans cette première démonstration. Le japonais réserve peut-être une surprise pour sa deuxième opération de communication[3], ou alors le constructeur estime toujours que la technologie est encore un peu loin du potentiel marché de masse et préfère attendre. Avec cette nouvelle console, Nintendo mise donc surtout sur son principal avantage concurrentiel : les consoles portables. Le japonais espère ainsi continuer d’occuper le terrain (la vidéo promotionnelle de la Nintendo Switch est composée à 60% de situations nomades ; cf. graphique), mais le gamer fera certainement un arbitrage entre les différentes consoles du marché. La Switch réussira-t-elle alors à se démarquer dans cet embouteillage technologique ou arrive-t-elle trop tard[4] ? Sony vient de sortir la PS4 Slim et le Playstation VR et la PS4 Pro sort le 10 novembre. Microsoft de son côté va sortir la Xbox Scorpio en 2017 (qui serait a priori compatible avec l’Oculus). En termes de puissance, la Switch sera en deçà de ces deux modèles mais dispose d’autres avantages. Dans cette course parallèle à la 4K et à la VR, Nintendo a donc sa carte à jouer avec une console qui propose des usages différents et qui a l’avantage de s’adresser aussi bien aux casuals qu’aux gamers. L’autre inconnue et non des moindres, se trouve dans l’ergonomie de sa plate-forme et la compatibilité avec l’univers mobile (services en ligne, applications mobiles, réseaux sociaux). Nintendo affirme avoir travaillé à l’amélioration du software.
L’avenir nous dira si Nintendo parvient à capter le plus grand nombre de joueurs possible, et il sera intéressant de suivre les prochaines annonces et les effets sur la structure de marché en cas de réussite, comme en cas d’échec. A l’aube de la dématérialisation, Nintendo joue la carte de l’abolition des frontières entre la console fixe et la console portable (permise par la montée en puissance des puces) pendant que ses concurrents s’échinent dans une course à la VR et à la 4K. Ces évolutions naturelles du marché de la console s’inscrivent donc en lame de fond et même si ce n’est pas la console de la dernière chance pour Nintendo, le pari est tout de même risqué après l’échec de la Wii U. Nintendo devra trouver le juste prix et proposer une expérience convenable aussi bien en mobilité que dans le salon.
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Annexes
[1] Vidéo officielle de présentation (18 M de vues) et vidéos de présentation des modèles précédents : http://www.recode.net/2016/10/23/13368346/nintendo-switch-nx-viral-video-tv-old-ads
[2] Prix estimé à 250$, 2,5 M de Switch écoulé le premier mois (+1 mois) et 10,6 M d’ici mars 2018 (+12 mois) : https://mynintendonews.com/2016/10/24/david-gibson-estimates-nintendo-switch-to-cost-250-and-could-sell-10-6-million-units-in-a-year/
[3] On imagine par exemple, un casque dans lequel on glisserait la partie mobile de la Switch. Ce qui pourrait être un atout pour Nintendo qui se positionnerait a priori sur des technologies moins chères
[4] Selon Eurogamer, la console était prête pour l’été mais le nouveau Mario lui ne l’était pas, et Nintendo mise beaucoup dessus