[box style=”5″]
A l’occasion de l’audience publique du 5 juillet dernier, la première chambre civile de la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) aux questions soulevées et transmises par le Conseil d’Etat, à l’occasion de sa décision rendue le 10 mai. La Haute juridiction administrative avait transmis à la CJUE plusieurs questions préjudicielles afin de définir le périmètre de l’obligation de « must carry » prévue à l’article 34-2 de la loi de 1986 sur la liberté de communication, qui impose aux services qui ont le statut de distributeur, une obligation légale de diffusion des chaines de télévision publiques gratuites.
[/box]
L’affaire a débuté lorsque France Télévisions s’est opposée à la reprise de ses flux par Playmédia. Cette dernière assigna donc le groupe public devant le Tribunal de commerce pour concurrence déloyale, qui s’est cependant déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris. Par un jugement du 9 octobre 2014, le TGI a rejeté l’ensemble des demandes de la société Playmédia et l’a condamnée à verser la somme d’un million d’euros à France Télévisions pour avoir diffusé, sur son service de télévision en direct, gratuit et accessible sur Internet « playtv.fr », les programmes des chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô sans autorisation, en contrefaçon des droits d’auteur et voisins, de producteur de vidéogrammes et de marques.
Cette décision fut ensuite confirmée par la Cour d’appel de Paris par un arrêt du 2 février 2016. En outre, depuis le 20 novembre 2014, Playmédia utilisait un nouveau modèle de diffusion des services de France Télévisions reposant sur la « transclusion », moyen d’utilisation de liens profonds pointant vers le site de rattrapage Pluzz. Sur cette pratique, la Cour a conclu à de nouveaux actes de contrefaçon. Elle estimait de plus que cette technique ne permettait pas nécessairement à l’internaute de savoir que le service de télévision de rattrapage proposé par playtv.fr était fourni par France Télévisions, ce qui entretenait un risque de confusion quant à l’origine du service proposé, et que Playmédia « bénéficiait de la clientèle ainsi attirée illicitement sur le site playtv.fr ». Playmédia fut donc condamnée à 400 000 euros de dommages-intérêts supplémentaires.
La société s’est immédiatement pourvue en cassation, soutenant que son statut l’autorise à reprendre les chaînes du service public et contestant la somme d’environ 1,5 million d’euros qu’elle avait été condamnée à verser en réparation à France Télévisions. Lors de son audience publique, la Cour de cassation a jugé, qu’au regard des griefs et des questions préjudicielles déjà transmises par le Conseil d’Etat dans le cadre d’une procédure administrative parallèle, la décision de la CJUE à venir sera « de nature à influer sur la solution du présent pourvoi ». Elle considère donc qu’il y a lieu de surseoir à statuer jusqu’au prononcé de celle-ci.
La Cour de justice de l’Union devra répondre, entre autres, à la question de savoir si un service tel que proposé par Playmédia « peut être regardée comme exploitant un réseau de communications électroniques utilisé pour la diffusion d’émission TV et de radio ». Si la réponse est négative, le Conseil demande si les États membres peuvent « prévoir une obligation de diffusion de services de TV ou radio pesant à la fois sur des entreprises exploitant des réseaux de communications électroniques et sur des entreprises qui, sans exploiter de tels réseaux, proposent le visionnage de programmes de télévision en flux continu et en direct sur internet ».
Se posera également la question de savoir si un Etat membre qui a prévu une obligation de « must-carry » sur certains réseaux peut « obliger un éditeur à être diffusé sur ces mêmes réseaux, y compris sur un site internet, alors qu’il diffuse lui-même ses propres programmes sur internet », tel que le fait France Télévisions.