Chaque jour un peu plus, la vidéo s’affirme comme un killer content pour les écrans mobiles et le MWC qui se tient actuellement à Barcelone témoigne des efforts des industriels pour optimiser la consommation de programmes sur les smartphones. Inconcevable pour les groupes audiovisuels de se tenir à l’écart de cette tendance… au risque de se voir demain plus exposés à la concurrence.
Le match OM PSG du dimanche 26 février a permis à l’application myCANAL de signer « un pic de près de 600 000 connexions simultanées (soit) près de 20% d’augmentation par rapport au précédent record établi en mai 2016 à l’occasion du match Bayern Munich – Atletico Madrid (demi-finale de la Champions League) », indiquait ce mardi 28 février un communiqué de presse du groupe Canal+ ; « Il y a dix ans, le tactile, la navigation en balayage et, plus généralement, l’ensemble de l’interface imaginée pour l’iPhone ont pris le pas sur l’ordinateur en terme d’expérience client. On est en train de vivre la même chose par rapport au téléviseur : myCANAL devient structurant pour l’expérience de Canal+, y compris sur le téléviseur » soulignait le 21 février, son directeur général Maxime Saada, lors de la MConférence organisée par NPA Conseil.
Et de l’adhésion aux nouveaux modes de navigation à l’usage massif, la distance tend de plus en plus se rétrécir. « Il y a quelques années, le mobile était l’écran des vidéos courtes, peu ou pas disponibles par ailleurs sur le téléviseur. Il devient un terminal de destination pour la consommation de programmes « classiques », en live comme en rattrapage », confirmait le COO du groupe Dentsu Aegis Benjamin Grange ; le mouvement est déjà perceptible : « 800 000 mobinautes regardent tous les jours des programmes en replay, pour une durée moyenne d’une heure 21, indique Julien Rosanvallon, directeur des départements Internet et Télévision chez Médiamétrie. Les chiffres ont été multiplié par 5 en 3 ans ». Même tendance dans le Baromètre de la télévision en ligne GFK / NPA Conseil : en 2016, smartphones et tablettes ont pris le leadership par rapport à la télévision et à l’ordinateur, avec près de 3 milliards de programmes visionnés, soit 38,9% de la consommation de TVR. Et l’érosion progressive de l’équipement en téléviseurs donne à penser que cette montée en puissance va se poursuivre : entre la mi 2015 et la mi-2016, celui-ci a reculé d’un point (93,9% vs 94,8%), soit près de 300 000 foyers supplémentaires qui se passent de « petite lucarne ».
A défaut d’atteindre des dimensions aussi spectaculaires que les téléviseurs, les terminaux mobiles – et singulièrement le smartphone – améliorent régulièrement le confort de visionnage offert à leurs utilisateurs : « en un an, de 2015 à 2016, la part des écrans de plus de 5 pouces est passée de 43% à 64%, celle des phablettes a presque doublé, indique François Klipfel, le directeur général adjoint de GFK, et ces écrans ont gagné en qualité de restitution : en 2016, ils sont HD, Full HD ou 4K à 49%, soit deux fois plus qu’en 2015 ». Last but not least, plus de 70% des smartphones vendus en 2016 sont compatibles 4G ou 4G+.
Les premières annonces des constructeurs lors du MWC, le smartphone sans bord de LG qui permet de gagner encore en taille d’écran par exemple (lire par ailleurs dans le Flash NPA), vont permettre d’améliorer encore ces performances, et continueront à stimuler les usages avec, à la clé, un double challenge pour les éditeurs et détenteurs de droit :
- Celui de la monétisation des audiences, d’abord. Affirmer que « l’année suivante serait l’année de la publicité sur mobile» a longtemps fait figure de running gag, en France en tout cas ; l’accélération intervenue depuis 2 ans a permis à la publicité sur mobile de totaliser 1,26 Md€ de recette (+72%), d’après les données du SRI. Mais le search, qui a été plus dynamique encore, en représente les deux tiers (821 M€), la publicité vidéo ne pèse encore que 158 M€ (+38%), et le nombre de convives désireux de s’en attribuer une part (réseaux sociaux, éditeurs de presse ou de radio, purs players…) est sans comparaison avec le niveau de concurrence existant en télévision. La difficulté à rapprocher montée des usages et croissance du chiffre d’affaires reste un vrai défi, convenaient le 21 février Maxime Saada et le directeur général adjoint d’E-TF1, Olivier Ou Ramdane.
- Le défi de la montée de la concurrence vaut également pour la télévision payante. « Nous ne sommes plus dans le walled garden des plans de service, avec un nombre limité d’acteurs qui sont tous soumis à la même réglementation, relève Maxime Saada. Dans l’univers mobile, le client peut accéder à un nombre démultiplié de concurrents, où qu’ils soient installés en Europe, et par exemple aux Pays-Bas (NdR : Netflix), ou au Luxembourg (Amazon mais aussi les activités média de SFR) où la réglementation n’a rien à voir avec celle que nous supportons». Pas de décret SMAD, il est vrai, par exemple, pour ces autres compétiteurs. La confirmation, ce mardi 28, du lancement du service TV en streaming de YouTube, qui intègrera 40 chaînes signées – notamment – NBCUniversal, CBS, Fox Networks et Disney-ABC Television Group ainsi que des fonctions de nPVR et une offre de contenus délinéarisée intégrant YouTube Red n’est pas faite pour rassurer les acteurs traditionnels de la pay TV. Attendue depuis le dernier CES, et commercialisée $35 par mois, l’offre est pour l’instant limitée au territoire américain. Elle s’ajoute aux Sling TV (Dish), PlayStation Vue (Sony), AT&T DirecTV Now, Hulu qui pourraient rapidement rejoindre Netflix, Amazon ou encore Wuaki sur le sol européen. Aujourd’hui, déjà, on sait que Netflix a conquis plus de 80% de ses abonnés français via une souscription en OTT.
La vie mobile n’est pas non plus un long fleuve tranquille…