Si l’année 2016 consacrait d’une part les premiers pas de l’e-sport dans le paysage médiatique français et d’autre part, sa reconnaissance juridique, 2017 semble déjà marquer son développement et sa démocratisation. Marques et médias multiplient, en effet, les annonces dans le domaine. Quels enjeux se cachent derrière ces opérations?
« Proposer une lecture de l’e-sport au plus grand nombre » (1)
Selon Médiamétrie, 1 personne sur 2 déclare avoir entendu parler de l’e-sport (45,2% des sondés) et les 15-24 ans, les CSP+, les 25-34 ans sont, dans cet ordre, les catégories de personnes qui connaissent le mieux l’e-sport. Parmi ces connaisseurs, 26,3% ont déjà regardé au moins une fois une compétition de sport électronique à la télévision ou sur Internet, dont près d’1 personne de 15/34 ans sur 2 (44,2%).
Au vu de cette audience massive et qui ne cesse de grandir, les marques et médias ont investi le terrain de cette nouvelle pratique sportive qui s’est créée à la marge, autour de codes très spécifiques. Le challenge des marques, ici, est comme le résume Olivier Ou Ramdane, directeur des nouveaux business du groupe TF1, dans le magazine Stratégies paru début février, « de proposer une lecture de l’e-sport au plus grand nombre » pour démocratiser cette nouvelle pratique et la faire sortir des seules plateformes de jeu en ligne qui peuvent rebuter les non-initiés.
L’engouement des marques et médias: en ce début d’année 2017, se sont multipliées les annonces d’acteurs très variés en faveur du développement du sport électronique. A commencer par les médias qui proposent déjà des programmes courts consacrés à la pratique (Canal Esport Club sur CANAL+ par exemple). Cette fois-ci, TF1 va plus loin en annonçant le lancement d’une émission de télé-réalité consacrée à la discipline, « Game Inside Experience » qui sera diffusée sur MyTF1 ainsi que sur Twitch, et dont le site dédié à l’actualité des jeux vidéo, Eclypsia, est partenaire. 10 pro-gramers seront sélectionnées, avec à la clé, une qualification au championnat du monde du jeu vidéo le plus populaire, League of Legends. Les candidats seront coachés par les plus grands professionnels du monde de l’e-sport. Il sera possible de suivre les candidats divisés en deux équipes de cinq, 24h/24 sur le digital et chaque semaine lors d’un prime TV pendant 8 semaines. Il s’agit du premier divertissement dédia à l’e-sport en France.
D’autres acteurs s’y mettent également. Le club de football, l’Olympique Lyonnais (OL) a officialisé son arrivée dans le domaine en recrutant un manager dédié à la discipline mais aussi un joueur professionnel français, Fouad « Rafson » Fares qui sera désormais représentant du club dans les compétitions d’e-sport du jeu de football Fifa, vendu à plus d’1,4 milliards d’exemplaires en 2016 ce qui en fait le bien culturel le plus vendu en France (2) . L’OL rejoint ainsi des clubs de football comme le PSG, l’AS Monaco ou encore Valence en Espagne qui ont déjà investi le terrain de l’eSport.
Professionnalisation et structuration : La discipline tend de plus en plus à se professionnaliser tant au niveau de ses joueurs, que de ses structures en passant par ses supporters.
Webedia a annoncé vouloir accompagner les marques dans le déploiement des opérations autour de la discipline. Pour ce faire, l’entreprise spécialisée dans les médias en ligne a créé une arène de 400m2 pour entraîner les équipes de Millenium, son site dédié à l’actualité de l’e-sport et qui possède désormais sa propre équipe d’e-sport. « Nous voulons professionnaliser les joueurs » martèle Rémy Chanson, e-sport manager chez Webedia. Ainsi, la Française des Jeux, en partenariat avec Webedia, a annoncé la création de trois compétitions officielles dédiées au sport électronique : la « FDJ Masters League » réservée aux professionnels, la « FDJ Open Series » et le « FDJ Gaming Tour » pour les amateurs.
Quant à Nestlé, le géant de l’agroalimentaire a annoncé, via sa marque Lion et en partenariat avec Eclypsia, la création du premier groupe officiel de supporters de l’e-sport.
Les millenials, une cible difficile à toucher sur les médias traditionnels
Cet intérêt n’est pas anodin pour les marques. C’est un moyen pour elles de reconquérir les millenials, en allant directement là où ils sont présents.
Profiter de l’hyper connexion des jeunes : Les millenials sont la cible des marques qui investissent dans la discipline. 62% des adeptes du sport électronique ont entre 15 et 34 ans selon l’institut CSA. Les millenials qui ont délaissé la télévision linéaire (2h39 de visionnage par jour pour les 15/34 ans, soit 1h30 de moins que la population totale et 5% de moins qu’un an auparavant (3)) sont pourtant bien loin d’avoir déserté les écrans.
En effet, Le temps passé par les jeunes de 16 à 24 ans sur leur téléphone a doublé en un an, pour atteindre près de 4 heures au total par jour. Et au-delà des portables, ils passeraient plus de 3 heures par jour devant un écran d’ordinateur (4). C’est donc une cible hyper-connectée, engagée, passionnée et ce, notamment sur les réseaux sociaux.
22,4M de dollars de revenus en 2016 : Pour les marques médias comme TF1, intéresser les millenials est ici un moyen de drainer des revenus publicitaires supplémentaires en se diversifiant. Le revenu généré par l’e-sport en France a été estimé en 2016 à 22,4M de dollars et celui de 2017, serait estimé à 26M de dollars et 28,8M en 2018 (5).
En effet, les gains mis en jeu lors de compétitions peuvent atteindre des centaines de milliers d’euros et ces tournois constituent de formidables vitrines pour les marques. Le sponsoring autour de ces événements représente actuellement 70 % des revenus de l’e-sport. Une augmentation de plus de 50 % par rapport aux chiffres de 2015. Ce qui laisse deviner que l’e-sport a de beaux jours devant lui.
(1) Citation d’Olivier Ou Ramdane, directeur des nouveaux business du groupe TF1
(2) Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir (SELL)
(3) Etude Young Adults Report – Eurodata Worldwide TV – Etude menée entre septembre 2015 et juin 2016
(4) Sondage OpinionWay – juin 2016
(5) Le marché européen du sport électronique. Étude réalisée par SuperData Research, Inc. en République Tchèque, France, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne, Russie, Espagne.