- Hervé Rony, Directeur Général de la SCAM
- Emmanuel Priou,Président Audiovisuel du SPI, Fondateur de Bonne Pioche
Hervé Rony (Directeur général de la SCAM)
Hervé Rony souligne le caractère remarquable du répertoire documentaire de la SCAM en France, surtout compte tenu des difficultés que connait le genre, notamment dans son financement. De ce point de vue, il soutient que la régulation a eu un effet bénéfique certain, et tout autant pour la situation des intermittents et des sociétés de gestion collective.
Toutefois, il insiste sur le besoin de ne pas avoir un discours trop conservateur : « il ne faut pas être réticent à l’adaptation ». La question est selon lui moins juridique qu’économique, et il y a un équilibre à trouver.
Le droit d’auteur est pour Hervé Rony « l’expression d’une rémunération des partenaires de l’audiovisuel ». Il ne faut pas que cela soit vu comme une contrainte. Chaque nouvel opérateur sur le marché se heurte tôt ou tard au droit d’auteur, observe-t-il. Historiquement, c’est le cas du théâtre, puis de la radio, puis de la télévision, jusqu’au nPVR (enregistrement numérique à distance). Le problème qu’il déplore est que la question du droit d’auteur est souvent secondaire dans l’élaboration d’un business plan, et que c’est un problème généralement rencontré en aval. C’est pourquoi il prône une approche de partenariat et d’anticipation afin d’éviter une confrontation d’intérêts de dernière minute.
Inquiétude vis-à-vis des travaux européens en cours
Au niveau européen, il rappelle que l’objectif de Bruxelles est le libre-échange, la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens, ce qui explique la difficulté avec le maintien du principe de territorialité. L’enjeu de la territorialité toutefois, c’est pour lui le financement et la rémunération de la création, et il juge que l’Europe commence tout de même à comprendre que la territorialité est un principe nécessaire. De plus, il souligne qu’il est « un peu vain » de croire que les œuvres françaises seraient visionnées intensément dans tous les territoires européens.
Les marchés nationaux restent forts, analyse-t-il. Les œuvres françaises plaisent d’abord aux français, « et alors ? » Les productions multinationales ne fonctionnent pas bien selon lui, raison pour laquelle il faut préserver l’exploitation nationale.
Ce qu’il trouve « ahurissant » dans l’Union, c’est l’absence de volonté de se protéger de l’influence américaine. Il est déjà « difficile de s’accorder sur une obligation de diffusion de 20 à 30 % d’œuvres européennes », regrette-t-il. Pour la défense de la position française, il préconise de ne pas oublier que l’on peut parler plus fort à Bruxelles, et de ne pas hésiter à le faire pour être sûr de se faire entendre. Il considère sur ce point que le nouveau Président devrait « parler plus fort » que le précédent.
Un audiovisuel public fort sans la publicité
Au niveau national, il lui semble urgent de généraliser la contribution à l’audiovisuel public pour préserver l’identité du service public. Cette identité, il la trouve plus clairement représentée chez Radio France que chez France Télévisions, notamment en raison de l’absence de la publicité. Hervé Rony juge que service public et publicité sont des idées peu compatibles, sinon contradictoires.
Emmanuel Priou (Président Audiovisuel du SPI, Fondateur de Bonne Pioche) :
À la défense de l’exception culturelle
Emmanuel Priou s’est félicité de la prise de position de Delphine Ernotte sur l’exception culturelle française, « système si particulier » et raison pour laquelle « il y a encore aujourd’hui en France un cinéma aussi vif et varié ». « Quand on se balade dans beaucoup de pays, nos interlocuteurs sont effarés de voir ce dont on bénéficie aujourd’hui chez nous, c’est important de le rappeler », assure-t-il, refusant de laisser croire que ce système, certes améliorable, n’est pas une chance.
Si la France est extrêmement présente sur la scène du cinéma mondial, « c’est grâce à une volonté publique forte, et on se bat pour ce ça continue », ajoute le Président Audiovisuel du SPI.
Préserver le système de droit d’auteur
Selon Emmanuel Priou, « le système de droit d’auteur n’est pas vieux et obsolète mais performant, et il faut absolument le préserver ». Sur la relation producteur-diffuseur, il considère que leur intérêt commun est dans leur capacité à « améliorer le système de répartition de la valeur pour que le succès éventuel des œuvres bénéficie à tous ». S’agissant des réformes européennes engagées par la Commission et actuellement en cours d’examen au Parlement et au Conseil de l’Union, Emmanuel Priou estime qu’elles « découlent toutes du même raisonnement faussé dès le départ. On voit bien que les plateformes et les GAFA plaident pour la culture pour tous et quand on veut, mais on pense que la territorialité des droits est importante. C’est important de pouvoir mesurer où chaque œuvre est vue ». Il a par ailleurs tenu à rappeler une différence fondamentale avec les Etats-Unis : « pour nous, les films sont d’abord des œuvres, alors que pour les américains ce sont d’abord des produits ».
Sur la question du piratage, c’est selon lui une question d’éducation et de pédagogie avant tout : « c’est important de considérer que le travail fait par les producteurs et créateurs doit être rémunéré ».
Ses enjeux pour le nouveau quinquennat sont doubles :
- la défense de l’exception culturelle « comme une idée moderne »,
- une réforme de la contribution à l’audiovisuel public, pour un impôt universel et proportionnel à l’impôt payé par le foyer.
Enfin, il considère que donner plus de moyens aux chaînes facilitera la recherche de financement des producteurs, qui cèderont ensuite plus de droits sur différents supports et fenêtres de diffusion. « Aujourd’hui, quel que soit le montant investi par le premier diffuseur, les types de droits pris sont les mêmes », rappelle-t-il.