L’associer au mot « crise » était presque devenu un automatisme. Et puis, les uns après les autres, les clignotants sont passés au vert. Celui de l’audience, d’abord, avec, ce mardi encore, la confirmation sur France 3 de la série Tandem, un an après la réussite qu’avait rencontré son pilote. Celui du financement, avec les presque 780 M€ investis en 2016, soit le plus haut historique enregistré par le CNC. Celui du volume de production, avec un total de 900 heures qui renoue avec le niveau de 2008 et se rapproche du seuil mythique des 1000 heures. Et finalement celui d’une plus grande diversité de l’offre : feuilletons quotidiens, avec le lancement le 17 juillet de Demain nous appartient sur TF1 ou l’arrivée d’un concurrent attendue en 2018 sur France 2, séries de 2e partie de soirée, dès la saison prochaine sur France 2…
Si l’on ajoute l’épuisement des grandes franchises américaines, la fiction française a de multiples raisons de se réjouir. Au point de courir le risque de se trouver bientôt victime de son succès ? Quand les droits de diffusion d’un épisode de série US se paient aux alentours de 200 000 €, le budget moyen pour une heure de fiction française tangentait encore l’an dernier les 600 K€ (malgré une baisse de 8% en deux ans). Traduction, dans la bouche d’un dirigeant de chaîne historique : ces dernières années, c’est le succès des séries américaines qui nous a permis de financer la production locale. Il ne faudrait pas que leurs audiences baissent trop, sous peine de mettre en cause cet équation.
Réduire le poids des créations hexagonales dans le cout de grille des chaînes constitue l’autre moyen de résoudre cette équation.
En augmentant la part des nouveaux circuits d’exploitations et celles des coproductions ou préventes internationales dans le préfinancement, d’abord. L’an dernier, l’international a compté pour 6,6%, se rapprochant ainsi de son plus haut niveau des dix dernières années (7% en 2012). Poursuivre cette progression supposera, de la part des producteurs et distributeurs, de continuer à s’adapter au nouvel environnement juridique (la mise en œuvre du marché unique numérique européen), économique (la montée des acteurs globaux qui achètent des droits tous pays, tels Amazon ou Netflix) et technologiques (les possibilités offertes par le très haut débit). Avant la fin de l’été, NPA Conseil publiera une étude consacrée à ces nouveaux défis.
En poursuivant en parallèle l’adaptation du partage de la valeur entre producteurs et éditeurs. Les accords conclus ces 18 derniers mois avec France Télévisions, TF1 et M6 ne peuvent qu’y contribuer.
En faisant évoluer, aussi, les méthodes de production, de façon à diminuer les coûts tout en maintenant la valeur de prod, autrement dit la qualité du spectacle offert au téléspectateur. Pendant plusieurs années, évoquer les séries turques ou israéliennes à moins de 300 000 € par épisode déclenchait haussements d’épaules et yeux au ciel, sur le thème de situations locales non comparables ; de l’Europe du Nord, et finalement de Belgique, sont arrivées ensuite des réalisations de qualité conduites dans la même équation budgétaire ; et Tandem a finalement montré qu’un tournage à Montpellier était conciliable avec une enveloppe réduite de 25 ou 30% par rapport à la norme des séries françaises de prime time…
Dans l’étude qu’il y a consacré au printemps 2016, NPA Conseil a montré que de nombreux professionnels avaient déjà identifié les solutions permettant de mettre en œuvre cette production de qualité à coûts maîtrisés : réorganisation de l’écriture, remise à plat des dispositifs de préparation, de tournage et de post production, intégration de nouveaux outils et de nouvelles solutions lors du tournage ou du montage etc… Les appliquer de façon plus systématique constitue peut être le prochain challenge de la fiction française.