Lancement du streaming pour Netflix, début de la publicité pour Facebook, rachat de la régie DoubleClick par Google, franchissement du cap des 15 millions de foyers abonnés au haut débit en France… A l’occasion ce 28 juin du 10e anniversaire de l’iPhone, Le Figaro consacre une passionnante rétrospective sur ce que l’année 2007 a apporté à la « tech »… ouvrant par la même un vertigineux couloir dans le temps vers les sujets clé qui font l’actualité de ce même mercredi : amende de 2,4 Mds€ infligée à Google par la Commission Européenne pour « abus de position dominante », largement commentée par la presse, campagne reprenant les codes de la publicité cinéma lancée par Netflix pour le film corée -absent des salles – Okja dont s’amuse Les Echos, ou encore accord passé par Facebook avec Fox Sport pour la diffusion aux Etats-Unis des matches de la Champions League…
Il aura donc suffi d’une décennie pour que la connectivité, abondante et permanente, fasse basculer une part croissante de l’offre comme de la consommation de contenus vers la vidéo ;
Il n’aura pas fallu davantage pour que la généralisation des smartphones et la massification des tablettes permette d’assouvir cette boulimie en tout lieu et en tout temps ;
Les plateformes numériques auront mis à profit ces dix années pour devenir incontournables dans la distribution des audiences et dans l’affirmation de leur leadership sur le marché publicitaire…
Les derniers développements annoncés donnent à penser qu’ils continueront demain à se renforcer dans la production de contenus et seront en capacité de constituer des ensembles totalement intégrés combinant création / édition / distribution, auxquels plus aucun genre ne sera étranger : séries et cinéma (Netflix et Amazon ont fait figure de précurseurs), sport (dans la suite du premier accord conclu dès 2016 par Twitter avec la NFL), et même maintenant le flux, avec l’annonce d’un jeu et d’un programme de dating financés par Facebook.
S’agissant des acteurs média, les perspectives ainsi ouvertes sont évidemment balancées :
- Plutôt souriantes, à court terme au moins, pour les producteurs qui voient s’ouvrir de nouveaux « guichets ». Les 6 milliards de dollars investis dans les contenus en 2017 par Netflix, doivent être proches du double de ce que dépenseront dans le même temps TF1, France Télévisions, Canal+ et M6. Et il n’est pas sans paradoxe de voir les professionnels qui ont milité pour l’instauration d’obligations de contribution à la création pour les « GAFAN » fermer les portes du Festival de Cannes – ou à peu près – aux films que ceux-ci ont – volontairement – financé.
- Pour autant, les créateurs n’auraient évidemment pas à gagner d’une paupérisation excessive d’éditeurs historiques confrontés à un quadruple handicap : la concentration de la plupart sur leur seul marché domestique, qui ne permet pas d’amortir les coûts supportés sur de multiples territoires (les alliances annoncées entre France Télévision et la RAI, ou entre TF1, RTL Group et NBC pour la production de séries, si elles sont bienvenues, ne suffiront pas à résoudre cet obstacle) ; le risque de fuite d’une partie de leurs audiences sur leurs canaux traditionnels et la moindre maitrise des contenus qu’ils diffusent via les plateformes, car n’étant pas maîtres de leurs algorithmes de mise en avant et de reach; la concurrence pour la captation des recettes publicitaires ; et finalement la lourdeur de la réglementation qu’ils doivent supporter.
De ces quatre points, l’application du programme présenté par Emmanuel Macron pendant les élections présidentielles pourrait au moins aider à résoudre le dernier, puisque l’alors candidat s’est engagé à « simplifier la réglementation audiovisuelle en matière de publicité, de financement et de diffusion ». Une première initiative est attendue sous peu, de la part du ministère de la Culture, s’agissant de la « pub ».
Le bon sens devrait également inciter les géants du numérique à régler le 3e : aussi conséquent soit-il, leur investissement dans la création ne saurait atteindre demain l’équivalent de ce que dépensent au niveau mondial éditeurs de presse, groupes de radio ou encore chaînes de télévision. Or c’est aussi la qualité des contenus financés par ces derniers qui soutiennent leurs audiences et, partant, leurs revenus publicitaires. Améliorer les possibilités de monétisation qu’ils mettent à la disposition des éditeurs et, sans doute, réévaluer parfois les clés de partage en cas de revenu sharing, quitte pour cela à rogner un peu sur leurs plantureux taux de marge, pourraient bien s’avérer un judicieux pari d’avenir.
D’ici à rêver pour demain d’un Grenelle Mondial du financement de la création…