Pas de répit pour les équipes qui pilotent investissements dans les contenus et lancement de nouvelles offres de distribution ! Les annonces se sont multipliées en effet tout au long de l’été sur le front audiobvisuel, de la part des groupes médias mais aussi des opérateurs télécom ou des « géants mondiaux du numérique ».
Les studios américains, à commencer par le n°1 Disney, ont pris à leur compte une large part de cette animation : En même temps que l’acquisition de BAMTech, la filiale de la MLB spécialisée dans la gestion du streaming vidéo, sur la base d’une valorisation de 3,8 Mds$, le groupe annonçait le 8 août le lancement d’une offre sportive signée ESPN pour le début 2018, puis en 2019 celui d’un service à la marque Disney. Mi-août, Turner levait le voile sur un service de streaming destiné à exploiter les droits de la Champions League et de la Ligue Europa qu’il a acquis pour les Etats-Unis. Au même moment, le patron de la Fox James Murdoch indiquait à l’occasion d’une conférence avec des analystes financiers, être « très ouvert pour ce qui est de proposer une offre indépendante payante et directe aux consommateurs ». On pourrait encore ajouter les projets de déploiement international de CBS All Access et le démarrage attendu le 1er octobre de Paramount+ en Scandinavie…
Les opérateurs télécom n’ont pas été en reste : 100 M€ d’investissements dans les séries en 5 ans pour Orange Contents ; mise à l’antenne d’Altice Studio le 22 août, avec un budget annoncé de 160 M€ dont 40 M€ d’investissement dans le cinéma et les séries ; projet de plateforme européenne de SVoD pour Telefonica, destinée d’après le quotidien El Pais à amortir ses 70 M€ d’investissement annuel dans la production (l’information n’a pas été confirmée par le groupe toutefois) ;
Et les pure players digitaux ont eux-aussi confirmé leurs ambitions dans les contenus : « Apple a budgété plus d’1 Md$ pour ses productions originales, Facebook est prêt à dépenser 4M$ par épisode pour le nouveau Scandal et Google / YouTube peut monter jusqu’à 3M$ par épisode sur ses créations originales, rapporte le New York Times. Les 3 géants du numérique ont clairement fait savoir à Hollywood qu’ils voulaient rentrer en force dans un paysage audiovisuel déjà bouleversé ces dernières années par Netflix et Amazon »… Ces derniers ne sont pas restés inertes : nouvelle augmentation prévue en 2018 pour les investissements du premier, à hauteur de 7 Mds$ (6 en 2017), et confirmation de l’ambition du second dans le sport, avec l’acquisition des droits des tournois ATP de tennis pour le Royaume-Uni et l’intégration d’Eurosport à son offre Amazon Vidéo en Allemagne. Le Figaro, citant le site financier The Street, indiquait enfin le 21 août qu’Alibaba « est en train de bâtir en toute discrétion le Netflix chinois ».
Et on pourrait encore citer, au titre des grands manœuvres de l’été, le lancement d’une offre OTT Sky en Suisse, la montée de Free au capital de CanalPlay (pour 20% à ce stade) ou l’accord intervenu entre Canal+ et Bouygues Télécom sur un modèle proche de celui déjà conclu avec Orange et Free.
Dans ce foisonnement d’initiatives, la fermeture annoncée de Seeso, le service de SVoD lancé début 2016 par NBC Universal, pourrait presque sembler anecdotique ; elle rappelle que le succès n’a rien d’acquis dans « une industrie déjà hyperconcurrentielle et que la multiplication des nouveaux entrants rend encore plus féroce », selon les termes du New York Times.
Outre que la vague, d’abord centrée sur les programmes de stocks (cinéma et séries prioritairement) s’étend désormais à l’ensemble des genres (dont le sport), et qu’elle associe de plus en plus systématiquement accès à la demande et diffusion linéaire, on peut également retenir de cet « été OTT » :
- La détermination de l’ensemble des acteurs à s’assurer (ou à reprendre) la maîtrise des droits. D’où l’investissement en direct dans la production, ou la rupture des accords de distribution conclus par Disney et la Fox avec Netflix, quitte – pour le premier surtout – à s’interroger sur le timing de ce mouvement : en 2012, à un moment où les productions originales de Netflix étaient encore balbutiantes (la 1ère saison de House of Cards a été diffusée en février 2013). A ce moment de l’histoire, l’arrivée du catalogue Disney représentait un coup de pouce essentiel dans la stratégie de premiumisation suivie par la plateforme. Pas sûr que l’impact soit aussi notable aujourd’hui – en sens inverse cette fois – sachant que cette dernière revendique aujourd’hui près de 350 franchises originales et que les 18 mois encore à courir avant que la dénonciation prenne effet lui laisseront le temps d’étoffer encore son catalogue.
- La tendance croissante à vouloirs les exploiter en direct au détriment des modèles d’agrégation qui dominaient jusqu’alors, au risque de fragmenter l’offre et de susciter un mouvement de rejet. A un paysage composé de quelques grandes plateformes multithématiques agrégeant des droits d’origines multiples, le mouvement initié par les studios pourrait substituer une multiplicité d’offres réduites, conduisant à une double difficulté pour le consommateur : d’ergonomie (localiser les films ou séries qu’il recherche) et de budget à débourser pour retrouver l’accès à un nombre de programmes équivalent. « Heard the one about the guy who cut the cord, only to find out that his new bill was even bigger than his old one ? » ironisait Forbes au coeur de l’été.
- Le passage progressif des fonctionnalités permettant d’améliorer « l’expérience client » (start over, nPVR, Download to go…) du rang de « bonus » à celui de « must have ».
- Et finalement la volonté de « penser global » en déployant ces nouvelles offres bien au-delà des frontières nationales… Avec pour corollaire la nécessité de pouvoir librement distribuer les programmes à l’international, donc d’en maîtriser les droits.
Mais force est de constater que, sur ce dernier point, les groupes audiovisuels hexagonaux ne sont pas les mieux placés, compte tenu des contraintes qu’ils continuent de supporter en matière de financement de la production indépendante.
Un bon thème de réflexion pour le gouvernement quand il préparera la prochaine loi de réforme de la législation audiovisuelle ?
Ce devrait être en 2018, afin – notamment – de transposer en droit français la nouvelle directive SMA.
D’ici là, l’équipe de NPA vous souhaite une bonne rentrée… et vous donne rendez-vous le 20 septembre, pour la présentation des services nouveaux que nous déploierons cette saison.