Jeudi 9 juin, l’Autorité de la concurrence a dit non à la demande de Canal Plus de l’autoriser à acquérir les droits de distribution exclusive de toute chaîne premium indépendante relevant de la thématique sportive, dans le but de conclure un contrat de distribution exclusive des chaînes beIN Sports.
Cette demande était, en effet, soumise à une levée de l’injonction n° 4(a) prononcée en 2012 dans le cadre de la prise de contrôle de TPS et CanalSatellite par Canal Plus. Or, l’Autorité considère que « les circonstances de droit ou de fait n’ont pas été modifiées de manière significative depuis la décision de 2012 » pour l’autoriser (position dominante de Canal Plus sur le marché amont de l’acquisition de droits sportifs et le marché aval de la distribution de services de télévision payante). En outre, l’Autorité estime, en accord avec le CSA, que tout aménagement isolé de l’injonction n° 4(a) risque de mettre en péril l’effet utile de l’ensemble des mesures prononcées en 2012, dont l’Autorité est soucieuse de préserver la cohérence et l’efficacité.
L’Autorité va mener, au cours des douze prochains mois, un travail approfondi en concertation avec tous les acteurs, pour réexaminer l’ensemble des injonctions imposées en 2012 et définir un cadre clair et prévisible pour la période 2017-2022.
Malgré les arguments avancés par le groupe Canal Plus et les concessions faites par ce dernier, l’Autorité de la concurrence a refusé de lever l’interdiction faite en 2012 à la chaîne cryptée de distribuer une chaîne sportive premium, empêchant de facto la signature du partenariat annoncé en février.
Dans un communiqué publié sur son site, Canal Plus, qui comptait sur ce rapprochement pour renforcer son offre sportive, a annoncé qu’il « devra donc travailler sur d’autres solutions pour faire cesser les pertes des chaînes françaises CANAL+ ».
Parmi ses arguments, le groupe avait souligné une évolution du marché concurrentiel avec l’émergence de nouveaux acteurs comme Altice, qui a remporté les droits de la Premier League anglaise. Toutefois, le Président de l’Autorité, Bruno Lasserre considère qu’il s’agit, pour le moment, d’une initiative « isolée ».
Néanmoins, cette décision n’est pas définitive dès lors que les injonctions prennent fin en 2017, et qu’une large discussion va s’ouvrir avec le régulateur afin de redéfinir le cadre dans lequel Canal+ évolue. Dans une interview pour Le Figaro, Bruno Lasserre a annoncé « nous rendrons nos conclusions au plus tard le 23 juin 2017 », ajoutant « la décision qui est prise aujourd’hui de ne pas laisser Canal + distribuer beIN Sports en exclusivité est d’autant moins grave que le groupe pourra tout renégocier d’ici à un an ».
En attendant, Vincent Bolloré compte continuer à réduire les coûts de Canal + pour redresser la chaîne, réduire ses plages gratuites, mais aussi regagner des clients en segmentant davantage les offres d’abonnement. Par ailleurs, le groupe mise beaucoup sur ses trois chaînes gratuites de la TNT, D8, D17 et iTélé, bientôt renommées C8, CStar et CNews avec l’accord du Conseil supérieur de l’audiovisuel, obtenu jeudi 9 juin. Enfin, le déploiement du service de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) de Vivendi doit s’accélérer : baptisé « Watch », ce projet devrait être lancé en fin d’année. La stratégie du groupe Vivendi est bel et bien basée sur la convergence.
De son côté, BeIN Sports, confronté à de lourdes pertes (environ 200 millions d’euros par an en France), a fait part de son désarroi suite à la décision de l’Autorité : « Nous ne partageons pas l’analyse de l’Autorité qui ne tient pas compte des enjeux de développement de BeIN Sports ». Le groupe va maintenant devoir renégocier ses accords de distribution avec les opérateurs de télécommunications, qui arrivent à échéance cet été.