En 2014, 36% des séries importées dans le monde étaient turques[1], ce qui fait de la Turquie le premier exportateur mondial de séries TV, devant les Etats-Unis et la Corée du Sud. Le dynamisme et le rayonnement des productions turques ont poussé les organisateurs du MIPCOM à choisir la Turquie comme « pays d’honneur » de l’édition 2015 du festival, après avoir choisi Israël en 2014.
Une production nationale très dynamique
Si les séries turques s’exportent si bien, c’est d’abord grâce au dynamisme du marché national. La Turquie est un pays à la population jeune, 29 ans de moyenne d’âge, et très consommateur de télévision avec une durée d’écoute de près de 4h par jour par individu[2]. L’offre de télévision est riche de huit chaînes gratuites (quatre publiques et quatre privées) et de plus de 250 chaînes locales et payantes. Face à cette demande importante et la nécessité de remplir les grilles de programmes, il existe de très nombreuses sociétés de production : entre 2010 et 2014, 85 sociétés de production ont diffusé au moins une série sur une des huit chaînes gratuites du pays. Cette abondance de sociétés de production permet aussi une très grande production de titres par saison, entre 50 et 70, dont la moitié sera déprogrammée ou non renouvelée. Mais la Turquie peut aussi s’appuyer sur des sociétés de production puissantes et des distributeurs installés. Ainsi, Ay Yapim, leader de la production TV en Turquie a généré un CA de 77 millions de $ en 2014, tandis que Tim’s production et Avsar Film ont chacune généré 51 millions de $ en 2014[3]. La société turque Global Agency gère quant à elle un catalogue de plus de 100 formats, de fiction comme de flux. Le marché intérieur est donc organisé et dispose de moyens importants pour créer des fictions de qualité et prêtes à exporter.
Le succès par l’Amérique du Sud
Fortes d’un marché national puissant, les sociétés de productions ont d’abord fourni de nombreux titres aux pays du Moyen-Orient et aux pays de l’Europe de l’est. Mais c’est en s’implantant en Amérique du Sud que la fiction turque s’est affirmée comme un poids lourd du secteur. Le succès dans ce territoire doit beaucoup au soap Thousand and one nights (Binbir Gece en turc, Tim’s production) une version moderne des contes du même nom. Au Chili, la série a par exemple réalisé la meilleure audience de 2014, devant les matchs de Coupe du Monde. Depuis, le continent sud-américain diffuse de nombreux soaps turcs comme Magnificient Century (Muhteşem Yüzyıl en VO) qui a lui aussi connu un succès retentissant. Cette série qui retrace l’épopée de Soliman le Magnifique a ainsi été vendue dans 68 pays et un spin-off sera tourné en mai à Los Angeles en langue anglaise. Selon Kerem Catay[4], président de la société de production Ay Yapim, le succès des séries turques en Amérique latine s’explique par le fait que ces deux territoires partagent des valeurs communes.
Vers la production de séries de plus en plus qualitatives
Il ne faut cependant pas réduire la production turque à ces programmes proches des télénovelas. Devant le succès de ces titres, les maisons de productions turques se sont attachées à produire des séries qui pourraient séduire l’Amérique du Nord et l’Europe de l’ouest. Le studio de production Ay Yapim a par exemple produit la série Son qui va être adaptée par Sander/Moses production (Ghost Whisperer) sous le nom Runner pour les Etats-Unis[5] tandis que TF1 en acheté les droits pour une adaptation en France. De même, la NBC va diffuser en 2016 la série Game of Silence, adaptation de la série policière Suskunlar produite par le studio Tim’s. Le succès des séries turques semblent bien être un mouvement de fond puisque les productions locales en se tournant vers le thriller et le drame, adoptent les codes des publics américains et européens. L’attrait de l’Amérique du Nord et de l’Europe de l’ouest pour les productions turques tient aussi à la puissance de ces séries sur les réseaux sociaux.
En effet, les séries turques sont très souvent parmi les Trendings Topics monde sur Twitter et génèrent de nombreuses discussions. Or face à une audience vieillissante, les chaînes de télévision sont de plus en plus à la recherche de programmes capables de capter un public jeune et connecté, ce que les séries turques réussissent à faire. La Turquie semble donc être bien un territoire d’avenir pour la fiction TV et « Istanbulywood » une place forte de la production TV mondiale.
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[1] http://www.telerama.fr/series-tv/le-premier-exportateur-de-series-tv-au-monde-est-la-turquie,110408.php
[2] http://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/tr/Documents/technology-media-telecommunications/tr-web-tv-series-sector-in-turkey.pdf
[3] http://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/tr/Documents/technology-media-telecommunications/tr-web-tv-series-sector-in-turkey.pdf
[4] http://blog.mipworld.com/2015/10/liveblog-turkey-is-the-new-israel-kim-moses-proclaims/#.VhzGxuztlBc
[5] http://blog.mipworld.com/2015/10/liveblog-turkey-is-the-new-israel-kim-moses-proclaims/#.VhzGxuztlBc