Depuis sa « création » en 2010, le Growth Hacking s’est largement répandu dans l’ensemble des sociétés et plus particulièrement des start-up. Pour autant, sa pratique flirte souvent avec la légalité ou les conditions d’utilisation des plateformes web.
Growth Hacking : de quoi parle-t-on
Le Growth Hacking est « l‘ensemble des actions mises en œuvre pour développer le business à moindre coûts ». Le terme a été inventé en 2010 par Sean Ellis qui travaillait à l’époque pour DropBox, afin de définir son métier, lequel consistait à développer la base des utilisateurs du service. Dans la réalité, le Growth Hacking recouvre un ensemble de pratiques autour du marketing digital basées essentiellement sur l’expérimentation directe des actions possibles dans le but de générer des leads ou de développer une base d’utilisateurs.
Les actions du Growth Hacker vont ainsi se baser sur de l’A/B testing et travailler sur la base du schème AARRRR :
- Acquisition : les leviers et moyens de faire connaître le service ou le produit.
- Activation : passer à l’essai / au premier achat
- Retention : faire revenir les clients sur le service
- Revenue : les amener à payer pour celui-ci
- Referral : transformer les utilisateurs en prescripteurs
Parmi les exemples illustrant le mieux ce que certains définissent plus comme un état d’esprit qu’une pratique, citons Hotmail qui a accéléré sa croissance (12 millions d’utilisateurs en 1 an et demi) notamment en intégrant dans les signatures de ses emails le message « PS : I love you. Get your free e-mail at Hotmail ». Une pratique reprise par plusieurs sociétés dont Apple avec « Envoyé de mon iphone ». La pratique peut aussi toucher à des fonctionnalités produit : par exemple, la possibilité d’embarquer les vidéos YouTube ou le partage des morceaux écoutés sur Spotify via Facebook… autant de fonctionnalités qui permettent d’amplifier la visibilité d’un service.
Le fort développement de ces pratiques a créé naturellement un écosystème de services pour faciliter le Growth Hacking : des outils d’analyse du comportement des utilisateurs de site, jusqu’aux fonctionnalités du type « Pay with a tweet » en passant par l’analyse des pages d’atterrissages. Des services et des outils qui permettent d’optimiser les parcours dans une optique ROIste en utilisant les leviers et data disponibles grâce au digital. Cependant, cette course au leads et aux utilisateurs en jouant avec les possibilités technologiques et le fonctionnement notamment des réseaux sociaux a aussi engendré des pratiques parfois à la limite et bien souvent illégales :
- Les fermes à clic et la « vente » de followers ou d’abonnés qui vont permettre de donner de l’autorité à un site ou à un compte de marque sur les réseaux sociaux.
- Les enrichissements de profils via le rapprochement de traces numériques et de data croisant les recherches web et les multiples profils réseaux sociaux d’une même personne et le scrapping de sites web.
- La création de fortes communautés autour de contenus « clickbait » permettant au passage d’accéder aux données réseaux sociaux.
- Jusqu’à des dérives technologiques comme la récupération des adresses mail avant le clic sur l’accord dans le cadre d’une inscription à une newsletter ou bien l’intégration d’une fonction cachée d’abonnement ou de like d’une page sociale dans un bouton…
Une problématique de données personnelles mais aussi d’image des réseaux sociaux
Des pratiques qui se basent en grande partie sur les réseaux sociaux et leurs API ouvertes permettant de collecter de l’information sur les utilisateurs mais aussi leurs intérêts ou activités. Les réseaux deviennent ainsi de véritables sources de leads qualifiés et enrichis par la suite via croisement multi-API.
Sur LinkedIn par exemple, un principe sera de récupérer des noms, prénoms, fonctions, sociétés sur le réseau puis, via l’aspiration de sites et des algorithmes de rapprochement, d’enrichir d’adresse mail voire de numéro de téléphone. Sur Facebook, les pratiques de fusion de pages de contenus ont permis de développer rapidement des communautés très importantes monétisables via la publicité ou la location de fichier.
Or, la publicité autour de ces stratégies, dont certaines ont été identifiées dans le débat autour des « Fake News » et l’ingérence russe dans les élections américaines[1], met largement à mal la confiance entre les utilisateurs et les réseaux sociaux, poussant ces derniers à agir. Ainsi, Facebook a opéré début novembre à la fermeture définitive d’une centaine de pages[2] soupçonnées d’avoir contourner les règles de création de communauté, dont les français Firerank, Le Petit Buzz, La Villa et 6Fun.
De même, le législateur, par le biais du RGPD[3], nouveau règlement unifié européen sur la protection des données personnelles, qui sera appliqué en mai prochain, vient ajouter deux principes qui viendront entre autre contrecarrer ces pratiques : l’opt-in explicite, mais surtout la responsabilisation totale de l’ensemble de la chaîne dans la gestion des données personnelles.
[1] http://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/10/31/interference-russe-dans-l-election-americaine-facebook-google-et-twitter-entendus-au-senat_5208121_4408996.html
[2] http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/15/coup-de-filet-sur-facebook-contre-la-fraude-aux-likes_5215465_3234.html
[3] https://www.maddyness.com/business/2017/11/08/tribune-rgpd-growth-hacking/