On attendait les propositions d’Aurore Bergé sur l’organisation et le financement du service public audiovisuel, sur l’allègement des contraintes pesant sur les diffuseurs privés ou encore sur les voies et moyens permettant d’aboutir à une compétition plus équitable avec les géants du numérique. Mais c’est sur le terrain de la lutte contre le piratage que la députée des Yvelines, et rapporteur de la Mission d’information pour une nouvelle régulation de l’audiovisuel à l’ère numérique s’est montrée la plus offensive.
C’est par ce sujet qu’elle a démarré sa présentation, soulignant que le coût annuel du piratage était évalué à 1,2 Mds€ (par le cabinet EY) pour les industries culturelles, à 500 M€ pour les chaînes sportives, ou encore qu’il privait Canal+ de 500 000 abonnés. Et elle y a consacré plus du quart de ses 40 propositions (11) en vue de « lutter plus efficacement contre le piratage » : actions de sensibilisation et campagnes de pédagogie en direction des internautes, renforcement des moyens de l’Hadopi (pouvoirs de transaction pénale lui permettant de prononcer des sanctions financières sans intervention des tribunaux, pouvoir de caractérisation des sites massivement contrefaisants, possibilité de saisie du juge des référés afin d’accélérer l’exécution des décisions, création d’un dispositif de blocage temporaire des sites diffusant des contenus illicites) et, plus inattendu, proposition de fusion du CSA et de l’HADOPI.
S’agissant des évolutions de la loi de septembre 1986 destinées à assurer un combat plus égal entre acteurs nationaux et « acteurs mondiaux surpuissants », les premiers pourraient gagner – si les propositions de la parlementaire sont mises en œuvre – la suppression des jours interdits de cinéma, la mutualisation au niveau des groupes des obligations de financement du cinéma, telle qu’elle se pratique déjà pour l’audiovisuel (la mesure avait aussi été recommandée par le CSA), une plus grande souplesse dans le partage des droits sur les productions indépendantes, par une priorité donnée aux accords professionnels et/ou de gré à gré, l’autorisation de la publicité adressée, pour une première expérimentation de 18 mois au moins, ou encore l’ouverture au cinéma de la publicité télévisée (mais pas aux opérations de promotion de la distribution, en raison des effets de bord à craindre pour la presse et la radio).
A l’inverse, trois propositions devraient être peu appréciées des seconds : faire converger la fiscalité applicable aux acteurs historiques de l’audiovisuel et aux nouveaux services numériques présents sur le marché français, autrement dit, aligner le taux de la taxe vidéo (2%) sur celui de la TST-E (7,25% pour Canal+ ; 5,5% pour les éditeurs qui ne pratiquent pas l’autodistribution) ; imposer aux services de vidéos à la demande par abonnement établis dans un autre État membre de l’Union européenne de contribuer au financement de la création en ayant principalement recours à la production indépendante, et leur étendre les obligations applicables aux chaînes privées en matière d’accessibilité des programmes et au développement de l’accessibilité des contenus.
Concernant le service public, la mission s’est accordée sur la nomination des présidents par les Conseils d’administration et sur l’allongement de la durée de leurs mandats, sur la nécessité pour lui d’affirmer sa spécificité ou encore sur la nécessité de se penser et développer comme un média global. La question de l’évolution de son financement s’est avérée moins consensuelle : quand Aurore Bergé recommande l’universalisation de la redevance – à un taux inchangé – ainsi que la suppression de la publicité sur les antennes de Radio France et sur France 5, le président de la mission Pierre-Yves Bournazel s’est dit favorable – à titre individuel – au rétablissement de la publicité sur France Télévisions entre 20 et 21 h, en vue de dégager 60 M€ par an de ressources commerciales supplémentaires.
Il reviendra maintenant au gouvernement de définir ses propres orientations dans le projet de loi destiné également à transposer la directive SMA. Intervenant après la présentation du rapport, la ministre Françoise Nyssen a indiqué que le texte serait présenté en Conseil des Ministres en mars prochain.
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