Dans la relation complexe qui unit les principaux acteurs de l’audiovisuel français aux leaders américains de la SVoD – collaborations ponctuelles qui ne dissipent pas la méfiance – Canal+, France Télévisions, M6 ou encore TF1 pourront au moins considérer comme un hommage rendu à la qualité de leurs antennes l’examen des stratégies d’investissements publicitaires mises en œuvre par Amazon et Netflix pour promouvoir leurs services.
Ces derniers ont connu une croissance spectaculaire au cours des deux dernières années : presque totalement absent des espaces en France entre janvier et octobre 2017 (Amazon Prime Video y faisait alors ses premiers pas après le soft launch de la mi-décembre 2016), Amazon a investi près de 30 M€ bruts sur la même période de 2018 (source : Kantarmedia). De con côté, Netflix a presque triplé ses dépenses (de 11,7 à 31,6 M€). A titre de comparaison, les achats d’espace respectifs de TF1 et M6 se sont respectivement élevés pour les 10 premiers mois de l’année en cours à 20 M€ et 10 M€…
Amazon n’a ainsi pas hésité à dépenser plus de 13,5 M€ pour accompagner la sortie de sa série Jack Ryan et Netflixplus de 6 M€ pour celle de Perdus dans l’espace. A eux deux, Amazon et Netflix ont recouru à la publicité pour soutenir une grande trentaine de programmes en 10 mois, soit un tous les dix jours.
Ces chiffres ne sont sans doute pas pour rien avec la montée de l’engouement pour la SVoD : d’après le baromètre NPA Conseil / Harris Interactive, les vacances de la Toussaint lui ont permis de franchir un nouveau record de consommation hebdomadaire (5,6% des Français de plus de 15 ans, 3,1 millions d’individus, ont utilisé chaque jour un service de SVoD au cours de la deuxième semaine des congés scolaires, et la proportion a approché les 6,5% le 1er novembre). Ce faisant, Amazon et Netflix apparaissent comme de plus en plus concurrents des antennes historiques, s’agissant de l’allocation de « budget temps » et de « l’économie de l’attention » au moins.
Mais ces dernières pourront aussi trouver dans leurs mix publicitaires une source de consolation sonnante et trébuchante, puisque la télévision apparaît comme le premier support investi par les services américains : plus de 55% des dépenses effectuées par Amazon et Netflix entre janvier et octobre.
Compte tenu de l’intensification attendue sur le front des offres (arrivée attendue – à un terme encore inconnu – de Disney+, lancement annoncé du service du groupe Warner, spéculations sur la « tentation hexagonale » de Sky…), le segment OTT pourrait rapidement devenir un contributeur significatif pour les groupes audiovisuels (et aussi les afficheurs, auxquels leurs plans médias font une large place).
Mieux encore : entre 2017 et 2018, Netflix a multiplié par 7 ses achats d’espace TV (Amazon n’était pas présent en TV en 2017).
S’agissant de pure players numériques, et qui peuvent très directement mesurer l’impact des campagnes sur le trafic de leurs sites et sur les prises d’abonnement, quelle meilleure preuve de l’efficacité du média TV ? Les patrons de régie ne devraient pas manquer de s’en prévaloir !