L’information a notamment pour mérite de confirmer la prévision que NPA Conseil formulait fin 2018, dans l’étude La Blockchain : Solution miracle pour les industries culturelles ? réalisée en partenariat avec le collectif Crypto Asset France : « une accélération dans le processus d’adoption entrainant un impact significatif sur le marché en 2020-2021… voire plus rapidement si des acteurs de poids s’emparaient réellement du sujet ».
En réunissant dès son lancement 28 acteurs majeurs – Facebook, mais aussi des entreprises spécialisées Visa, Mastercard, PayPal, Ebay, Uber, Spotify, Iliad ou encore Vodafone… –, Libra réunit les conditions de cette accélération et, partant, d’une massification dans l’utilisation des crypto monnaies… dans une gouvernance de projet donc la complexité ne départ pas avec celle de la technologie elle-même : une association réunissant les 28 fondateurs qui émettra la crypto-monnaie, avec un dispositif de réserves destiné à en limiter la volatilité, d’une part ; une entreprise filiale de Facebook, Calibra, qui proposera à partir de 2020 un portefeuille numérique permettant de gérer les Libra, qui sera disponible dans Messenger, WhatsApp et via une application dédiée.
Si Facebook insiste sur le fait qu’il ne sera qu’un parmi 28 dans le pilotage de l’association, c’est donc bien le groupe qui gèrera – à travers Calibra – la circulation de la nouvelle monnaie.
Cela confirme d’abord que l’appétit des géants du numérique s’étend bien au-delà du seul « audience management », et de la monétisation publicitaire qui y correspond. Google a parié dès 2010 sur le développement de voitures autonomes et Apple y a finalement renoncé après s’y être essayé. Facebook se positionne aujourd’hui sur la gestion de transactions financières, mais aucun n’est encore allé aussi loin qu’Amazon dans la gestion de bout en bout du parcours de l’homo numericus : le groupe « tenait » historiquement le dernier maillon, celui de la transaction commerciale ; il est progressivement remonté dans la chaîne, jusqu’à Alexa : le moyen, grâce à la commande vocale, de supplanter demain Google comme point d’entrée dans le parcours numérique. Etonnamment épargné par ceux qui pointent la surpuissance des « GAFA », il s’autorise même maintenant à empiéter sur terrain de ses camarades d’acronyme en se développant dans la publicité. « En 2018, le groupe de Jeff Bezos a généré 7,4 milliards de dollars de revenus via cette activité sur le sol américain, d’après eMarketer qui estime qu’Amazon devrait y doubler son chiffre d’affaires à plus de 15 milliards dès 2020 », indiquait récemment Les Echos.
Le lancement du Libra correspond donc, aussi, de la part de Facebook, à un mouvement défensif : éviter de voir son fond de commerce fondre, à défaut d’avoir su étendre son offre. Et il serait surprenant que Google et Apple ne suivent pas la même logique.