Catherine MORIN-DESAILLY, Sénatrice, Seine-Maritime (UC)
Catherine Morin-Desailly a expliqué que le Sénat tirait des éléments positifs du projet de réforme de l’audiovisuel, notamment car il reprend plusieurs de ses préconisations. La sénatrice a ainsi fait référence au rapport d’information des sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, fait au nom des commissions Culture et Finances en 2015, lequel appelait déjà à une réforme systémique d’ampleur de trois piliers : la gouvernance, les missions et les modèles économiques et financiers. S’agissant de la gouvernance, le projet de réforme va dans le sens de la préconisation sénatoriale de créer la holding France Médias et en reprend « le squelette », ce qui satisfait Catherine Morin-Desailly. Selon elle, cela permettra à l’audiovisuel public d’avoir une vision globale et stratégique notamment pour faire face « au tsunami devant nous » et à la possible orientation d’ici à 2034 vers le « tri média, avec une télévision augmentée enrichie comme on le trouve avec le livre numérique ».
Néanmoins, la sénatrice a expliqué que le Sénat était frustré de l’absence de réforme du modèle économique et financier : « on ne pourra pas se passer de l’évoquer au cours des débats car cela sous-tend tout le reste ». Elle a par ailleurs expliqué que le Sénat vérifiera avec une vigilance particulière que les équilibres sont bien au rendez-vous « car le système est interdépendant et on ne doit plus y opposer les uns et les autres ». Elle s’est dit inquiète de la « plateformisation » du monde de l’audiovisuel et des médias et a appelé ainsi à mener « un combat offensif, stratégique et global de la réglementation et de la régulation à l’ère du numérique » pour faire en sorte que les éditeurs de programme ne disparaissent pas. C’est pourquoi il faut selon elle prendre garde, d’ici 2034, à ce que ce monde soit régulé, à faire appliquer la directive sur les droits d’auteur, le RGPD, à réformer le droit de la concurrence notamment pour les plateformes ou encore, à rouvrir la directive e-commerce. Il faut selon elle construire un écosystème permettant de rester maître d’une éditorialisation des programmes et de la création, un modèle qui ne dépende pas des plateformes et « de leurs algorithmes puissants et opaques », lesquelles ne doivent pas devenir les intermédiaires incontournables en lieu et place des éditeurs. C’est pourquoi elle appelle à ce que les éditeurs de programmes soient consolidés pour être économiquement viables, que la réforme simplifie les choses et clarifie les modèles économiques pour leur « redonner de l’oxygène ». Elle a rappelé à cet égard que le Sénat est par exemple attaché à une réforme de la contribution à l’audiovisuel public à l’allemande et à la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public. « Le combat est rude, il faut se mettre en ordre de marche et être solidaire, être dans la recherche d’une réglementation ensemble » a-t-elle conclu sur ce sujet.
Sur le sujet de la radio, elle regrette que ce média soit toujours le parent pauvre et le grand oublié de la réforme, notamment avec l’enjeu d’avenir que constitue la radio numérique.
Enfin, la sénatrice estime que la fusion entre le CSA et la Hadopi pour créer l’Arcom est « tout à fait cohérente » face à la convergence des médias, que des réflexions doivent être menées avec la CNIL « car la donnée est partout y compris dans la construction du modèle économique de nos médias de demain comme la publicité ciblée », et qu’enfin le rapprochement avec l’Arcep sera peut-être plus long, mais aura lieu à terme.
Aurore BERGE, Députée, Yvelines (LREM)
Pour Aurore Bergé, l’enjeu de la réforme n’est pas forcément celui de la simplification, mais celui de l’affirmation et de la diversité de la création, et de la circulation et accessibilité des œuvres, pour le public. Elle estime qu’ « il y a une urgence à agir face aux transformations profondes qu’on ne peut ignorer » et que cela devait être fait pour renforcer la souveraineté culturelle et la création française, et non pour faire plaisir à tel ou tel acteur. « On ne fait pas la loi pour faire plaisir à tel groupe » a-t-elle insisté. Elle a rappelé que la procédure législative est un processus démocratique et qu’ainsi, il n’était pas impossible que le projet de loi évolue au cours des discussions parlementaires, qui iront d’ailleurs probablement dans le même sens tant au Sénat qu’à l’Assemblée, et qu’en amont de ces discussions puis en leur cours, chaque acteur fera valoir ses intérêts. Toutefois selon elle, ce qui importera sera l’intérêt pour le pays et son modèle, nécessitant « des principes suffisamment robustes et solides » comme ceux de la production indépendante ou encore de producteur délégué, pour tenir face aux nouveaux acteurs et avoir une loi encore d’actualité en 2034. « L’enjeu est qu’une nouvelle alliance doit pourvoir exister entre les diffuseurs d’une part qui doivent se constituer des catalogues, et des producteurs d’autre part qui doivent affirmer leur rôle essentiel » a-t-elle poursuivi. L’enjeu est de réduire les asymétries de régulation entre diffuseurs et plateformes et de donner des agilités règlementaires sur la publicité notamment.
En ce qui concerne l’audiovisuel public et la création de la holding France Médias, la question importante est selon elle moins celle de l’organisation que celles des missions de l’audiovisuel public, de la responsabilité de l’Etat avec ses « injonctions contradictoires » et récurrentes notamment sur sa capacité à respecter ses engagements financiers par exemple. « Je crois à l’idée de holding si cela crée une vraie collaboration, et un vrai rapport avec le public » a-t-elle indiqué.
Sur le sujet de la radio, Aurore Bergé estime inapplicables des quotas sur les plateformes de streaming. « Aujourd’hui, les utilisateurs font le choix de plateformes payantes respectueuses de la rémunération des auteurs, venir désorganiser cela n’est pas le but, mais revenir sur un système sophistiqué [des quotas], on peut l’imaginer ». Le maître-mot est toujours l’équilibre : selon elle, ces quotas ont eu un effet positif, l’idée n’est pas de les supprimer, mais de revenir sur leur « sophistication » qui, poussée à l’extrême, n’a pas engendré d’effet positif en matière de diversité et a renforcé l’asymétrie avec les plateformes de streaming.
Elle s’est dite ensuite favorable à la fusion entre la Hadopi et le CSA au sein de l’Arcom, considérant qu’il est cohérent d’avoir un régulateur unique sur ces enjeux, parmi lesquels la lutte contre le piratage. Sur ce sujet, il est en effet nécessaire pour Aurore Bergé de rattraper le retard de la France, un retard qui est « une erreur économique, industrielle et morale », et d’améliorer le dispositif de transaction pénale notamment. Une fusion avec l’Arcep ne pourra toutefois avoir lieu car le CSA et l’Arcep sont des autorités distinctes dans leur objet de régulation, réciproquement des contenus et des réseaux, mais un rapprochement et une collaboration seraient pertinents sur des questions comme la rémunération du signal. La députée estime que des coopérations pourraient s’améliorer avec la CNIL également.
« Il faut plus de régulation et moins de réglementation » a-t-elle conclu.