« Canal+ continuera à diffuser la Ligue 1 jusqu’en 2024 ». Interrogé par Le Figaro ce lundi 9 décembre, le président du directoire de Canal+ Maxime Saada ne boudait pas son plaisir en annonçant l’accord qu’il venait de passer avec beIN Sports, quelques jours après avoir partagé les droits de la Ligue des Champions avec la chaîne qatarie pour la période 2021/2024. En reprenant les deux matches par semaine que cette dernière avait remporté lors de l’appel d’offres 2020/2024 de la Ligue 1, dont 28 des 38 meilleures affiches du championnat, Canal+ conserve son lien avec le football français.
Et si la chaîne y laisse le match du dimanche soir, qui constitue l’un de ses rendez-vous historiques, la détention de la Premier League puis – à l’automne 2021 – le retour de la Ligue des Champions (les deux meilleures affiches de chaque journée) représentent pour les abonnés une solide compensation. L’accord a un prix (330 M€ + les coûts de production pour la Ligue 1 en 2020/2021 et surtout le minimum garanti payé à beIN Sports pour sa distribution, et 660 M€ pour les compétitions nationale et européenne + ce MG à partir de 2021), la « remontada » de Canal+ évoquée par Enguérand Renault dans Le Figaro traduit bien l’impression générale de contre-offensive rondement menée par la filiale de Vivendi.
Les dirigeants de beIN Sports ont tout lieu également d’être satisfaits. Compte tenu du report sur Canal+ du coût des droits qu’ils avaient acquis sur la Ligue 1, leur facture annuelle se trouvera plus que substantiellement allégée, et la chaîne pourrait parvenir enfin à équilibrer ses comptes : le MG qu’ils percevront a en effet toutes les chances de couvrir les 65 M€ annuels à régler à l’UEFA (pour la Ligue des Champions) et ce qu’ils paient pour les autres championnats dont ils ont actuellement les droits (Liga, Série A, Bundesliga). Cerise sur le gâteau, l’accord qui est en passe d’être conclu assurera à leurs cousins du PSG une visibilité renforcée.
Si la victoire est moins nette du coté de RMC Sport et d’Altice, les 350 M€ qui seront économisés chaque année à partir de 2021 seront les bienvenus pour contribuer au déploiement de la 5G ou au renforcement de la couverture Très haut débit.
Mediapro est-il alors le grand perdant de la séquence ?
Trois inconnues restent à lever avant de pouvoir répondre par l’affirmative.
La clé de l’une se trouve rue de l’échelle, à Paris, au siège de l’Autorité de la Concurrence. En 2016, cette dernière avait interdit la finalisation d’un accord proche de celui qui vient d’être annoncé entre beIN Sports et Canal+. Dans leur communication, les deux partenaires ont indiqué que celui-ci serait soumis aux instances représentant le personnel mais n’ont pas mentionné les autorités de la concurrence. On devrait savoir rapidement s’ils en avaient obtenu le blanc-seing avant de rendre publique le montage.
L’autre clé se situe dans le 15ème arrondissement, au siège du groupe Altice.
Sachant aujourd’hui que son aventure footballistique s’approche de son terme, celui-ci ne verrait sans doute pas d’un mauvais œil la possibilité de céder les droits de la dernière saison qu’il avait acquise (2020/2021).
Un accord avec Mediapro constituerait pour le groupe catalan un formidable atout pour réussir son lancement, à l’automne prochain… à un moment où le couple Canal+/beIN Sports sera à l’inverse au creux de la vague (2 matches de la Ligue 1, mais pas encore de compétitions européennes).
Et s’il parvenait en outre à acquérir les droits 2021/2024 de l’Europe League (non encore attribués), la force de son offre s’en trouverait durablement pérennisée. C’est la 3ème clé, et celle-là se trouve à Zürich, au siège de l’UEFA.
A défaut donc d’y voir encore totalement clair sur le paysage des quatre prochaines années, on peut au moins hasarder un pari : les téléphones d’Alain Weill et de Patrick Drahi doivent être fortement sollicités ces jours-ci !