Ces dernières années, on a vu la cession des réseaux radiophoniques de Lagardère entravée, les industriels du secteur pour lesquels l’opération aurait été source de synergies s’en trouvant écartés par les seuils anti-concentration figurant dans la loi de septembre 1986 ; plus récemment, il aura fallu 14 mois entre l’annonce du projet Salto (mi-juin 2018) et l’accord de l’Autorité de la Concurrence (mi-août 2019) pour son lancement. Encore celui-ci tenait-il plus du feu orange que du feu vert, compte tenu des multiples restrictions dont il était assorti. Le marché s’interroge aujourd’hui sur l’identité d’un possible acquéreur pour M6. Parmi les principaux groupes audiovisuels français, on peine dans tous les cas à identifier celui qui pourrait effectuer ce rachat sans de lourdes concessions (restitution de fréquences TNT, abandon de réseaux FM, engagements divers requis par les autorités de régulation de la concurrence…).
A tel point que c’est l’italien Mediaset qui fait aujourd’hui figure de favori, et qu’il pourrait alors poursuivre l’opération de consolidation européenne qu’il a engagé en montant dans le capital de l’allemand ProSiebenSat1…
Et pendant ce temps-là, sur le versant économique des choses…
Quand moins de 1 % des foyer a aujourd’hui adopté Salto, près d’un Français sur deux (47,5 %) étaient à fin décembre 2020 abonné à Amazon, Disney+ et/ou Netflix, d’après les résultats du Baromètre OTT NPA Conseil/Harris Interactive.
Quand la limitation du nombre de chaînes de la TNT détenues par un même éditeur demeure le pivot du dispositif anti-concentration, huit Français sur dix mentionnent dans la même étude un appareil connecté comme moyen privilégié d’accès aux programmes (Box, smart TV, clés HDMI, Box…), rendant chaque jour plus illusoire le cantonnement des contenus « venus d’ailleurs » (y compris l’interdiction faite aux groupe non européens de détenir plus de 20 % d’une fréquence hertzienne).
Quand l’éventuel rapprochement de M6 avec un autre acteur national risque d’être pesé au trébuchet d’un marché de la publicité TV qui, avant de replonger à cause de la crise sanitaire, avait à peine récupéré son niveau de 2007, l’Observatoire de l’ePub du SRI atteste de la vitalité déjà retrouvée des supports digitaux, et les leaders mondiaux (Amazon, Facebook, Google…) se succèdent pour annoncer des résultats records au cours de l’exercice écoulé.
Confirmation de la hauteur de vue du Sénat ? Son Président a nommé l’ex-cheffe du service juridique de l’Autorité de la Concurrence pour siéger au CSA. Lors de l’audition en commission qui a précédé son vote de confirmation, cette dernière a plaidé avec force pour que le Conseil dispose d’une capacité renforcée de « régulation ouverte ».
Souhaitons qu’elle soit rapidement entendue.