L’éloge funèbre aura été bref et, comme un symbole, c’est le ministre de l’Economie Bruno Le Maire plutôt que sa collègue de la Culture Roselyne Bachelot qui l’aura prononcé : « la contribution à l’audiovisuel public sera supprimée de manière pérenne dès cette année et le financement de l’audiovisuel public sera assuré dans le respect de l’objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme et d’indépendance des médias », indique le compte rendu du Conseil des ministres du mercredi 11 mai, dernier du premier quinquennat d’Emmanuel Macron et du gouvernement de Jean Castex. Confirmation que l’annonce était attendue, au moins sur le fond si ce n’est sur le calendrier, elle n’a fait l’objet d’aucune question, lors de l’habituel point de presse tenu dans la foulée de la réunion par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Au titre de la « protection du pouvoir d’achat des Français », on peut pourtant noter que le gouvernement fait le choix d’une mesure profitant de façon identique à l’ensemble des foyers qui sont aujourd’hui assujettis au paiement de la CAP, par rapport à une mesure ciblée sur ceux dont les revenus sont les plus faibles. Souvent entendu pour écarter les propositions de réduction des taux de la TVA, – Emmanuel Macron l’avait opposé à Marine le Pen pendant le débat télévisé d’entre deux tours de l’élection présidentielle – l’argument prend même une acuité particulière s’agissant de la redevance audiovisuelle : sa suppression ne profitera par définition pas aux quelques 7 million de ménages qui en sont aujourd’hui exemptés, en raison de leur âge et/ou de leur situation de handicap, et parce que leur revenu annuel fiscal net est inférieur à 11 276 € pour une personne seule. Ceux, aussi, qui sont le plus à même de réinjecter dans l’économie le produit des mesures fiscales dont ils bénéficient.
Si elle doit effectivement se traduire par un gain de pouvoir d’achat pour les Français, la mesure suppose ensuite qu’une partie au moins du produit actuel de la CAP – à peu près 3,2 milliards d’euros par an, auxquels s’ajoutent environ 700 millions d’euros puisés dans le budget général pour compenser les exonérations décidées par l’Etat – soit éliminée, et pas simplement tranférée à un autre dispositif fiscal, à défaut de quoi la réforme s’apparenterait à un marché de dupes.
La communication du gouvernement ne donne, à ce stade, aucune indication sur ce « solde net ». Pas plus que sur la traduction financière de l’assurance que « le financement de l’audiovisuel public (serait) assuré dans le respect de l’objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme et d’indépendance des médias » ni sur l’impact de la suppression de la redevance sur l’économie du secteur audiovisuel ou sur celle du cinéma. Pour 2019, une étude réalisée par EY pour le CNC évaluait à près de 30 milliards d’euros leur chiffre d’affaires cumulé, et à plus de 220 000 le nombre d’emplois qu’ils assurent.