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Le 26 juillet dernier, la Commission européenne a accepté les engagements de Paramount Pictures, proposés en réponse à la communication des griefs qui lui avait été adressée un an auparavant, ainsi qu’à Sky UK et d’autres studios américains (Disney, NBC Universal, Sony, Twentieth Century Fox et Warner Bros). Par ce biais, ces derniers sont devenus juridiquement contraignants pour le groupe américain, qui évite toute sanction au titre du droit européen de la concurrence tant qu’ils respectent ses engagements.
Ainsi, Paramount ne pourra plus, lors de la cession à un télédiffuseur d’une licence sur sa production cinématographique :
– interdire les ventes passives (non sollicitées) à des consommateurs situés en dehors du territoire sous licence ;
– interdire à d’autres télédiffuseurs situés en dehors du territoire sous licence de fournir des services similaires aux consommateurs situés sur ledit territoire.
A en suivre cette décision, les diffuseurs TV n’auraient toujours pas le droit de démarcher activement les consommateurs étrangers, ce qui serait une violation du droit d’auteur qui, en vertu du principe de territorialité, permet de choisir le(s) pays de commercialisation d’une œuvre. En revanche, ils ne devraient plus bloquer les individus souhaitant choisir d’eux-mêmes de s’abonner ou de visionner un contenu depuis un autre pays de l’Espace économique européen (EEE). Toutefois, cette obligation se limite à Paramount (dont l’empressement s’expliquerait en partie par la volonté du PDG de Viacom de vendre une part minoritaire des studios), et qu’il est peu probable que les autres studios ne la suivent en l’état actuel de la législation relative au droit d’auteur.
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Cette décision a suscité de vives réactions au sein du secteur audiovisuel qui y voient l’introduction d’une nouvelle brèche par la Commission dans la territorialité des droits d’auteur au nom de la réalisation du marché unique numérique faite au détriment de l’équilibre du secteur et du financement des films européens.
Dans un communiqué publié le 2 août, l’Union des Producteurs de cinéma (UPC) a exprimé sa « consternation » face au choix de la Commission, contraire selon eux au droit d’auteur et à la diversité culturelle : « cette conception va placer l’ensemble des acteurs de la télévision payante en concurrence au niveau européen, malgré notamment la disparité de leurs obligations nationales en termes d’exposition des œuvres et d’investissement dans celles-ci ». En Allemagne, c’est le SPIO qui qualifie l’accord de « menace » pour l’industrie. Tous les représentants du secteur sont ainsi décidés à faire barrage contre certaines des velléités de la Commission, dont la proposition de réforme du droit d’auteur est attendue pour 21 septembre (Lire page 4).
Ce que reproche la Commission aux acteurs concernés (ses craintes concernent également des accords passés avec d’autres grands télédiffuseurs européens) ce sont les clauses conférant une « exclusivité territoriale absolue », qui « éliminent la concurrence transfrontière entre télédiffuseurs payants et cloisonnent le marché intérieur selon les frontières nationales. »[1] De telles clauses ne seraient, selon l’UE, pas justifiée par un objectif de protection de la propriété intellectuelle mais créeraient un cloisonnement artificiel et néfaste au marché intérieur.
En octobre 2011, c’était la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans son arrêt Premier League, avait jugé que les accords de licence imposant aux diffuseurs par satellite de limiter leur clientèle à un seul état membre étaient illégaux. C’était d’ailleurs suite à cet arrêt, que la Commission avait décidé de mener une enquête pour déterminer si les accords de licence portant sur les contenus des chaînes à péage contenaient des clauses de protection territoriale absolue de nature à restreindre la concurrence, puis d’ouvrir en outre des procédures formelles contre les studios américains.
[1] Cf. Communiqué de la Commission européenne du 23 juillet 2015.