Réduire la fenêtre de quatre mois garantie à la salle pour aider à relancer le cinéma ? L’idée peut paraître paradoxale. Elle ne sera pas forcément vue d’un bon œil par les exploitants, alors que les entrées peinent à retrouver leur niveau d’avant la crise sanitaire (-30 % sur neuf mois à fin septembre, par rapport à la même période de 2019).
Et constater que la fréquentation est également en forte baisse chez nos principaux voisins (de -26 % au 1er trimestre au Royaume-Uni à -61 % en Italie, selon les données réunies dans l’INSIGHT NPA #1059) ne constitue qu’une maigre consolation.
L’étude à laquelle a procédé NPA Conseil incite néanmoins à ne pas écarter cette piste, en vue de définir le « cadre (…) équitable, flexible et incitatif à la sortie des films en salles » que la présidente de Disney France Hélène Etzi a appelé de ses vœux, sur Twitter, le 17 octobre.
S’agissant du marché français, cette étude montre que pour les 50 films ayant enregistré le plus d’entrées en 2019, 97 % des billets avaient été vendus dans les 8 semaines suivant leur sortie (84 % au bout de 4 semaines). Et le constat est proche si l’on observe les 20 productions qui ont dominé la même année le box-office en Allemagne (90 % et 73 %), aux Etats-Unis (95 % et 81 %) ou encore au Royaume-Uni (96 % et 82 %).
Le délai dans lequel un film trouve – ou pas – son public est court. Il est proche, d’un pays à l’autre. Il semble aussi relativement indifférent à la vitesse avec laquelle vont se succéder ses autres modes d’exposition : la France, qui côtoie la Bulgarie et l’Italie parmi les « rigoureux », dans une étude publiée en 2019 par l’Observatoire européen de l’audiovisuel, est la seule offrir par voie juridique une protection de quatre mois à la salle ; « contractuels » (comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni) et « conditionneurs » (tels que l’Allemagne) sont à la fois plus souples sur la durée et sur les modalités… pour des résultats proches en termes de cycle de vie des films.
Et si, demain, les quatre mois étaient ramenés à trois, voire à 10 semaines ?
Cela permettrait d’abord de redonner un peu d’air à la vidéo à la demande, qui ne dispose plus que de deux mois d’exclusivité depuis l’accord de janvier 2022, avant que s’ouvre au bénéfice d’OCS ou surtout Canal+ la première fenêtre de TV payante.
Cela permettrait, au-delà, de faire « respirer » l’enchaînement des fenêtres suivantes (2e pay TV, SVoD, TV en clair, AVoD…) et leurs multiples variations en fonction de l’existence, ou pas, d’accord avec les organisations professionnelles.
Cela aiderait à éviter à Disney – ou à d’autres studios demain – de se poser à nouveau la question de l’intérêt à sortir Strange World ou Black Panther au cinéma, et assurerait aux salles de pleinement bénéficier de leur potentiel en millions d’entrées.
Réduire la protection pour mieux accompagner ?
Les professionnels ont trois mois pour y réfléchir avant de souffler le premier anniversaire de l’accord du 24 janvier 2022… et d’en signer potentiellement le (premier ?) avenant.