Les 5 principaux groupes digitaux US – Amazon, Google-Alphabet, Facebook, Twitter et Snap Inc. – affichent une fois encore des résultats en hausse. Mais des fragilités affleurent et sèment le doute : volatilité des audiences, enjeux de rentabilité, forte dépendance à la zone nord-américaine, concurrence d’un nouveau géant sur la publicité online…
Des revenus en forte croissance…
L’ensemble des acteurs du Web et du Social profitent d’une hausse de leur CA sur le T3 2018 et de progressions s’échelonnant entre +22% pour Google (qui compte pour quasiment 100% des revenus de la holding Alphabet) et +129% pour Amazon, dont +122% des revenus Autres (qui incluent la publicité). Alors que la publicité représente pour tous les acteurs, à l’exception d’Amazon, la majorité des revenus, sa part progresse entre 2017 et 2018 de 1pt chez Facebook à 99%, mais recule de 2pts chez Google (86%), quand elle reste stable à 4% chez Amazon.
… qui soulèvent pourtant des inquiétudes
Ayant habitué les marchés à des croissances exceptionnelles, les hausses trimestrielles de ces groupes témoignent d’un ralentissement et ont pour la plupart déçu en comparaison avec les attentes. Les sanctions n’ont pas tardé à se faire sentir, les analystes redoutant un amoindrissement des marges de croissance.
Seul Snap Inc. affiche une croissance à 2 chiffres par rapport au T2 2018, mais la baisse du nombre de ses utilisateurs actifs (-2M) le pénalise. A contrario, Twitter – qui subit une chute de 9 millions de ses audiences mensuelles (à 326M) – a rassuré les investisseurs grâce à la très forte progression de son résultat net (789M$ vs -21M$). Pour le réseau gazouillant, ces bonnes performances sont à mettre sur le compte des partenariats avec Live Nation Entertainment, la Major League Baseball et la Major League Soccer. De son côté, Facebook met l’accent sur la croissance de 2% de ses utilisateurs quotidiens. Et, la stabilité des DAUs (daily active users) sur la zone Amérique du Nord, à 185M, malgré les scandales et les appels à quitter le réseau (#DeleteFacebook), a calmé les appréhensions des marchés financiers. Il est toutefois possible que les autres réseaux, notamment Instagram, soient moteurs de cette croissance, en particulier chez les jeunes. Enfin, Google a dû se résoudre à mettre fin à son incartade sur le Social et a fermé début octobre Google+ , en raison d’une faille de sécurité et de la déshérence du réseau, qui n’a jamais décollé. AdWords et YouTube (à hauteur de 24Mds$), et dans une moindre mesure, AdSense (5Mds$) restent donc les principales sources de revenus du groupe.
Forte dépendance au territoire nord-américain
Ces groupes présents sur la plupart des marchés, à l’exception de la Chine et de la Russie dans certains cas, génèrent toujours la majeure partie de leurs revenus en Amérique du Nord, jusqu’à 70% pour Snap Inc., 61% pour Amazon, presque 60% pour Twitter et entre 46% et 47% pour Google et Facebook. Or, si les revenus par utilisateurs sont plus élevés sur ces marchés qu’à l’international, les marges de croissance de ces groupes atteignent leur limite, notamment en termes de nouveaux bassins d’audience. A cet égard, Amazon voit sa dépendance à la zone nord-américaine croître de 3pts, portées probablement par les assistants vocaux et le développement des magasins physiques.
Amazon, nouveau géant de la publicité en ligne ?
Le géant du e-commerce accentue son positionnement sur la publicité digitale et fait l’objet de nombreuses spéculations de la part des marchés financiers. Le groupe de Jeff Bezos développe en effet des formats dédiés :
- Sponsored products Ads (sur le modèle AdWords, avec des enchères sur des mots-clés et paiement au clic),
- Products Display Ads (ouvert aux produits non vendus sur Amazon),
- Headline Search Ads en lien avec l’article (dépendent de la requête à partir de mots-clés, en bas de page).
Il a également annoncé sa stratégie : renforcer sa plateforme programmatique, développer de nouveaux outils vidéo, procéder à de nombreuses embauches pour ses bureaux à New-York, ouvrir sa plateforme publicitaire aux annonceurs “non endémiques” (non présents chez le e-commerçant et développer des outils de header bidding / wrapper tags.
Avec 2,4Mds$ de revenus Autres, les “petits” réseaux, tels Twitter et Snap Inc., sont largement dépassés, mais le duopole Facebook-Google reste pour l’instant hors d’atteinte. Toutefois, la concurrence d’Amazon devient de plus en plus forte sur le Search, cœur de business de Google, car les consommateurs se tournent volontiers vers la plateforme de e-commerce pour rechercher des produits, qui ensuite facilite leur parcours d’achat. Amazon peut ainsi proposer un modèle d’attribution “full funnel” qui fait défaut à la plupart des autres groupes. De plus, il est capable de proposer une plus grande granularité de ciblage, mixant historiques d’achats et data de consommation de produits et contenus (ex. vidéos, musique, littérature…). Et, étant moins dépendant des cookies, il subit moins les effets du RGDP et de l’instauration des outils anti-tracking, tels l’Intelligent Tracking Prevention 2.0 (ITP2) d’Apple intégré par défaut dans Safari, la fonctionnalité anti-tracking par défaut sous Firefox 63 ou via le navigateur Brave.