La FNAC face à la révolution numérique
Le PDG de la FNAC revient sur les 3 principaux impacts de la révolution digitale qui a touché de plein fouet l’entreprise.
- le développement rapide de la « nouvelle façon de faire du commerce», le e-commerce, passé en France de 5 milliards d’euros il y a 10 ans à 50 Md€ en 2014. Période durant laquelle sont apparus de grands acteurs mondiaux, notamment Amazon dont le chiffre d’affaires est passé de 750.000 dollars à 75 Md$ en 20 ans.
- La dématérialisation des biens culturels, qui a engendré un effondrement du marché. « La musique a perdu 50% de sa valeur, tout comme la vidéo. Pour l’instant, le livre résiste encore ». L’enseigne leader de distribution des biens culturels en a forcément pâti. De plus, d’autres « GAFA » sont apparus, comme Apple avec iTunes.
- le changement des habitudes de consommation, induit par les 2 précédents effets : « les consommateurs veulent acheter comme ils le souhaitent, quand ils le souhaitent, avec une qualité de service exceptionnelle».
Face à ces effets, la FNAC n’a pas eu « d’autre choix que de transformer en profondeur son modèle, sa stratégie et son organisation ».
L’obligation de transformation digitale de l’entreprise
Le choix a été de développer un modèle alternatif à celui des pure-players, celui du commerce global qui associe les forces de l’entreprise : la possibilité de profiter du conseil et du service physique et de la profusion de l’offre online. « Il s’agissait de 2 mondes (magasin et digital) qui ne se parlaient pas ».
Fnac.com fonctionnait alors à part du reste de l’entreprise, en totale indépendance, voire en concurrence. L’entité représentait 8%-9% du CA pour 400 personnes (effectifs totaux : 12.000 collaborateurs).
Il a fallu convaincre les 2 parties de l’entreprise qu’elles avaient avantage à gagner à travailler ensemble, pour améliorer le service au client. L’objectif a été de casser les silos et de fusionner les activités, de modifier les mentalités, la culture d’entreprise et l’organisation. « On a combiné la distribution physique et digitale, et mis au point des parcours d’achat très fluides », dans une logique omnicanale. Cela représente aujourd’hui presque 40% du chiffre d’affaires de la FNAC, contre 3% il y a quelques années ; fnac.com seul pèse 15%.
Pour le réaliser, des politiques d’investissements massifs en logistique, en informatique, et de formation des vendeurs ont été mises en place. Et un principe d’intéressement a également été intégré dans la rémunération variable des vendeurs quand ils concrétisent des achats sur fnac.com.
L’entreprise a également développé des relais de croissance, sous 2 formes. Tout d’abord, via le passage des « magasins-paquebots » à des « petits formats de magasins, sur le modèle de la franchise, connectés à fnac.com, pour adresser des nouvelles zones de chalandises, mailler le territoire », prenant le contre-pied des recommandations qui incitaient à fermer des magasins. Puis, via l’intégration lors des 2 dernières années de 5 nouvelles familles de produits – dont les objets connectés – qui représentent environ de 15% du chiffre d’affaires, soit 600 M€ par rapport aux 4 Md€ de CA total.
Donc la diversification des produits et l’approche omnicanale fonctionnent : la FNAC a « retrouvé une dynamique de chiffre d’affaires, de profitabilité économique ». Elle est aujourd’hui apte à saisir les opportunités du digital de manière beaucoup plus offensive, et non plus défensive, dans l’urgence.
Les objets connectés, un axe de repositionnement à forte valeur ajoutée
Pour Alexandre Bompard, « plus les produits sont complexes, nouveaux, innovants, mieux la FNAC se porte ». Si, et seulement si, les vendeurs ont été formés pour atteindre un niveau d’expertise et de service adéquats. Les objets connectés sont donc une grande opportunité pour l’entreprise. Elle s’est positionné il y a 18 mois sur ce créneau, via les corners « FNAC CONNECT ». Les prévisions tablant sur la présence de 20 objets connectés par foyer en 2020, il est important que la FNAC préempte ce territoire via une approche pédagogue vis-à-vis des clients.
C’est pourquoi, en parallèle, un énorme travail de formation de l’ensemble des collaborateurs français a été mené. Car, dans un monde de plus en plus complexe, avec des produits de plus en plus innovants, et des clients de plus en plus connaisseurs, « il n’y a rien de pire que de couper les budgets formation ».
Aujourd’hui, sur ce segment des objets connectés, la FNAC bénéficie d’une part de marché de 40%-45% en termes de ventes. La direction compte continuer à développer des boutiques dédiées à ces produits, à former ses vendeurs, à attirer des star-ups, à développer des contrats d’exclusivité de distribution.
Selon le PDG, les prochains chantiers de la FNAC seront de continuer à « désilo-iser » l’entreprise, à fluidifier le passage entre les magasins et le digital, pour rester « un référent dans la construction d’un modèle de distribution omnicanale ».
Alexandre Bompard attend également le vote de la loi Macron sur la « croissance, activité et égalité des chances économiques », les sénateurs ayant adopté mi-Mai un amendement qui autoriserait les commerces culturels à ouvrir le dimanche. Car « les biens culturels sont consommés à 30%-35% en digital aujourd’hui ». Pour le PDG de FNAC, il existe à l’heure actuelle une situation de concurrence frontale et inégale au profit des acteurs du commerce en ligne, qui ne connaissent pas de pause dominicale : « Amazon réalise 25% de son CA le dimanche ». Il serait nécessaire d’ouvrir le dimanche là où il y a de la demande de consommateurs. D’autant que certains segments moins touchés par la révolution digitale – l’ameublement, le bricolage –peuvent le faire. Deux principes seront respectés par la FNAC : le volontariat, clairement exprimé et confirmé de la part des vendeurs, et les contreparties (repos compensateur, double rémunération). Il y a urgence à prendre cette décision car partout dans le monde les distributeurs de biens culturels tendent à disparaître.