Un des évènements les plus marquants des TV Upfronts 2015 aura été la présentation concomitante par plusieurs networks de nouveaux outils de mesure de l’audience. Ces présentations s’inscrivent dans la continuité de la progressive segmentation de la mesure de l’audience aux États-Unis.
De nouveaux outils de mesure de l’audience créés directement par les networks
Plusieurs réseaux de télévision américains ont dévoilé leurs propres solutions de mesure de l’audience lors des TV Upfronts 2015. Alors que ces présentations annuelles sont habituellement centrées sur la présentation des nouveaux programmes de la saison à venir, la multiplication des annonces dans le domaine de la mesure d’audience illustre un malaise des networks audiovisuels.
Ces nouveaux outils sont essentiellement des services d’agrégation de données qui permettent d’offrir les mêmes degrés de précision de ciblage d’audience que ceux proposés par les plateformes numériques tout en conservant le reach et la fiabilité des networks. Ainsi, NBC-Universal, Turner Networks et ESPN ont présenté ce type de nouveaux services au cours des deux dernières semaines. Alors que les plateformes numériques captent une part croissante des revenus publicitaires, les networks américains se sentent acculés et espèrent renverser la tendance en proposant aux annonceurs ces nouvelles solutions.
NBC Universal a dévoilé un nouveau service de ciblage de l’audience, dénommé Audience Targeting Platform, qui combine des données des réseaux NBC-U et des données issues de plusieurs sources tierces, notamment les données des set-top boxes de plusieurs partenaires, afin d’identifier et de définir plus précisément les segments d’audience.
Turner Networks a présenté de son côté le Turner Data Cloud. Cette plateforme devrait permettre aux annonceurs et publicitaires de récolter des données sur l’ensemble des chaînes et services Turner. Ces données pourront être associées via différents outils Big Data aux propres données de l’annonceur et à des données issus de plateformes tierces.
Enfin, ESPN a annoncé un nouvel outil de mesure des données programme conçu en collaboration avec Cablevision, qui combine les données issues des set-top box du câbloopérateur et les données des plates-formes numériques d’ESPN. Avec cet outil, les deux partenaires ont la volonté d’offrir aux annonceurs un état des lieux complet et cross-media de l’audience et de l’engagement du public d’ESPN. Cet accord est pour l’instant limité à la région de New York (7 millions de boitiers), mais ESPN a affirmé préparer d’autres accords bipartites pour étendre cette mesure dans les prochains mois ce qui selon Ed Erhart, président de la division Marketting d’ESPN, permettra de « disposer d’un état des lieux complet de nos consommateurs, d’offrir un modèle multiplateforme à l’échelle nationale et d’ouvrir un nouveaux chapitre dans l’histoire de la mesure de l’audience et de son efficacité pour nos annonceurs. »
Accords bipartites et atomisation de la mesure de l’audience
Ces annonces s’inscrivent dans la continuité de la multiplication ces derniers mois d’accords bipartites de mesures de l’audience. Ainsi, il y a quelques semaines, Nielsen a annoncé un partenariat avec Roku pour mesurer l’audience du streaming vidéo sur ses terminaux OTT afin de renforcer son offre face à des concurrents qui disposent déjà de nombreux accords particuliers[1]. C’est le cas également de Rentrack qui conclut des accords avec un nombre toujours croissant de networks pour son offre TV Everywhere. La société a ainsi signé récemment des accords avec 11 des chaînes du réseau Discovery, 17 chaînes du réseau Viacom, mais également avec ESPN et plusieurs chaînes locales des réseaux NBC et CBS. Si ce type d’accords entre spécialistes de le mesure d’audience et diffuseurs se généralisait, cela pourrait à terme substituer un modèle de mesure de l’audience reposant sur nombre très restreint d’acteurs par un modèle reposant sur une myriade d’acteurs aux méthodes et au périmètre d’étude différents. Il existe donc un risque d’atomisation de la mesure de l’audience et de disparition des standards portés jusqu’à présent par les acteurs traditionnels. Alors que les nouvelles solutions visent à pallier aux lacunes de la mesure traditionnelle, leur multiplication représente paradoxalement un risque accru de complexification de la mesure de l’audience.
Ce risque est d’autant plus important qu’il apparaît de façon concomitante à l’accroissement de la segmentation du ciblage de l’audience, qui évolue d’un modèle centré sur l’audience des programmes vers un modèle centré sur les consommateurs. En effet, les évolutions des outils permettent aujourd’hui d’espérer obtenir dans un futur proche un portrait très complet de chaque consommateur pour aboutir à une micro segmentation très précise de la mesure de l’audience. Néanmoins, pour créer un portrait complet du spectateur il est nécessaire de réunir un volume très important de données issues de sources différentes aux premiers rangs desquels les câbloopérateurs, les opérateurs de téléphonie mobile et les réseaux sociaux. En outre, les éditeurs de services bénéficient grâce au développement de la consommation second écran d’une masse de données considérables sur la consommation des individus et sont incontournables pour développer une mesure très ciblée de l’audience. Pour obtenir la mesure la plus précise possible, ces acteurs multiplient donc des accords bipartites qui contribuent à l’éloignement de la promesse d’une mesure unifiée et standardisée sous la responsabilité d’un seul acteur.
[1] Se référer au Flash NPA n°755 : « Nielsen s’associe à Roku pour la mesure d’audience du streaming vidéo »