Alors que les audiences numériques de la presse progressent selon les résultats de l’étude Audipresse ONE 2014-2015, les recettes publicitaires du média enregistrent à nouveau un recul sensible (-8,5% sur le T1 2015 d’après l’IREP-France pub). Les éditeurs de presse cherchent depuis plusieurs années à renouveler leur modèle économique. Certains pure-players, à l’instar de BuzzFeed, mais également les initiatives du Financial Times pourraient être sources d’inspiration.
BuzzFeed, un modèle économique efficient
Bien que l’éditeur ne rentre pas dans la catégorie de la presse « sérieuse », son modèle économique et son positionnement présentent nombres de points intéressants. En effet, les revenus de BuzzFeed ont été multipliés par 3 entre 2012 et 2013, pour atteindre 100 millions de dollars en 2014 et dégager des profits de l’ordre de 5 millions. Ces bons résultats en termes de réussite économique et d’attractivité auprès des Millennials ont incité NBC Universal à investir cet été 250 M$, valorisant BuzzFeed à 1,5 Md$. Ainsi, la combinaison proposée par le pure-player de contenus de jeux et vidéos ludiques et d’actualités sérieuse est payante. Le spécialiste des « listicles » (articles sous forme de listes) a d’ailleurs doublé ses investissements sur des contenus éditoriaux, qui s’élevaient en 2013 à 12M$ et sur les 6 premiers mois de 2014 à 10,5M$. Du côté des annonceurs, ceux-ci se laissent séduire par les nombreuses opportunités de native advertising développées par l’éditeur sur son site et ses médias sociaux : environ 90% de ses revenus seraient issus de ces formats. A l’heure de l’explosion des adblocks[1], ces publicités insérées naturellement dans le flux et considérées comme du contenu éditorial sont l’un des meilleurs remparts face à la fuite des recettes pub.
De plus, BuzzFeed a fait évoluer son positionnement. Alors que 75% de ses audiences provenaient des partages sur les réseaux sociaux, ils ne représentent aujourd’hui plus que 6%. Car, selon le fondateur Jonah Peretti, BuzzFeed est désormais une « plateforme sociale totalement intégrée », dont les chaînes notamment sur Snapchat jouent un rôle aussi important, voire plus, que son site. Ainsi, ses audiences se répartissent principalement entre :
- 27% : vidéos sur Facebook
- 23% : trafic direct sur le site et l’application : 23%
- 21% : vues des contenus sur Snapchat
- 14% : vidéos sur YouTube
- 6% : trafic entrant de Facebook
- 4% : images sur Facebook
Ce positionnement de producteur de contenus multi-plateformes a également pour intérêt de diversifier les formats publicitaires à tarifs premium : vidéos sur Facebook et YouTube, native ads sur Snapchat Discover facturés à 100$ les 1 000 vues, selon Re/code.
The Financial Times, un acteur historique innovant
Le très sérieux titre de presse économique se lance dans la publicité native avec Squared, offre de contenus sponsorisés. « Nous lançons Squared et les posts payants pour montrer aux annonceurs que nous prenons les contenus marketing au sérieux », explique Dominic Good, Responsable des ventes publicitaires du Financial Times.
Les marques auront l’opportunité de partager leur point de vue sur les sujets abordés par le journal et d’écrire leurs propres posts, qui seront insérés en bonne position sur la home page du FT, assortis d’une image. Dès que l’internaute clique sur ces posts payants, identifiés comme étant des contenus sponsorisés, ils seront amenés sur une page brandée pouvant inclure des vidéos, des images ainsi que d’autres articles choisis, composés par la marque. Le contenu brandé bénéficiera d’une campagne de promotion on- et offline auprès de l’audience la plus pertinente, menée par les équipes commerciales du FT.
Ce label Squared rassemblera les autres outils développés par le journal au service des annonceurs, à l’instar de Smart Match, technologie d’adéquation des contenus sémantique mise au point par Smartology, lancée en 2013. Cela permet de reconnaître le sens des articles, et propose aux annonceurs d’associer leurs posts aux articles en temps réel.
Ces innovations accompagnent le lancement en mai dernier d’une nouvelle métrique publicitaire : le coût par heure, qui prend non seulement en compte le fait qu’une publicité soit vue ainsi que la durée de visionnage, à l’image d’un indicateur GRP. Lors des tests menés sur le site du journal avec des grandes marques (BP, iShares, IBM), le revenu incrémental total généré s’élevait à 1 million de dollars. A cet égard, le Financial Times a indiqué une hausse de ces résultats financiers sur le 1er semestre 2015, portés par les revenus digitaux qui ont profité d’une croissance à 2 chiffres.
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[1] Cf. Flash n°765 du 09/09/2015 : « Haro sur les bloqueurs de publicité ».