Plus qu’un nouveau « buzz word », le content marketing se structure rapidement sur le marché américain et réussit à transformer les contenus en source de revenus. Et de grandes marques ont sauté le pas assumant un rôle de média, à l’instar de L’Oréal, avec sa plateforme makeup.com.
Des stratégies éditoriales entièrement planifiées, mesurées et développées sur le long terme
D’après la définition érigée par le Content Marketing Institute, créé par « l’évangélisateur » Joe Pulizzi, le content marketing est un « process marketing de création et de distribution de contenus attrayants, convaincants et à forte valeur ajoutée, pour attirer, acquérir et engager un public-cible défini, pour in fine l’inciter à interagir de manière rentable pour l’entreprise ».
Ainsi, les contenus éditoriaux ne sont plus considérés comme un poste de dépenses mais au contraire comme une source de revenus. Karine Abbou, spécialiste du content marketing, a déclaré lors d’une conférence du Geste[1] sur le sujet qu’ils « deviennent des actifs (assets), car la démarche est entièrement orientée vers la génération du lead le plus qualitatif possible ».
Toujours selon K. Abbou, il importe dès lors de bien différencier le content marketing :
– du brand content : celui-ci est conçu en tant qu’opération spéciale, de manière unique, événementielle, quand le content marketing est un choix stratégique engageant pour la marque car développé sur le long, voire très long terme.
– du social media marketing : le site web est l’épicentre de la stratégie éditoriale, qui est ensuite déclinée sur les plateformes sociales de la marque.
– de l’inbound marketing : qui développe une approche essentiellement technologique et purement online. Ce concept a été créé et se trouve donc mis en avant par quelques grands acteurs américains, tels Hubspot, Salesforce en partenariat avec Google. De son côté, le content marketing intègre l’ensemble des supports de communication – dont le offline, notamment via des magazines – et a une approche plus éditoriale.
– du native advertising : il s’agit d’un des différents éléments au sein d’une stratégie globale de content marketing.
Cette approche industrialisée et planifiée de la stratégie éditoriale fait florès aux Etats-Unis ; ce marché étant le plus avancé sur le sujet. En effet, le content marketing pèse 120 milliards de dollars en 2014 et représente 40% des budgets marketing globaux des marques. Plus de 90% des marques ont développé une stratégie éditoriale, que 57% d’entre elles considèrent comme étant une priorité. En termes d’efficacité, 51% confirment des retours sur investissements en 2014, contre 36% en 2013.
« Market less, inform more » : le pari éditorial de L’Oréal avec makeup.com
Selon J. Pulizzi, « c’est un processus continu, integré dans la stratégie globale, et qui vise à posséder ses propres supports de communication (owned média), et non plus seulement à les louer (paid media) ». Ainsi, depuis quelques années, de nombreuses marques ont fait le choix d’investir dans une stratégie de création et distribution de contenus globalisée, adoptant une logique de média à destination de publics tant B-to-B que B-to-C.
A cet égard, L’Oréal a fait figure de précurseur en la matière. La filiale américaine du géant de la cosmétique a réorienté à partir de 2011 sa plateforme « makeup.com », entrée dans son giron en 2009, en la positionnant en tant que publication online spécialisée dans la Beauté au sens large – maquillage, coiffure, bien-être, conseils, tendances, etc. – agrégeant les contenus produits par une équipe éditoriale composée de plumes venues de titres renommés de la presse féminine et animée par l’agence Federated Media, et les vidéos issues d’un réseau de vloggers célèbres. Certaines, stars de YouTube, telles Michelle Phan et Eva Gutowski, ont accepté de diffuser des vidéos de makeup.com sur leur propre chaîne, enrichissant le reach de makeup.com. Ces partenariats sont la résultante d’une approche éditorialement indépendante de L’Oréal. Ainsi, des produits d’autres marques sont présentés dans les rubriques, ou utilisés dans les tutoriels. Pour Marc Speichert, ex-Directeur marketing de l’Oréal USA à l’initiative de ce projet, « nous avons réalisé que nous ne devions pas seulement créer un seul contenu pertinent pour le grand public, mais produire de nombreux actifs différents qui traitent des besoins spécifiques des consommatrices/teurs ».
Site web, Tumblr et chaîne YouTube de makeup.com, intégrant l’ensemble des plateformes sociales
Depuis 4 ans, L’Oréal USA touche ses clients grâce à des contenus ciblés et interactifs sur une publication reconnue comme pertinente et dont les contenus inspirent confiance aux utilisatrices, au lieu d’un message descendant « aspirationnel ». L’ensemble de sa communauté sociale est très étendu et s’élève à 2,15 millions d’abonnés, non dédupliqués, sur 6 réseaux.
Et sur le versant de l’efficacité, M. Speichert expliquait en 2013 que le groupe était capable de « recréer un ROI à partir d’un modèle multimix issu des données des personnes exposées à la plateforme de contenus, de comparaisons entre les achats réalisés pour les utilisateurs de la plateforme par rapport aux autres consommateurs, mais également des performances de makeup.com vs des plans médias en TV, print et display. Nous sommes capables de comparer une stratégie à une autre ». Et alors que les titres de presse magazine peinent à attirer les investissements des marques, le business model de certaines publications d’annonceurs semble beaucoup plus stable.
[1] : http://www.geste.fr/evenements/le-content-marketing-us-vs-france