L'édito de Philippe Bailly

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Le CA de Netflix en France fin 2015 : Quels enseignements ?

A quelques jours du deuxième anniversaire de son arrivée en France, et alors que la fermeture de ses bureaux hexagonaux a été annoncée en début de semaine dernière, Netflix a déposé au Greffe du Tribunal de Commerce de Paris ses premiers et derniers comptes annuels. Le document porte sur un exercice de 17 mois, clôturé au 31 décembre 2015. Surtout, en précisant son chiffre d’affaires sur le territoire français, la firme américaine apporte un élément nouveau pour tenter d’appréhender le niveau réel de l’activité SVoD en France et, au-delà, de valider ou non les estimations circulant quant à la taille supposée de son parc d’abonnés dans l’Hexagone.

Compte Netflix FRUn élément nouveau qui aide au dimensionnement de l’activité SVoD en France

En l’absence de chiffres partagés par les services eux-mêmes, il est particulièrement difficile d’approcher la taille réelle du marché de la SVoD en France. En effet, à la différence du marché VoD, les plates-formes éditrices d’offres vidéo par abonnement illimité ne communiquent aucune donnée à un tiers de confiance (pouvoirs publics ou organisations professionnelles) quant à leur niveau d’activité, que ce soit en termes d’abonnés, de consommation de programmes ou de revenus. Une opacité qui a favorisé la spéculation et entrainé la multiplication d’études sur la taille supposée du marché français SVoD en 2015, première année de pleine activité pour Netflix dans l’Hexagone. Des prévisions les plus basses, à 100 M€ ou moins de CA toutes plates-formes confondues (GfK, NPA Conseil…), aux estimations les plus hautes à près de 200 M€ (Digital TV Research, IHS, Statista…), de nombreux chiffres ont ainsi circulé en 2015 témoignant de la difficulté de l’exercice et de l’absence de consensus sur la question.

Prévs CA SVoDDans un premier temps, c’est donc dans la perspective d’une meilleure appréciation des revenus SVoD en France que le récent dépôt des comptes annuels de Netflix au Greffe du Tribunal de Commerce de Paris constitue un élément clé de calcul. Ajoutés au chiffre d’affaires de CanalPlay (39,3 M€ sur l’ensemble de l’année 2015), les revenus réalisés par Netflix au cours de son premier exercice (36,2 M€ de mi-septembre 2014 à fin décembre 2015) permettent au marché de disposer d’une vue précise sur les recettes dégagées par les deux leaders désignés du marché français en 2015.

En imputant une part minime du CA de Netflix aux derniers mois de l’année 2014 – eu égard au premier mois offert à l’ensemble des abonnés au lancement du service (de mi-septembre à mi-octobre), à une distribution sur box opérateurs plus tardive (à partir de novembre seulement) et à un taux de churn (résiliation) plus élevé que par la suite (inhérent à la phase de démarrage) – le CA réalisé par le service américain sur la seule année 2015 se situerait autour de 33 millions d’euros. En ajoutant ces revenus à ceux de CanalPlay au cours de la même période, le CA cumulé des deux principaux acteurs du marché s’élèverait alors à près de 72,5 millions d’euros. Un duopole qui, en attendant le lancement d’autres acteurs généralistes d’envergure (à l’image de Zive lancé en novembre 2015), a semble-t-il nettement dominé le marché durant sa première année de coexistence. L’hypothèse d’un ratio 80/20 (où le duo CanalPlay/Netflix compterait pour 80% du CA total SVoD), confortée par des échanges avec des acteurs du marché et autres informations parues dans les médias, laisse à penser que les revenus cumulés des plates-formes de SVoD avec un positionnement de niche (Afrostream, Club Vidéo SFR, FilmoTV, GulliMax, INA Premium, LA BOX videofutur, Tfou Max, etc.), se situeraient autour de 18 millions d’euros au titre de l’année 2015. Dans ce cas de figure, le chiffre d’affaires total généré par l’activité SVoD en France en 2015 s’élèverait à un peu plus de 90 millions d’euros, à mi-chemin entre les projections de l’institut GfK (80 M€) et celles établies par NPA Conseil (103 M€).

CA SVOD 2015

Le CA de Netflix, un indicateur fiable pour estimer la base d’abonnés du service en France ?

Si la publication du CA de Netflix permet d’approcher plus précisément la taille réelle du marché SVoD en France, constitue-t-elle de la même manière un élément fiable pour en déduire le nombre d’abonnés au service de streaming américain ? Là encore, la publication de nombreuses estimations a rythmé l’année 2015, témoignant une nouvelle fois de la complexité de l’exercice. Ainsi Le Figaro faisait état de 100 000 abonnés 15 jours seulement après l’ouverture du service en France le 15 septembre 2014. Fin décembre, ils étaient entre 200 et 250 000 selon Les Échos, reprenant une information de l’institut Digital TV Research. A la même période, la barre des 500 000 abonnés venait d’être franchie selon le NY Times (source IHS), confirmée par le blog spécialisé Digital Home Revolution. Futuresource Consulting estimait à 750 000 le parc d’abonnés au service à fin juin. S’agissant de l’atterrissage 2015, NPA Conseil prévoyait un total de près de 900 000 abonnés après plus d’une année de pleine activité en France. Digital TV Research tablait pour sa part sur 1,150 million d’abonnés. Enfin, après dépôt des comptes annuels de Netflix au Greffe du Tribunal de commerce de Paris, Digital Home Revolution affirmait que le service comptait environ 500 000 abonnés payants à fin décembre 2015.

L’analyse du CA réalisé par Netflix sur le territoire français entre septembre 2014 et décembre 2015 permet-elle alors d’affiner les estimations publiées quant à la taille de sa base d’abonnés ? Ces estimations se font le plus souvent sur la base de plusieurs critères :

  • Rythme de recrutement (estimé sur l’étude des comptes de résultat de Netflix, d’offres concurrentes, d’informations récoltées auprès du marché, etc.),
  • Part d’abonnés payants vs gratuits (déduite en estimant un taux de churn, en prenant en considération la présence ou non d’offres promotionnelles sur la période, etc.),
  • Prix de vente public de l’abonnement (dans le cas de Netflix, un prix moyen tenant compte des 3 formules proposées, des tarifs associés et de leur augmentation au cours de la période étudiée ainsi que d’une répartition de la base d’abonnés entre chacune de ces formules),
  • Chiffre d’affaires (estimé sur la base des éléments précédemment cités quand non publié officiellement).

Le cas CanalPlay

Le cas du rival de Netflix dans l’Hexagone est particulièrement intéressant dans la mesure où CanalPlay rend public l’état de son portefeuille d’abonnés dans les résultats semestriels de sa maison-mère Vivendi. Ainsi, à fin décembre 2014, le service français dénombrait 599 000 abonnés. A fin juin 2015, la base d’abonnés progressait à 705 000 avant d’enregistrer un recul de près de 100 000 abonnés en six mois pour finir l’année 2015 à 613 000. En rapprochant le chiffre d’affaires déclaré par CanalPlay sur le total de l’année 2015, à savoir 39,3 millions d’euros, des publications sur la taille de son portefeuille d’abonnés et en modélisant l’évolution de cette base d’abonnés au fil des mois, un constat s’impose : le prix moyen par abonné s’avère inférieur aux tarifs affichés par le service ou, selon le calcul, le taux d’abonnés payants au service ne représente qu’une faible majorité du parc d’abonnés total. Un décalage qui peut s’expliquer par le taux de churn d’une part, mais aussi par une présence en bundle dans les offres des opérateurs télécoms (« Bonus » chez Bouygues et « Extra » chez SFR jusqu’au 15 décembre 2015 avant d’être remplacé par Zive) avec un impact à la baisse sur le prix moyen du service.

CP

Le CA de Netflix, un élément important mais insuffisant pour déterminer avec certitude la taille du parc d’abonnés du service en France

Dans le cas de Netflix France, seule une variable de calcul est désormais connue : un CA de 36,2 M€ de mi-septembre 2014 à fin décembre 2015 (dont une estimation de 33 M€ pour la seule année 2015). Le taux d’abonnés payants, le prix moyen par abonné et le rythme de recrutement de la plate-forme au fil des mois restent quant à eux soigneusement gardés. A partir de cet unique élément, plusieurs scénarios de calcul sont envisageables pour approcher la taille du parc d’abonnés sur le territoire français à fin 2015.

La première hypothèse se base sur les éléments communiqués par Netflix dans ses comptes de résultat trimestriels. En effet, Netflix y précise le nombre d’abonnés à son service de streaming, en distinguant les États-Unis d’un côté et l’international, sans plus de détails, de l’autre. Pour chacun de ces deux grands ensembles, la plate-forme y fait également mention de la part d’abonnés payants – située au-dessus de la barre des 90% chaque trimestre – et du chiffre d’affaires réalisé sur la période. Des éléments qui permettent d’en déduire le niveau d’ARPU par abonné payant. Comme pour son concurrent CanalPlay, les calculs indiquent un ARPU par abonné inférieur aux tarifs pratiqués par le service (7,05 $ en moyenne en 2015 alors que les formules d’abonnement proposées par le service s’échelonnent de 7,99 à 11,99 $).

NTX 1

1/ En appliquant au cas de Netflix France un taux d’abonnés payants (92%) et un prix moyen par abonné (7,05 $ soit 6,30 € par mois) strictement identiques à ceux observés à l’international, la base d’abonnés du service sur les terres hexagonales se situerait autour de 700 000 à fin décembre 2015 (dont près de 650 000 payants).

NTX 2

2/ Autre scénario, en maintenant un prix moyen par abonné identique à celui observé à l’international (6,30 € par mois) mais en appliquant un taux d’abonnés payants inférieur à celui affiché dans les comptes trimestriels de Netflix, plus cohérent avec celui d’un service en phase de lancement, tout en étant progressif pour atteindre fin 2015 un niveau conforme aux standards du service américain (autour de 90%). Sur la base de ces critères, le parc d’abonnés de la plate-forme en France s’élèverait alors à près de 900 000 fin 2015 (dont près de 800 000 payants).

NTX 3

Une deuxième hypothèse de calcul peut reposer sur l’observation de la concurrence, en l’occurrence de CanalPlay. En affectant à Netflix une part d’abonnés payants proche de celle du service du groupe Canal+ (autour de 60% en moyenne sur l’année 2015) et un prix moyen mensuel par abonné davantage en cohérence avec la grille tarifaire de la firme américaine, son parc avoisinerait les 775 000 abonnés à fin 2015 (dont environ 550 000 payants).

NTX 4

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L’analyse du CA de Netflix sur la période septembre 2014 – décembre 2015 ne permet en aucun cas d’affirmer avec certitude la taille du parc d’abonnés au service de streaming dans l’Hexagone. Les comptes annuels déposés au Tribunal de Commerce de Paris n’en constituent pas moins un élément d’importance pour approcher plus précisément la réalité. Si de nombreuses inconnues subsistent, l’élaboration de différents scénarios permet de dessiner les contours de la base d’abonnés de Netflix en France. Ainsi, selon les scénarios envisagés, le service américain y compterait entre 700 et 900 000 abonnés à fin décembre 2015.

Notes

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