Le 21 septembre prochain, la Commission européenne présentera son projet de modernisation du droit d’auteur dans le cadre de sa stratégie pour un marché unique numérique en Europe. Elle devrait ainsi proposer plusieurs mesures visant à élargir l’accès aux contenus, notamment sur les services en ligne des diffuseurs. Une perspective qui inquiète les chaînes TV ainsi que l’industrie du sport.
Une réforme qui « porte atteinte au modèle économique du secteur »
La Commission européenne souhaite étendre le principe de « pays d’origine » (actuellement applicable à la diffusion par satellite) aux services en ligne des diffuseurs (simulcasting, TVR, contenus en rapport avec la diffusion initiale). Ce principe permettrait aux diffuseurs de proposer sur leurs services en ligne, et à destination de toute l’Union européenne, tout programme pour lequel ils ont acquis les droits pour une diffusion en ligne dans leur pays d’origine. Or, selon de nombreux diffuseurs, cette mesure aurait pour effet de diluer la valeur des licences et, par conséquent, de déstabiliser l’équilibre du secteur et notamment le financement des œuvres.
Grégoire Polad, directeur général de l’Association des Télévisions Commerciales européennes (ACT) a ainsi confié au site Euractiv qu’ « après le Brexit, on aurait pu croire que la Commission européenne chercherait la stabilité. Au lieu de ça, elle a choisi un chemin périlleux qui mettra en danger des emplois et la croissance dans le secteur audiovisuel, et mettra en péril la diversité culturelle ».
Les représentants de médias majeurs (dont Canal+, Mediaset, NBC Universal, ITV et Viacom) seraient actuellement à Bruxelles, dans l’espoir de rencontrer Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, avant la présentation de son projet de réforme. Certains d’entre eux, dont Jean Christophe Thierry (Canal+), avaient d’ailleurs écrit au président le 12 juillet dernier, « soupçonnant Bruxelles de vouloir créer, sans le dire, les conditions qui permettraient de faire disparaître les frontières en Europe en matière télévisuelle ». Ils souhaitent défendre leur modèle économique, qui est, d’après eux, « basé sur la liberté contractuelle et l’acquisition de licences territoriales, des instruments irremplaçables pour leur investissement dans les contenus et la création d’une offre culturellement et socialement diverse ».
Le danger des licences pan-européennes à nuancer
Dans une étude d’impact, la Commission reconnait que les diffuseurs du service public soutiennent cette réforme, alors que les diffuseurs commerciaux craignent qu’elle ne mène le marché vers des licences pan-européennes obligatoires. Par conséquent, ils craignent que les diffuseurs qui ne bénéficient pas du soutien financier d’un grand groupe de médias, ou ceux qui opèrent sur des marchés relativement restreints par exemple, « ne pourront plus acquérir de licences pour des contenus audiovisuels prémium car les ayants droit, sans garanties d’exclusivités, se focaliseront sur les marchés les plus lucratifs seulement ». De plus, les ayants droit seraient généralement contre cette réforme, soutenant les mêmes arguments que les chaînes privées, et redoutant ainsi un impact négatif sur l’investissement des chaînes dans la production.
Cependant, la Commission européenne insiste sur le fait que l’application du principe de pays d’origine ne sera qu’une option pour les acquisitions de droits, ouverte aux diffuseurs pour leurs services en ligne. Les acteurs pourront toujours céder et acquérir les droits sous forme de licences territoriales s’ils le souhaitent.
Contrairement aux acteurs de la télévision privée, la Commission considère que cette réforme augmentera les recettes des producteurs européens d’environ 11% puisqu’ils auront accès à un plus large marché, tout en réduisant celles des producteurs américains de 1,8%.
Les inquiétudes des acteurs ne semblent cependant pas totalement infondées au regard de l’accord récent intervenu entre Paramount et la Commission européenne. Acceptant les engagements du studio américain suite à l’enquête diligentée contre lui, la Commission avait alors rappelé que le droit de la concurrence peut limiter le pouvoir des titulaires de droits, notamment leur capacité à accorder des exclusivités territoriales et à les faire respecter par des techniques de « géo-blocking ».