L’autorité britannique de la concurrence a autorisé le 15 janvier l’acquisition de l’opérateur EE par BT, l’ancien opérateur historique privatisé en 1984. L’opération évaluée à 12,5 milliards de livres (16,5 Mrd €) promet une forte animation du marché.
Des activités complémentaires pour les deux opérateurs
L’opération s’inscrit dans la consolidation en cours du marché des télécoms au niveau européen. Mais, comme dans le cas de Numericable – SFR, elle concerne essentiellement un opérateur fixe et un opérateur mobile et devrait satisfaire la Commission Européenne qui se montre réservée sur la réduction du nombre d’acteurs mobiles sur un marché donné. Elle a d’ailleurs fait connaître ses réserves sur les rapprochements entre TeliaSonera et Telenor au Danemark, Three et O2 au Royaume-Uni en attendant de donner un avis sur un éventuel rapprochement entre Orange et Bouygues Telecom en France.
Le rachat de EE par BT a donc pu aboutir en raison de la nature complémentaire de leurs activités. De fait, après 9 mois d’enquête, la CMA (Competition and Markets Authority) estime que la fusion n’entrainera pas de diminution sensible de la concurrence sur les différents marchés analysés, à savoir les marchés de détail et de gros de la téléphonie mobile, et des services haut débit fixes. Pour la CMA, l’absence de préjudice repose sur plusieurs constats. D’abord, le chevauchement limité des activités des deux entreprises avec, d’un côté, un BT puissant sur les services fixes (voix, haut débit et télévision payante) et de l’autre un EE dominant dans les communications mobiles. Le marché de détail des services mobiles au Royaume-Uni est jugé suffisamment concurrentiel avec 4 principaux fournisseurs de services (EE, O2, Three et Vodafone) et un nombre important de petits acteurs. BT est un petit intervenant dans le mobile, la CMA estime peu probable que la fusion puisse avoir un effet significatif. Le constat est identique dans le fixe, EE étant un acteur mineur dans le haut débit et la TV payante. De plus, BT utilise ses infrastructures fixes pour fournir à ses concurrents des prestations de liaisons louées qui leur permettent de développer leurs propres services mobiles.
La naissance d’un nouvel acteur convergent
Malgré les conclusions de la CMA, le nouveau groupe BT EE n’en restera pas moins un géant sur le marché britannique. Il contrôlera 45% du spectre et 40% du marché grand public des télécoms avec pas moins de 35 millions d’abonnés. Surtout, grâce à la mise en commun du réseau 4G de EE, le plus développé et le plus performant et du réseau de fibre optique de BT (3 millions d’abonnés en propre, 4,2 millions au total via la filiale indépendante BT Openreach en charge et 22 millions de prises fibrées), le nouvel ensemble va devenir le premier opérateur convergent au Royaume Uni.
De fait, si 83% des britanniques choisissent au moins deux services différents chez leur opérateur, les « bundles » restent bien moins développés que sur les autres grands marchés européens. Les offres 3P (voix, internet et TV) ne sont présentes que dans 25% des foyers britanniques et les offres 4P, commercialisées par BT, EE, Virgin Media et Talk Talk, ne concernent encore que 2% des foyers. Le développement des propositions convergentes est donc bien central dans le rapprochement entre BT et EE.
Le poids du nouveau groupe, sa position unique pour proposer des offres convergentes de même que son importance sur le marché de la TV payante (BT est aujourd’hui avec Sky le seul acteur intégré verticalement, en situation d’éditer ses propres chaînes) vont avoir des répercussions qui inquiètent les concurrents. Mais, pour contester ce rapprochement, ces derniers devront passer par Bruxelles où la Commission entend défendre l’animation commerciale sur les différents marchés.
Les conclusions de l’enquête préliminaire de la Commission sur la prise de contrôle de O2 (Telefonica) par Three (CK Hutchinson) sont attendues cette semaine et devraient retenir une liste de concessions importantes. De même, le rapprochement de Liberty Media (Virgin Media) et Vodafone a été – provisoirement ? – ajourné au mois de septembre en raison notamment des craintes des positions de l’Europe. Le marché britannique, l’un des plus ouverts et des plus concurrentiels en Europe, promet d’animer une nouvelle fois l’actualité du secteur des télécoms cette année.
La vente de EE à BT va rapporter 3,4 milliards de livres (4,5 milliards d’euros) en cash et une participation de 4 % dans le nouvel ensemble à Orange. Outre le numéraire, Deutsche Telekom est lui assurer d’obtenir une part de 12% au capital du nouveau BT. L’allemand deviendra ainsi le premier actionnaire et certains analystes parlent déjà d’une co-entreprise et même d’une future prise de contrôle après 2019, une fois échue l’interdiction pour Deutsche Telekom de détenir plus de 15% du capital pendant trois ans. Pour Orange, l’opération peut avoir des répercussions sur son rapprochement avec Bouygues Telecom puisque la vente va modifier le périmètre du groupe en faisant gonfler dans les comptes la part de la France dans le chiffre d’affaires européen. Si cette part dépasse comme prévu les deux tiers du CA, le rapprochement devrait être examiné par les autorités de la concurrence nationales. Mais tout pourrait dépendre du calendrier des discussions avec Bouygues puisque le périmètre du CA est établi à la date de la notification officielle de l’offre de rachat.