Netflix vient de publier ses résultats trimestriels, les premiers depuis son déploiement simultané dans 130 pays le 6 janvier dernier. Le géant du streaming vidéo affiche des revenus et un niveau de recrutement sans précédent dans son histoire. Des résultats solides jugés toutefois insuffisants par ses investisseurs qui s’interrogent sur les perspectives de développement du service dans les mois à venir.
Les meilleurs résultats trimestriels de l’histoire de Netflix
Le leader mondial de la vidéo à la demande par abonnement poursuit sa folle ascension. Au premier trimestre 2016, Netflix a recruté 6,74 millions d’abonnés supplémentaires, un total jamais atteint depuis son lancement sur le marché du streaming en 2010. Le groupe a gagné 2,23 millions d’abonnés aux États-Unis, où se concentrent encore 58% de son parc mondial, et 4,51 millions d’abonnés à l’international. Des chiffres supérieurs aux prévisions établies par Netflix lui-même qui tablait sur l’ajout de 1,75 million d’utilisateurs sur son marché domestique et 4,49 millions à l’étranger. La firme de Los Gatos totalise désormais 81,5 millions d’abonnés à travers la planète et voit se rapprocher à grands pas la barre symbolique des 100 millions d’utilisateurs qui pourrait être franchie dès la première moitié de l’année 2017.
Portée par ce recrutement record, la firme américaine affiche au premier trimestre 2016 les résultats financiers les plus élevés de son histoire. Netflix a ainsi vu ses revenus s’établir à 1,81 milliard de dollars sur l’activité streaming (+33% en un an), auquel il convient d’ajouter les 145 millions de dollars générés par l’activité de location de DVD qui demeure à ce jour la plus rentable du groupe. L’international continue lui d’être déficitaire avec de nouvelles pertes à hauteur de 104 M$ (+60% en un an) malgré un chiffre d’affaires en hausse de 74% à 652 M$. Le résultat d’une politique d’expansion mondiale lourde en investissements marketing et d’enveloppes dédiées aux productions et acquisitions de contenus toujours plus importantes. La situation est nettement plus saine aux États-Unis avec une taille critique du parc d’abonnés d’ores et déjà atteinte et des bénéfices sans précédent : 413 M$ (+32% vs Q1 2015) pour un chiffre d’affaires de 1,16 Mrd $ (+18%). Au total, l’entreprise a vu son bénéfice net croitre de 27% en un an pour s’établir à 27,66 M$.
Une année 2016 pleine de défis
Malgré les bonnes performances affichées, Netflix s’est vu sanctionné par les analystes avec un recul de 12% de son titre dans les échanges d’après-Bourse au soir de son annonce. La faute principalement à des prévisions de recrutement revues à la baisse sur le trimestre en cours (2,5 M de nouveaux abonnés attendus dont 500 000 aux USA et 2 M à l’international), inférieures aux attentes du marché (>4 M dont près de 600 000 aux USA et 3,5 M hors États-Unis). De nouvelles estimations que le service de streaming justifie par le succès rencontré au même moment l’année passée lors de son ouverture dans deux marchés anglophones d’envergure, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les craintes des analystes portent également sur l’environnement hyperconcurrentiel auquel Netflix doit faire face sur le marché du divertissement et que Reed Hastings n’a d’ailleurs pas manqué de souligner dans sa lettre trimestrielle aux actionnaires[1]. La multiplication des offres de streaming par abonnement de la part des câblo-opérateurs et des grands networks US (HBO, Starz, Showtime, NBC…), conjuguée à l’annonce du lancement de l’offre SVoD d’Amazon à 8,99$ par mois[2] le jour même – sans engagement et indépendamment du service annuel de livraison « Prime » – contribuent ainsi à instaurer un climat de vigilance autour du futur rythme de développement de Netflix.
La hausse de prix des abonnements annoncée pour ces prochains mois est elle aussi redoutée par le marché. Si l’augmentation de 1$/1€ de l’abonnement « Standard » (passant de 8,99 à 9,99$/€ pour l’offre HD avec 2 écrans) survenue en septembre 2015 se limitait aux nouveaux abonnés, les membres « historiques » seront eux aussi soumis à cette revalorisation en cette année 2016. Une bascule qui se fera progressivement sur l’ensemble de l’année de sorte à s’assurer que chaque abonné soit bien informé de ce changement de tarif. Un mouvement qui ne semble pas inquiéter Reed Hastings qui se dit confiant en son parc d’abonnés et ne s’attend qu’à un très modeste taux de churn, son service étant aujourd’hui suffisamment installé dans le paysage audiovisuel américain et dans les habitudes de consommation de ses utilisateurs. Un service qui plus est enrichi tous les mois de contenus originaux et exclusifs, qui devraient être plus nombreux encore en 2017 puisque Netflix annonce que l’augmentation de l’ARPU qui sera dégagée de cette hausse des tarifs alimentera directement l’enveloppe dédiée aux contenus. Une enveloppe estimée à plus de 6 milliards de dollars l’an prochain.
A l’international, cheval de bataille du service de streaming ces dernières années, Netflix se dit encore « en phase d’apprentissage ». S’il juge son offre encore perfectible dans de nombreux pays, Reed Hastings s’est engagé à travailler prochainement sur l’ajout de langues locales (l’anglais étant par défaut la seule langue proposée dans la version universelle de Netflix lancée en début d’année dans une majorité de pays), la diversification des moyens de paiement (l’usage des cartes de crédit étant aujourd’hui limité dans certaines parties du globe) et le renforcement de son offre de contenus régionaux. En attendant l’atteinte d’une taille critique d’abonnés à l’international, Netflix réaffirme son intention de s’implanter en Chine, seul grand bassin de consommation à lui échapper à date, et confirme l’existence de discussions avec des partenaires locaux sans pour autant être en mesure de fournir une date de lancement. Si de nouvelles pertes sont attendues en dehors des États-Unis dans la seconde moitié de l’année 2016, le service américain estime que les marchés étrangers les plus matures devraient montrer leurs premiers signes de profitabilité à l’horizon 2017.
[1] Netflix Q1 2016 – Letter to shareholders
[2] Amazon aims at Netflix with separate Prime, Video subscriptions