L'édito de Philippe Bailly

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TV connectée et retail média, les clés d’une croissance explosive ?

NPA Conseil (Groupe Influencia), le cabinet Maestis et Philippe Goetzmann& organisaient le 8 octobre une matinée de débats autour de la TV connectée et du retail média, « Les clés d’une croissance explosive ? ». En quelques mois, Retail Média et CTV se sont imposés comme des mots-clés pour les professionnels de la distribution et de l’audiovisuel. En France, ils représentent déjà des réalités économiques significatives (1,1 Mds€ pour le retail media et 350 M€ pour l’instream TV, en France, en 2023). Au niveau mondial, ils représenteront d’ici 2026 les deux segments les plus dynamiques de la publicité digitale avec des croissances respectives de 59 % et de 57 % d’ici à 2026 (étude WARC). Tirer le meilleur de cette dynamique suppose, pour les professionnels du retail et de l’audiovisuel, de renforcer les alliances permettant de gagner en puissance, d’affiner l’exploitation de la data et de s’accorder sur le pilotage des offres commerciales, d’adapter la création publicitaire et de s’entendre sur de nouveaux indicateurs de performances. Ce développement devra associer les marques avec, à la clé, de nouveaux équilibres dans les relations entre distributeurs, annonceurs et médias. L’Insight NPA propose un compte rendu des quatre tables rondes.

En ouverture, François Pellissier, directeur général adjoint Business et sports du Groupe TF1, et Emmanuel Grenier, Directeur E-commerce, Data et Transformation Digitale du Groupe Carrefour ont annoncé un nouveau partenariat important entre les deux groupes.

Table Ronde 1 – Une alliance stratégique entre audiovisuel et retail

Participants :

  • François PELLISSIER, DGA Business & Sports du Groupe TF1.
  • Emmanuel GRENIER, Directeur Exécutif E-commerce, Data et Transformation Digitale du Groupe Carrefour.

Emmanuel GRENIER est revenu dans son propos préliminaire sur la révolution du Digital dans le métier du Retail. Carrefour c’est 5 000 magasins, 14 millions de clients encartés et 15 millions de visiteurs uniques sur les sites internet du groupe. 90 % du chiffre d’affaires se fait toujours en magasin contre 10 % désormais réalisé en ligne. « Ce n’est qu’un début. On connait la direction ».

Le premier sujet c’est celui des clients. Avec comme principal enjeu de développer une mobilité efficace pour les clients alors que 50 % des commandes se font via l’application mobile. Il faut mettre de l’IA derrière la mobilité pour être capable de proposer les bons produits sur un petit écran de Smartphone. La promo personnalisée est le second enjeu majeur. Sur smartphone et à la télé et en magasin demain. Enfin, troisième enjeu côté clients, celui des assortiments. Ils sont généralement communs sur la France entière. L’IA va révolutionner les assortiments, magasin par magasin.

Le deuxième sujet c’est celui des collaborateurs. Carrefour c’est 500 000 employés dont 95 % en magasins. Il est nécessaire – pour des raisons de productivité et de confort – de faire évoluer les outils mis à disposition des collaborateurs. Comme pour les clients, le seul axe possible c’est celui de la mobilité. Comme ils travaillent en magasins, tous leurs outils doivent être accessibles sur le mobile. Là encore l’IA va jouer un rôle.

Le troisième volet est celui des fournisseurs, les industriels. L’objectif est d’augmenter les ventes. C’est là qu’est né le Retail Media. De la simple publicité en ligne le Retail Media a évolué depuis 2010 vers le produit sponsorisé. Il s’agit de pousser un produit dans un moteur de recherche en fonction de sa pertinence et du prix qui a été mis par l’industriel. Avec le produit sponsorisé on est capable de cibler puis de mesurer. C’est la mesure qui a bouleversé la relation entre le distributeur et l’industriel. Le distributeur peut maintenant vendre de l’espace publicitaire en fonction du retour sur investissement en termes de ventes et de marges. La deuxième étape c’est la partie magasin. C’est beaucoup plus compliqué de cibler en magasin. Il faut le faire en fonction du contexte c’est le seul moyen. Et il faudra ensuite mesurer en faisant un lien entre ce qui a été communiqué et ce qui a été acheté. La troisième étape c’est la télévision. Comment faire un lien entre ce que l’on regarde à la TV et ce que l’on achète. C’était impensable il y a quelques années. 

François PELLISSIER a pour sa part présenté la plateforme de streaming TF1+ qui alimente la stratégie digitale du groupe. La plateforme pèse 33,5 millions de visiteurs uniques par mois et 25 millions de logués. Le contenu premium permet une publicité premium et valorisante. Le Reach est massif avec 70 % des impressions publicitaires sur l’écran TV. Le Reach massif permet d’avoir une data puissante, interopérable avec le marché. Le développement de la plateforme passe par l’expansion géographique (l’ensemble de la francophonie, soit 300 millions de personnes dans le monde), et par l’enrichissement du catalogue de contenus (les droits étendus de tous les contenus antennes, des contenus AVoD, une politique d’agrégation pour le contenus d’éditeurs tiers) qui compte aujourd’hui autour de 25 000 heures de programmes (plus que sur Amazon Prime Video, un peu moins que sur Netflix qui est autour de 36 000 heures). Concernant l’axe publicitaire, TF1+ est une plateforme technologique à part entière, est en pointe sur la data et l’adtech. Un partenariat a été passé avec Habu de Liveramp qui permet l’interopérabilité avec toutes les data Clean Room du marché. Et le groupe lance un Graph ID, ID unique de TF1 autour des 25 millions de logués avec un enrichissement des datas partenaires (20 partenariats data dont 9 avec des enseignes Retail avec 400 segments Retail activables). Enfin TF1 lancera l’année prochaine de nouvelles solutions publicitaires permettant d’adresser tout le Funnel Marketing jusqu’à la conversion avec un format Shoppable Ads.  Le chiffre d’affaires sur la data Retail a déjà progressé de 80 % cette année.

François PELLISSIER et Emmanuel GRENIER ont ensuite présenté le nouveau partenariat entre les deux groupes dans le Retail Media sur TV connectée. Carrefour dans le cadre de la régie Unlimitail (Groupe Carrefour et Publicis Groupe) pourra bientôt commercialiser auprès des annonceurs une partie de l’inventaire de TF1 Pub sur la plateforme de streaming TF1+, exclusivement pour faire de la publicité pour des produits en promotion, interdite en télévision linéaire. « C’est une première, ça ne s’est jamais fait en France ». Les spots publicitaires seront éligibles au format Shoppable Ads qui sera lancé par TF1 Pub en 2025. Le partenariat permet de réunir le meilleur des deux mondes avec une offre extrêmement puissante sur les offres promotionnelles. « C’est aussi un acte pour le pouvoir d’achat ». Carrefour réalise entre 25 % et 40 % de son chiffre d’affaires sur le promotionnel.

Table Ronde 2 – Formats, intégration, création, CTA : quelle « chorégraphie publicitaire » pour optimiser la performance ?


Participants :

  • Alix PROUHET, Media and connection director chez Coca Cola France.
  • Raphaël PORTE, Directeur général de RMC BFM ADS.
  • Emmanuel CREGO, Directeur général de Groupe Values.
  • Thomas KOUCK, CEO de VEEPEE | AD.
  • Arthur GIBELIN, Head of E-Retail chez iProspect (dentsu).


Pour Thomas KOUCK le rapprochement entre Retail et TV Connectée est « enthousiasmant ». Le Off-Site n’est pas nouveau, c’est même structurant dans la stratégie des Retailers en France et à l’international. L’audience on-site du Retail Media est très petite, « ça mérite une extension d’audience. On l’a fait sur l’open web, mais l’open web s’essouffle, voir périclite sous certains aspects. ». La CTV arrive avec un environnement potentiellement plus qualitatif. Mais il faut rester prudent car les enjeux techniques sont énormes, et « le croisement d’audiences amène à une rarification du Reach de manière automatique et c’est un véritable danger en termes d’adressabilité et de taille de marché ». VEEPEE va bientôt annoncer un partenariat avec M6 qui est comparable, sous certains aspects, à ce que vont faire TF1 et Carrefour.  « La CTV est un nouveau levier mais un levier parmi d’autres. Ce qui fera demain que l’on travaillera massivement avec la CTV ce sera la réalité de la performance ». 

L’alliance entre Retail et CTV « c’est compliqué » selon Raphaël PORTE. C’est pour ça qu’un guichet unique est important comme ce sera le cas avec la market place annoncée par RMC BFM avec M6, France Télévisions et Unlimitail en Télévision Segmentée. En termes de formats, la CTV permet de faire de la publicité sans interrompre un programme, par exemple avec le format L-Shape. Mais il y a une différence entre la Market Place et le Libre-service en programmatique. Le Média doit rester un intermédiaire entre les contenus et les annonceurs. « Ce que l’on cherche plutôt c’est la simplicité ». Il est également essentiel de pouvoir proposer de la mesure aux annonceurs. Enfin, ce que permet la CTV également (c’est le cas des chaînes FAST par exemple) c’est de proposer des contenus qui soient également très ciblés. « On n’est pas très loin de pouvoir avoir une chaîne par personne et donc des communautés. Et quand je cible ces communautés je n’ai même plus vraiment besoin d’avoir une data particulière ». L’enjeu essentiel pour les années à venir c’est la simplification.

Emmanuel CREGO rappelle que le ciblage en CTV reste au niveau du foyer, pas à celui de l’individu. On reste encore dans une phase d’apprentissage. On peut commencer à faire de la surpondération par rapport au média de masse de la TV, sur certaines typologies de cibles. Il reste un gros sujet sur la mesure. Tant chez l’annonceur qu’en agence. Les mix médias évoluent très vite en France aujourd’hui. La TVS n’a que trois ans d’existence ; le streaming explose. Avec les déports d’audience (un tiers du temps passé sur la TV n’est plus consacré au linéaire), il y a de nouveaux arbitrages à mettre en place. Mais il y a un gros travail à faire sur l’unification des métriques. C’est essentiel pour maitriser la couverture et la répétition. « Même s’il y a un même ciblage la CTV reste trop cloisonnée, trop organisée en silos. Par exemple, si j’ai déjà touché un contact sur TF1 avec un spot Coca avec de la data VEEPEE, je veux être sûr de ne le toucher qu’une fois de plus sur M6 et sur BFM parce que je considère que trois répétitions c’est suffisant. Il y a des verrous assez structurants à faire sauter là-dessus ».

Pour Alix PROUHET le Retail en CTV s’inscrit dans la marketing transformation. La CTV reste aujourd’hui considérée sur des « objectifs d’awareness ». Les enjeux de Safety, d’attention et de mesure ne sont pas totalement clarifiés. Mais Coca fait ses premiers tests « en considération » grâce aux QR codes. Il faudra attendre par contre 2025 pour que Coca s’intéresse à des « objectifs de conversion ». Avec Retail et CTV, « Les campagnes qui arrivent en incrémentale ne doivent pas devenir des usines à gaz ».  De plus, l’adaptation ciblée de certaines créa a un coût qu’il est nécessaire d’évaluer. La notion d’impact est plus importante que celle de personnalisation.

Arthur GIBELIN estime que la CTV est un levier complémentaire dans les activations 360 des clients. Notamment dans le Retail avec ce qui est déjà fait sur le On-site et le Off-site. Grâce aux data Clean Room, on est capable de comprendre l’influence de chacun des points de contact en réconciliant tous les leviers. Cela permet de comprendre ceux qui génèrent le meilleur taux de conversion. Mais une fois encore il y a un travail de cohérence sur la mesure qui reste à faire.

Table Ronde 3 – Quelle promesse et quelle gouvernance pour la data ?

Participants :

  • Laurent Bliaut, DGA Marketing et R&D chez TF1 PUB
  • Sandrine Clion, Directrice Générale d’Imediacenter
  • Lavinia Stanescu, Data Partnerships Director EMEA chez The Trade Desk
  • Arnaud Lauga, CEO de Performics et Publicis Commerce
  • Thibault Asselot, VP Commercial Partnerships chez LiveRamp

Sandrine Clion, d’Imediacenter, régie média spécialisée dans le point de vente physique, souligne que les données ne sont pas exclusivement réservées aux activités online, mais sont également omniprésentes dans les espaces physiques. L’Etude barométrique Shopper Trends 2024 d’Imediacenter révèle que 65 % des clients en magasin peuvent changer de produit ou de marque jusqu’à la dernière minute, d’où l’importance d’être présent tout le long du parcours d’achat, en particulier dans le monde physique. Les données exploitées sont principalement transactionnelles et issues des cartes de fidélité. Imediacenter travaille avec les annonceurs en amont des campagnes publicitaires (via la règle des 3 B : le choix du bon magasin, du bon moment et de la bonne personne). « Les indicateurs sont presque similaires au digital, si ce n’est qu’on a un média qui est one-to-many, alors qu’en digital on est surtout one-o-one. La différence est aussi sur la période d’attribution, nous on va travailler pendant la campagne alors que sur le digital on peut attribuer l’achat d’un produit à un consommateur 15 ou 30 jours après la campagne ». Sandrine Clion évoque également la perméabilité entre l’alimentaire et le non-alimentaire, le physique et le online. Par exemple, 75 % des consommateurs en alimentaire sont exclusivement en magasin. Selon elle, il n’y a pas forcément de plafond de verre, mais cette perméabilité évolue lentement. Sur le même sujet, Arnaud Lauga pense qu’il n’y a pas de plafond de verre. Il faut activer la donnée qui permet de faire le lien entre digital et physique.

Laurent Bliaut (TF1 PUB) met en avant l’importance d’avoir un reach significatif en amont pour être valorisé aux yeux de l’annonceur : « On a un bon alignement des planètes. Le problème quand on commence à faire des cibles sur segment c’est que si on ne part pas d’un très gros Reach, on arrive sur des segments qui font 200 000 personnes et ça contribue peu au business de l’annonceur. C’est en ça que l’offre de TF1+ est unique avec 33 millions d’utilisateurs et 25 millions de logués ». La grande nouveauté réside dans le fait que le grand écran est désormais massivement adressable, que ce soit via le streaming ou la TV segmentée. L’adressabilité de ces grands écrans, couplée à des contenus à forte audience, permet d’utiliser efficacement les données retail pour des segmentations suffisamment larges afin d’en tirer des bénéfices substantiels. « Ce qui a changé aussi c’est l’empowerement des tous les assets que l’on a, par la data ». Laurent Bliaut ajoute : « avec la data retail, je peux chercher à fidéliser quelqu’un qui achète déjà mon produit, mais il est également possible de cibler un consommateur qui achète dans la catégorie mais pas mon produit, voir même qui achète mon concurrent […] un peu de guerilla marketing ». Il est donc possible de recruter de nouveaux consommateurs en utilisant la data pour cibler des prospects au-delà des clients habituels d’une marque

Lavinia Stanescu aborde le sujet des datas 1st party. Ces données sont « la force centrale » de leur activité chez The Trade Desk. « The Trade Desk a déployé beaucoup d’efforts ces deux dernières années pour accueillir sur sa data Marketplace de la data Retail à l’échelle européenne. La data Retail est disponible en self-service pour des annonceurs choisis par les annonceurs partenaires. Il y a du contrôle et de la sécurité pour chaque accord. La croissance est au rendez-vous avec X15 sur les trois premiers trimestres par rapport à l’année dernière ». Elle estime que nous sommes qu’aux balbutiements de l’aventure de la TV drivée par la data.

Thibault Asselot considère que le marché français est assez spécifique avec une forte importance accordée à la TV linéaire. Aux Etats-Unis, les téléspectateurs se sont éloignés de la TV linéaire, saturée de publicités. En France, la TV linéaire est encore largement accessible via les opérateurs. « Grâce à l’IPTV des opérateurs télécoms, en France la CTV a existé avant même qu’on parle de CTV. Liveramp travaille sur la TV linéaire depuis 2019 – 2020 en réconciliant la donnée détenue par les opérateurs et des données de Retail. ».  Il souligne ensuite que « l’avènement de la TV Segmentée a permis aux annonceurs et aux Retailers d’onboarder leurs données 1st Party pour réaliser des campagnes ciblées. ». On observe aussi l’avènement de plateformes de streaming soutenues par des broadcasters qui permettent d’avancer sur l’utilisation de la data en CTV. Il ajoute : « Nous sommes honorés de pouvoir aider TF1 sur son Graph ID mis à disposition des annonceurs. C’est un enjeu de data collaboration extrêmement intéressant ».

Côté agences, Arnaud Lauga (Publicis) aborde les changements organisationnels qu’impliquent les nouveaux enjeux posés par la data. Le retail média participe à faire grossir les équipes data mais ce n’est pas le seul facteur. « A côté de ça, les profils conseils se transforment, ils doivent être plus data, plus tech, plus planning stratégique ». Dans les agences médias, les profils se transforment globalement. Même les créatifs doivent ajuster leur mindset, qui doit être davantage « data-driven ». L’IA impacte davantage la production que la création en elle-même. Les datas 1st party sont évidemment utilisés davantage pour la création, mais elles ne se suffisent pas à elle-même. « Les Data Clean Room permettent de projeter les data 1st Party de nos clients et de comprendre les comportements d’exposition mais aussi les comportements business. Et donc on est capable derrière d’extrapoler sur du prospect. Et c’est là que ça commence à être intéressant sur des annonceurs endémiques et non endémiques. C’est passionnant. Quand un Stellantis croise sa donnée 1st Party avec de la donnée Amazon on comprend ce qu’achète leurs clients et comment mieux les adresser à tous les niveaux du Funnel. C’est une sacrée avancée ».

Chaque participant a souligné un aspect essentiel du potentiel et de la gouvernance des données. Thibault Asselot observe que beaucoup de données ne sont pas encore exploitées, notamment dans les secteurs du voyage et de l’hôtellerie. Laurent Bliaut évoque la maniabilité et l’interopérabilité des données, et l’importance de traverser les silos pour tirer parti de la masse de données disponibles. Pour Sandrine Clion, il est crucial que l’annonceur s’assure que les outils en magasin sont bien connectés aux outils technologiques pour permettre une mesure omnicanale, transversale entre le physique et le digital. Lavinia Stanescu insiste sur la liquidité de la data, soulignant qu’il faudrait davantage de terrains à cibler en programmatique de manière plus data-driven. Enfin, Arnaud Lauga rappelle l’importance de la gouvernance des données chez les annonceurs.

Table Ronde 4 – Au-delà de l’audience, une mesure de la performance à réinventer

Participants:

  • Thibault Labarre, Partner, Head of Marketing & Commercial Effectiveness chez Ekimetrics
  • Charlotte Jourdan, Head of Digital & Data chez UM Paris (IPG Mediabrands)
  • Idalgo d’Ambrosio, Responsable pôle efficacité digitale chez Ilec, La voix des marques
  • Isabelle Bordry, Co-fondatrice de Retency
  • Marianne Schneider, co-fondatrice de Kamino Retail

Cette dernière table ronde aborde le thème des mesures de la performance publicitaire, au-delà des simples audiences, dans un contexte de convergence entre le retail et la télévision connectée (CTV).

Isabelle Bordry souligne la complexité actuelle de l’écosystème des médias avec la multiplication des écrans et des contenus, rendant difficile la mesure des performances. Les annonceurs peuvent désormais acheter de l’espace publicitaire sur plusieurs plateformes, ce qui complique la tâche des entreprises qui mesurent l’audience et le retour sur investissement (ROI). Le passage d’un modèle basé sur des panels à un univers big data impose des défis liés à la confidentialité et à la protection des données, tout en exigeant leur partage pour maximiser la valeur.

Concernant l’harmonisation des mesures, Thibault Labarre met l’accent sur la fragmentation des données et des écosystèmes, qui complique la mise en place d’un outil harmonisé. Le retail media pose également des défis organisationnels, en termes d’équipes et des budgets alloués. Il est important d’effectuer des arbitrages stratégiques au plus haut niveau pour garantir une mesure pertinente du ROI et des ventes incrémentales, en lien avec d’autres indicateurs clés.

Du côté des agences, Charlotte Jourdan souligne que la CTV possède parmi les meilleurs scores d’attention, grâce à la taille de l’écran et au contexte de coviewing. Elle souligne également le reach incrémental supérieur par rapport à la télévision linéaire (de 3 % à 10 %). Elle prend l’exemple d’Amazon pour illustrer la convergence retail-CTV, qui allie la data de sa marketplace avec Prime Video pour des campagnes très ciblées, comme celle de Mattel pour Scrabble. Grâce à des outils comme Amazon Marketing Cloud, il est possible de mesurer précisément l’impact des campagnes sur les ventes et autres indicateurs comme l’awareness et l’intention d’achat. Le partenariat Unlimitail-TF1+ permettra de nous donner une première approche pour voir s’il est possible de réaliser les mêmes accomplissements qu’avec Amazon.

S’agissant de la problématique des outils nécessaires à ces mesures, Marianne Schneider explique que leur plateforme d’activation retail media permet aux retailers d’adapter les rapports en fonction des besoins des annonceurs (les indicateurs les plus pertinents pour eux, en fonction de leurs opérations).

Du côté des marques, Idalgo d’Ambrosio soulève le problème de la diversité des KPI utilisés pour mesurer la performance, après avoir identifié plus de 50 indicateurs différents à travers un audit. Il plaide pour une simplification en réduisant cette liste à 5 ou 6 KPI prioritaires, harmonisés entre les différentes régies. Il critique également la pertinence de certains indicateurs comme le ROAS, jugé, dans l’état actuel des choses, peu crédible avec des valeurs souvent exagérées. Il insiste sur l’importance de calculs plus rigoureux et compréhensibles pour tous les acteurs.

Isabelle Brodry souligne que l’accessibilité à la donnée de manière massive donne de meilleurs résultats, très pertinents et granulaires, mais posent des problèmes de confidentialité des données et de la vie privée. Les données sont là, mais le principal enjeu est bel et bien l’harmonisation des moyens de mesure. Il s’agit de redéfinir les indicateurs. Les enjeux réglementaires, de protection de la vie privée des consommateurs, sont également importants d’autant plus à grande échelle (il ne s’agit plus de petits panels mais de millions de consommateurs) et lorsque des bases de données provenant de différents univers circulent entre eux et sont comparées. Aujourd’hui, la pseudo-anonymisation des données, même si elle ne rend pas les informations confidentielles en termes business, pose des problèmes de respect de la vie privée des consommateurs. Selon Isabelle Bordry, Retency utilise des outils d’anonymisation pour protéger la confidentialité des consommateurs tout en permettant de produire des indicateurs fiables, notamment sur le ROI dans des environnements comme la CTV. Ils parviennent ainsi à traiter un grand volume de données tout en respectant strictement la vie privée.

Sur le sujet de l’Intelligence artificielle (IA), Isabelle Bordry souligne que le propre de l’IA est de faire des corrélations, ce qui peut poser des risques considérables en matière de protection des données, notamment dans les cas de pseudo-anonymisation, où les données ne sont pas totalement anonymes et peuvent être reconstituées. Thibault Labarre considère que l’IA peut être un accélérateur dans l’analyse des données. Cependant, le modèle le plus complexe n’est pas toujours le plus pertinent : l’essentiel est de choisir un modèle qui apporte réellement de la valeur à l’annonceur, peu importe sa complexité.

Revenant sur le sujet de l’élaboration d’indicateurs de performance, Isabelle Bordry estime que les indicateurs sont in fine toujours les mêmes mais que le moyen de les calculer est différent. L’enjeu serait de produire les mêmes indicateurs de manière encore plus pertinente et granulaire pour mieux optimiser les campagnes. Côté supply, Marianne Schneider déclare que les annonceurs ont tous des demandes différentes en termes d’indicateurs. Il est compliqué d’harmoniser car les annonceurs sont aussi demandeurs en termes de KPIs très spécifiques.

En conclusion, il existe une grande hétérogénéité dans la mesure de la performance et les KPIs à suivre. Il n’est pas forcément nécessaire de les révolutionner, mais il est essentiel de s’accorder sur une harmonisation dans leur méthode de calcul. Il s’agit également de développer des modèles économétriques robustes, qui permettent de mieux affiner les ciblages et segmentations. La convergence entre le Retail Media et la CTV soulève également des questionnements organisationnels, nécessitant un décloisonnement et une meilleure fluidification des échanges entre les différentes entités et niveaux. Enfin, la responsabilité des acteurs vis-à-vis des consommateurs et de l’utilisation des données est un point important qu’il convient de souligner.

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