Le professeur Sirinelli a été auditionné en commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale aujourd’hui afin de présenter aux députés les enjeux actuels relatifs au droit d’auteur sur internet. Il est revenu sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), et a donné son interprétation du principe de communication au public. Le professeur soutient qu’en excluant un certain nombre de pratiques relatives aux liens hypertexte du champ des actes couverts par ce principe, la CJUE a atrophié le pouvoir des auteurs d’autoriser ou d’interdire les utilisations de leurs œuvres sur internet, et a permis aux grands acteurs du web de capter la valeur créée par les auteurs.
Le professeur a également traité la question de la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, actuellement en cours d’examen au Parlement européen.
Selon lui, cette proposition apporte, en son article 13, une solution satisfaisante aux déséquilibres présents aujourd’hui dans l’écosystème numérique de la création. En effet, cet article permet d’impliquer les intermédiaires techniques, qui bénéficient du partage d’œuvres protégées, dans la protection de ces mêmes œuvres, et ce dans une optique de coopération entre les plateformes et les ayants-droit. A cet égard, il réfute les arguments soutenus notamment par l’eurodéputée maltaise, Mme Comodini Cachia, qui soutenait que cet article instituait une obligation générale de surveillance, défendue par la directive e-commerce de 2001. Selon lui, le fait que l’article impose l’utilisation d’outils automatisés de filtrage d’œuvres individuellement identifiées exclut toute démarche active de surveillance de la part de l’acteur concerné.
Il approuve également le considérant 38 de la proposition de directive, qui précise comment identifier les hébergeurs, du moins en matière de droit d’auteur, et souhaiterait que ce considérant devienne un article, pour que ce principe soit d’autant mieux ancré.
Il propose par ailleurs de mettre en place une nouvelle procédure judiciaire pour faire cesser les atteintes au droit d’auteur sur internet, qui aurait une portée européenne et qui couvrirait tant un site internet que ses sites miroirs. Ainsi, lorsqu’un ayant-droit souhaiterait demander à un fournisseur d’accès à internet de bloquer l’accès à un site contrefaisant, il n’aurait à solliciter qu’une seule fois le juge pour obtenir une injonction à cet effet ; il ne serait pas obligé de renouveler ce processus dans chaque pays européen, et pour la création de chaque site miroir. Cela permettrait une réponse plus rapide et plus efficace à la contrefaçon en ligne.
Il préconise en outre d’aller plus loin en ce qui concerne plus spécifiquement les liens hypertexte. Il critique le fait qu’ils sortent majoritairement du champ du droit d’auteur dans l’Union, et propose d’envisager la licéité des liens hypertextes renvoyant à des œuvres comme une exception plutôt que comme un principe. Il soumet ainsi l’idée de la création d’une nouvelle exception au droit d’auteur pour des hyperliens renvoyant à des œuvres, à condition i) que ce lien ne serve pas de but lucratif, ii) que l’œuvre visée soit librement accessible, iii) que l’auteur du lien ait connu ou aurait dû connaître le caractère licite de la présence de cette œuvre sur le site accessible et iv) que la technique de la transclusion (“framing” : technique qui consiste à afficher le contenu sur la page du lien, sans renvoyer à la page qui héberge effectivement le contenu) soit exclue de l’exception.
Le professeur a refusé de donner son avis sur une éventuelle évolution du rôle du CSA pour couvrir le numérique, et sur l’impact de traités comme le CETA sur le droit d’auteur dans l’Union. Il a également fait preuve de réserve sur des questions concernant le règlement “câble-sat 2”, la territorialité des droits en Europe et la portabilité des contenus, en évoquant une probable étude prochaine du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) sur la question.