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Entre la publication des rapports et avis des différents rapporteurs pour la mission Médias, livre, industries culturelles du projet de loi de finances pour 2018, les tribunes des présidents Mathieu Gallet et Delphine Ernotte, et surtout la fuite d’un document de travail du Ministère de la culture, les propositions de réforme pour l’audiovisuel public sont nombreuses.
Le document de travail, dévoilé lundi sans l’accord du ministère, propose une réforme en profondeur du secteur : le gouvernement envisagerait de regrouper France Télévisions, Radio France et les autres sociétés du secteur au sein d’une structure commune, de supprimer France Ô, et de cantonner France 4 et Le Mouv’ à une diffusion numérique.
Si les hypothèses envisagées ne sont pas encore validées par la Ministre (qui a d’ailleurs annoncé qu’elle porterait plainte pour cette divulgation), elles retiennent d’autant plus l’attention qu’elles s’inscrivent dans un contexte particulier, suite aux arbitrages du projet de loi de finances pour 2018, de baisse des dotations allouées à l’audiovisuel public.
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Dans son rapport « France Télévisions 2020 : Le chemin de l’ambition », publié en mars 2015, le groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de France Télévisions, coordonné par Marc Schwartz, évoquait déjà l’idée de renforcer les coopérations entre les sociétés nationales de programmes. Il était proposé « d’engager une politique coordonnée de développement de l’audiovisuel public et renforcer le rôle de l’Etat dans son pilotage stratégique, en définissant avec les dirigeants de l’audiovisuel public des orientations communes et en favorisant les rapprochements », et « d’expertiser ces pistes dans le cadre d’une instance de pilotage stratégique au sein de laquelle les présidents des sociétés de l’audiovisuel public seraient invités à venir échanger régulièrement autour des ministres compétents, sur leur développement stratégique et leur politique d’investissement ». Cette proposition avait par ailleurs été réitérée, quelques mois après, par les sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans le cadre d’un rapport sénatorial qui leur avait été confié sur l’avenir de l’audiovisuel public.
Au-delà du regroupement des sociétés, le document mentionnerait, comme le rapporte Le Monde, un « rapprochement » des réseaux régionaux de France 3 et France Bleu, qui s’accompagnerait de la « fermeture » des bureaux régionaux de France 2, ainsi que d’un « recentrage de l’offre régionale de France 3 » et de la « révision du maillage régional d’information de France 3 ». La « mutualisation de l’information nationale et internationale » serait également à l’étude. En ce qui concerne Radio France, c’est la reconfiguration des orchestres qui est évoquée. Ces réformes structurelles impliqueraient par ailleurs un changement du mode de gouvernance, en transférant le pouvoir de nomination des présidents des groupes du CSA aux conseils d’administration des sociétés concernées. Sur ce point, la mesure n’est pas surprenante puisqu’elle figurait dans le programme d’Emmanuel Macron alors candidat.
Ces réformes pourraient potentiellement être mises en œuvre en 2018 dans le cadre de la transposition de la directive Services de Médias audiovisuels (SMA), en cours d’examen par les colégislateurs européens.
Dans ce cas, elles pourraient se heurter à l’opposition des parlementaires, et particulièrement des députés. Dans son rapport publié la semaine dernière, le rapporteur spécial pour la commission des finances, Marie-Ange Magne (LREM), fait valoir que la proposition de rapprochement de France Télévisions et Radio France, éventuellement au sein d’une holding de l’audiovisuel public, induit « un processus long et complexe à engager ». « L’expérience des coûts supplémentaires induits par la création du groupe France Télévisions doit conduire à la plus grande prudence. » Plutôt qu’un regroupement, la députée encourage à accentuer les coopérations, notamment au niveau local. Cette vision semble être partagée par Frédérique Dumas et Béatrice Piron, rapporteurs pour avis pour la commission des affaires culturelles, qui disent y être « défavorables ». « Vouloir ressembler à la BBC est une louable intention mais l’histoire de nos deux pays n’est pas la même. On n’impose pas une culture, elle se construit. »