Les députés Eric Bothorel (LREM) et Constance Le Grip (LR) ont présenté leur rapport d’information sur le marché unique numérique à la commission des affaires européennes de l’Assemblée, hier après-midi.
Après les travaux de la commission sous la précédente mandature et notamment le rapport Karamanli/Gaymard sur le droit d’auteur et l’audiovisuel dans les réformes du marché unique numérique, les députés ont choisi de se concentrer sur quatre autres aspects du chantier :
- La proposition de règlement sur le libre circulation des données non-personnelles
- Le règlement ePrivacy et ses liens avec le RGPD
- La cyber-sécurité
- La fiscalité des entreprises du numérique
Fiscalité du numérique : les rapporteurs se félicitent des initiatives françaises
Les rapporteurs considèrent que la fiscalité des entreprises du numérique « doit viser une plus grande justice et une meilleure efficacité ». Ils estiment que les « caractéristiques de l’économie numérique sont propices aux risques d’érosion de la base fiscale et de transfert des bénéfices, en vertu de la légèreté des actifs engagés et de l’absence d’infrastructure physique dans les pays dans lesquels la valeur ajoutée est créée ou encore de la possibilité de s’implanter dans des Etats tout en réalisant la majeure partie de l’activité ailleurs ». Les propositions de la France en la matière sont donc justifiées car elles visent à corriger cet état de fait, mais ils ajoutent que la taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises « ne sera toutefois qu’un premier pas avant la conclusion des travaux de l’OCDE en la matière au printemps 2018 ». « Les progrès rapides en la matière permettront à l’Union d’avoir une position commune et donc de peser d’autant plus dans les débats mondiaux à venir relatifs à l’impôt sur les sociétés », a conclu Eric Bothorel.
La députée Danielle Obono (FI) a interrogé les rapporteurs sur la question de savoir si cette taxe et les projets de la Commission européenne n’étaient pas contradictoires, et a indiqué que « des associations pointent le fait que des entreprises déficitaires pourraient être taxées sur le périmètre de leurs « activités numériques » alors qu’elles ne représentent pas le cœur de leur activité ? » Les rapporteurs n’ont pas directement répondu à ces questions, Eric Bothorel s’étant contenté de dire que les progrès sur ce sujet étaient encore inimaginables il y a quelques mois et que qu’aujourd’hui, « en attente d’une contribution de l’OCDE, on avance sur le sujet. « Je comprends les impatiences, et je veux croire que les efforts aujourd’hui qui ne sont plus des efforts solitaires car ils ont été rejoints par d’autres, porteront très vite », indique-t-il.
Assurer la transparence pour une libre circulation des données et une innovation européenne renforcées
Sur la question de la libre circulation des données non-personnelles, les rapporteurs souhaitent qu’il y ait « suppression de tous les obstacles nationaux non justifiés à la circulation de données non-personnelles, afin que les entreprises puissent véritablement profiter du marché unique, notamment pour soutenir la concurrence féroce des entreprises américaines.
« Nous avons besoin que la croissance puisse se faire grâce à la possibilité de s’appuyer sur les algorithmes et bases de données puissantes à l’échelle européenne ».
Ils admettent néanmoins qu’il est nécessaire que les données puissent être conservées sur le territoire national pour des raisons légitimes de sécurité.
Des questions de Pieyre-Alexandre Anglade (LREM) et M. Thierry Michels (LREM) ont porté sur la confiance des utilisateurs et des Etats membres dans ces flux de données, et Eric Bothorel a répondu que « pour qu’il y ait confiance il faut qu’il y ait transparence et accès à l’information : à qui sont destinées les données, comment sont-elles utilisées ? Si on veut que les consommateurs aient confiance, il faut que les fournisseurs soient obligés de donner des informations les plus complètes sur les intentions qu’ils ont pour ces données, d’où l’intérêt de la certification des objets connectés par exemple ». « Au-delà de la régulation des plateformes, ce à quoi nous sommes très largement attachés, c’est à la transparence dans les outils de hiérarchisation des informations », a-t-il ajouté.
Garantir la cohérence entre RGPD et ePrivacy
Sur les règlements ePrivacy et RGPD, les rapporteurs ont pointé l’urgence de mettre le droit national en conformité avec le RGPD afin que les entreprises puissent s’y préparer au mieux, et ont constaté de la part de nombreuses entreprises et de collectivités publiques interrogées que ces textes demandent « un effort d’adaptation qui n’est encore que trop rarement effectif ». Ils demandent une continuité entre les deux textes, et que les dispositions sur le consentement du RGPD « irriguent la proposition de règlement ePrivacy ».
« Nous demandons que le consentement de l’utilisateur ne soit pas présumé par le paramétrage automatique du navigateur mais à ce qu’il soit recueilli également pour ce qui est des cookies tiers, après une information claire de l’utilisateur », a précisé Eric Bothorel. Ils souhaitent que le recueil du consentement soit effectué de la manière la plus protectrice de ceux qui n’en comprennent pas forcément les implications en matière de ciblage ou d’exploitation de ces données.
Sur le paquet cyber-sécurité, les rapporteurs estiment que les principales interrogations portent sur la certification des objets connectés. La question se pose de savoir si un modèle unique de certification, très contraignant, doit être adopté, ou s’il est plutôt « question de mobiliser les moyens au bon endroit et au bon moment, sur les bons sujets ».
Enfin, la question des « fake news » a été brièvement abordée par le rapporteur : « je fais partie de ceux qui pensent qu’internet n’est pas à l’origine de la diffusion d’informations malveillantes dans tout ce qu’elles peuvent avoir de plus cruel, de plus violentes, mais une fois qu’on a dit ça, on ne peut pas nier non plus qu’internet est une caisse de résonance dans sa capacité à massifier l’information, à créer des biais de connaissances, pouvoir créer des communautés… et dans sa capacité qu’un faible nombre puisse mobiliser une idéologie et la voir imposer et de la faire imposer aux autres. Nous sommes vulnérables aujourd’hui devant ces sujets. On imagine dans le concept même de régulation des plateformes la capacité de pouvoir trier la bonne information de la mauvaise, ce n’est pas malsain d’avoir un débat sur les « fake news », sur la hiérarchisation des informations ».
Plusieurs amendements ont été déposés sur la proposition de résolution, qui est désormais disponible ici. Les députés ont tenu à préciser certaines recommandations, la définition des données « enrichies par le fournisseur de services » et les données couvertes par le secret des affaires, par exemple.