Sibyle VEIL, Présidente directrice-générale, Radio France
Sibyle Veil a entamé son intervention avec Mouv’. Cette chaîne est un bon exemple de l’objectif de différenciation mis en œuvre par le service public. Le pari de cette chaîne a été d’aller vers les jeunes, son public-cible, et de se saisir de leurs codes. La chaîne a ainsi orienté sa programmation, vers du hip-hop notamment, et s’est déployée sur les plateformes en ligne que les jeunes utilisent, afin qu’ils puissent échanger, interagir et s’en emparer. Les résultats ne se sont pas fait attendre : la chaîne a gagné 100 000 auditeurs sur une année, surtout des jeunes.
La Présidente de Radio France a exposé que cette stratégie de différenciation a été appliquée à toutes les antennes du groupe. France Culture, elle-aussi, a brisé les carcans qui l’enserraient et suivi l’objectif de faire de la culture l’affaire de tous, ce qui lui a permis de battre des records d’audience. Depuis, elle a atteint presque 15 millions d’auditeurs français, sans que la qualité et l’exigence des contenus n’aient eu à en souffrir.
Pour Sibyle Veil, le service public n’est utile que s’il est de plein pied dans la société et ses usages. C’est pourquoi le groupe a entamé une transformation d’ampleur pour se déployer sur le numérique. Cette transformation a impliqué une remise en question importante de l’activité de radio elle-même, car les usages numériques de la radio sont très diversifiés : les usagers ont différentes façons de cumuler l’écoute en direct et à la demande.
Radio France s’est donc lancée dans une exploration de nouveaux formats. La Présidente du groupe a ainsi détaillé les nouveaux types d’enjeux et d’initiatives auxquelles ses équipes se sont attelées : retravailler la chronologie entre première diffusion en flux ou à la demande d’une émission, créer des programmes natifs pour le numérique, améliorer l’interactivité avec les auditeurs, échanger sur les plateformes numériques avec le public, développer des formats rendus possibles par la commande vocale… Selon Sibylle Veil, le média radio a profondément changé avec la numérisation : « on est passé d’un média de flux à un média de stock », a-t-elle résumé.
La Présidente de Radio France a soutenu que cette transition s’effectue dans le plein respect des missions de service public de son groupe, sans que son indépendance ou sa qualité ne soient affectés et sans qu’aucune chaîne n’ait dû être sacrifiée. Ainsi, France Inter s’attache à avoir une liberté de ton et des engagements forts qui créent des conditions de débat apaisées et favorisent l’expression citoyenne, et le maintien d’une ligne éditoriale exigeante sur les autres chaînes garantit leur différenciation vis à vis des radios privées. « Nous sommes sûrs de notre positionnement, c’est ce qui fait notre force », a-t-elle conclu.
Le principal risque auquel le service public est confronté actuellement est la désintermédiation, et la perte de l’accès au public. Pour y résister, Sibyle Veil compte développer l’application Radio France, en développant des solutions de recommandation personnalisée de contenus.
Concernant le projet de réforme de l’audiovisuel, l’important selon elle est de rééquilibrer les règles du jeu entre les acteurs traditionnels et les nouveaux entrants, ainsi que la protection de la propriété des œuvres, et des droits des créateurs, auteurs, interprètes, producteurs et diffuseurs.
Elle considère par ailleurs que le modèle d’acteur intégré, qui maîtrise toute la chaîne de valeur, de la création à la distribution, a vocation à durer. C’est le cas de Radio France, et c’est un modèle que les nouveaux entrants imitent.