L'édito de Philippe Bailly

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Production : les stratégies de deux groupes européens pour se démarquer dans un marché en mutation

La dernière table ronde du 31ème Colloque NPA était consacrée aux sociétés de production et plus particulièrement aux stratégies de deux des plus puissants groupes européens, Banijay et Newen représentés par Alexia Laroche-Joubert, PDG de Banijay France et Pierre Branco, Directeur général de Newen Studios, pour se démarquer dans un marché en mutation. Les créations, les formats doivent s’adapter aux nouvelles réalités d’un monde à la fois global et local ce qui implique notamment un travail de plus en plus étroit entre la production et la distribution.

Dans un marché en forte mutation, Pierre Branco, Directeur général de Newen Studios, constate d’abord que l’idée d’une approche « glocale » est une illusion. Le marché se concentre sur la création à un niveau local. Le contenu doit raisonner et avoir du sens sur le marché pour lequel il est principalement conçu. Pour autant, les contenus doivent pouvoir voyager. Et ceux qui parviennent à le faire sont précisément ceux qui ont eu le plus de succès sur leur marché local. Dans la fiction c’est par exemple le cas de la série télévisée Candice Renoir produit pour France Télévisions, vendu dans plus de 100 pays. Priorité au local donc même si certains contenus, l’animation notamment mais également le téléfilm, sont produits plus spécifiquement pour pouvoir s’exporter. C’est la complémentarité entre des genres très locaux et des genres qui ont vocation à marcher partout qui fait la force d’une société de production.

La taille des groupes de production et de distribution est essentielle pour faire voyager les programmes

Alexia Laroche-Joubert, PDG de Banijay France, insiste sur l’importance de la taille des groupes de production pour faire voyager un format. Il faut des outils et des équipes, avec des sociétés de distribution en interne comme c’est le cas avec Banijay Rights, présent sur 5 continents. La distribution permet de financer les œuvres grâce au « financing gap », en fiction notamment. Marie-Antoinette (co-produit par Newen) n’aurait par exemple pas pu exister sans une participation au financement de Banijay Rights.

Concernant le Flux, la présence sur de nombreux territoires permet de partager de l’expertise, des données, de créer des Hubs, pour rentabiliser les investissements de départ. « C’est la puissance des groupes qui permet de faire voyager la création française à l’international ». Banijay a également créé un fonds d’investissement qui permet d’accompagner les diffuseurs quand ils lancent une nouvelle IP de Flux sur leurs antennes. Les chaînes prennent une part des risques en lançant un nouveau format et, si Banijay reste propriétaire de l’IP, il finance en contrepartie une partie du développement, du casting, de la création des plateaux par exemple… Banijay devient donc partenaire et augmente la « production value » en étant solidaire d’une forme de prise de risque financière. Banijay accepte également dans certains cas de partager l’IP avec le diffuseur qui peut avoir dans certains cas un pouvoir de recettes ou des parts d’IP.

Une imbrication de plus en plus forte entre production et distribution  

Dans ce contexte, Pierre Branco relève l’imbrication de plus en plus forte entre production et distribution. Une bonne partie des programmes ne pourrait pas se financer sans l’intervention de la distribution en cherchant des ventes à l’international mais aussi, de plus en plus souvent en apportant du préfinancement en amont. Alors qu’historiquement Newen Connect commercialisait un catalogue de programmes déjà produits, elle est de plus en plus le catalyseur de montages permettant de préfinancer les projets. La distribution peut donc intervenir dès la phase de création pour maximiser les chances d’exportation. La distribution ne participe pas à proprement parler à l’écriture mais elle intervient très tôt pour suggérer d’éventuels aménagements artistiques destinés à accroître le potentiel du programme, et montrent les premiers rushs dès qu’ils sont disponibles dans les différents marchés comme le MIP.

Banijay investit chaque année 5 millions d’euros dans la création (salaires, achats d’IP, création de trailers etc.). L’adaptation d’un format qui vient de l’international doit également être considérée comme une forme de création. La France est reconnue comme étant l’un des meilleurs adaptateurs au monde pour les formats internationaux. C’est très intéressant pour les distributeurs qui héritent d’un format beaucoup plus intéressant après être passé par les mains des créatifs français. Pour Alexia Laroche-Joubert, le renouvellement de marques à l’antenne, par exemple l’adaptation régulière de Fort Boyard, est aussi une forme de création. Il n’y a pas que « la création from scratch » pour mesurer la créativité.

Des nouveaux modèles de financement associant les plateformes

S’agissant des plateformes, Alexia Laroche-Joubert indique qu’elles permettent d’accélérer le succès de certains créateurs à l’international. Sous la Seine sur Netflix est un succès à l’exportation parce qu’il est distribué par une plateforme internationale. Pierre Branco précise que le modèle initial de « Full by out » permettant aux plateformes de prendre tous les droits pour toutes les fenêtres sur tous les territoires, est maintenant dépassé. Les streamers ont pris conscience que beaucoup de formats ne marchaient pas au-delà de leur territoire d’origine et leurs contraintes économiques les contraignent à être plus sélectifs dans les territoires qu’ils retiennent. Le modèle de financement change. Il est plus complexe, plus exigeant et nécessite que production et distribution travaillent main dans la main. L’exemple de la prochaine série française Tout pour la lumière qui sera produite par TF1 et Netflix est à cet égard très intéressant. Ce sera une première mondiale avec une diffusion sur la plateforme avant la chaîne. « Les deux clients vont toucher des publics différents et s’enrichir, se compléter l’un et l’autre ». Ces modèles sont vertueux, et nécessaires en termes de financement.

Alexia Laroche-Joubert précise que la propriété d’une IP reste essentielle pour un producteur pour lui permettre de faire vivre ses marques au-delà de l’écosystème des chaînes. Par exemple, Banijay a lancé 35 chaînes FAST en Angleterre (Mister Bean, Masterchef…). Ce sont des revenus complémentaires mais aussi un moyen de faire exister une marque de façon permanente. Pierre Branco insiste sur l’intérêt de ce modèle pour les marques programmes qui ont une très longue vie comme Faites entrer l’accusé, diffusé sur RMC Découverte et en parallèle sur YouTube avec d’anciens épisodes du catalogue. Les deux se complètent avec d’excellentes audiences sur les différentes fenêtres.

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