Auditionné avec l’équipe de direction de Canal+, le 8 juillet au matin, pour défendre la candidature de Canal+ Sport au renouvellement de son autorisation TNT, Maxime Saada a rappelé les trois piliers de la stratégie conduite depuis 2015 (redressement économique, digitalisation et internationalisation), face à une « concurrence exacerbée ». Au-delà de la politique d’investissement massif sur les programmes locaux, et de la sécurisation des droits à long terme, la TNT doit permettre, s’agissant du marché français, de garantir l’homogénéité de son offre commerciale, et de surfer sur le regain du linéaire. Sans confirmer son accord sur le renouvellement de l’autorisation pour 10 ans, le président du directoire de Canal+ s’affirme disposé à s’engager « pour une durée longue ». Alors que Canal+ avait indiqué au printemps 2022 qu’il comptait environ 300 000 abonnés à la TNT payante, Maxime Saada n’a pas souhaité en revanche communiquer publiquement sur l’évolution de ce chiffre.
Redressement économique, digitalisation et internationalisation : les trois piliers de Canal+
Si Canal+ « est aujourd’hui le premier groupe privé de télévision en Europe, avec plus de 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires et une présence dans 50 pays », le président du directoire du groupe Maxime Saada a souligné dans son introduction à la présentation de Canal+ Sport, l’importance des changements intervenus dans le marché de la télévision, et le fait que « nous sommes passés d’une compétition locale à une compétition mondiale ».
« Pour faire face à ces nouveaux géants, le groupe Canal+ a dû se réinventer et se transformer », en s’appuyant sur trois piliers :
- « Redressement économique », alors qu’en « 2016, les chaînes Canal+, perdaient près de 400 M€ et les chaînes gratuites plus de 60 M€ par an » ; le groupe reste déficitaire en France, mais a pu « renouer avec une trajectoire économique positive, désormais très proche de l’équilibre » grâce à un plan d’économie de près de 1,5 Mds€, à la sécurisation de ses principaux droits en sport et en cinéma et à la refonte de ses offres.
- « Accélération de la digitalisation », en capitalisant sur la plateforme myCanal, lancée en 2013, aujourd’hui déployée dans plus de 30 pays, à laquelle le groupe consacre 1 Md€ d’investissement par an, et qui a permis au groupe de se positionner comme « super agrégateur ».
- « Internationalisation » : « en 2015, le groupe Canal+, rassemblait 11 millions d’abonnés. Aujourd’hui, il en compte 26 dans 50 pays ». Les prises de participation déjà effectuées dans Viu, Viaplay ou MultiChoice doivent servir l’objectif d’atteindre « à moyen terme un parc d’abonnés compris entre 50 et 100 millions permettant de rejoindre le top 5 mondial des groupes audiovisuels ».
Face au « désavantage manifeste » dont souffre Canal+, car son « marché historique, la France, représente un cinquième de celui des États-Unis », Maxime Saada indique « cultiver ses axes de différenciation », au premier rang desquels « un volume d’investissements massifs et pérennes dans les contenus locaux sur chaque territoire où il intervient » : « Là où Disney Plus ou Netflix affichent par exemple moins de 10 % de titres français dans leur catalogue, Canal+ investit massivement dans les contenus français » : 200 M€ par an, par exemple, dans le financement du cinéma français.
« Parce que nous pensons qu’il est essentiel pour nos partenaires comme pour nous d’avoir une visibilité à long terme, nous avons proposé de renouveler notre accord pour 5 ans et pour un montant total supérieur à 1 milliard d’euros, a poursuivi le dirigeant. Et c’est ce même pacte de visibilité réciproque qui guide nos investissements dans le sport », avec des achats de droits souvent élargis à l’échelle internationale (Premier League de football, Formule 1, Moto GP…).
Dans ce contexte, le projet de scission du groupe Vivendi en plusieurs entités cotées en bourse, dont Canal+ lancé en décembre 2023, « maintiendrait les équilibres actionnariaux actuels » mais « permettrait au groupe Canal Plus de poursuivre pour accélérer son développement en France et à l’international », indique Maxime Saada. S’agissant du contrôle de la société, « il n’y a pas de changement majeur pour nous par rapport à la situation ex ante ».
Maxime Saada : « nous n’avons plus les moyens d’intervenir dans le dossier » (Ligue 1) Interrogé lors de l’audition portant sur le projet Canal+ Sport à propos de la situation du football français », Maxime Saada a indiqué : « Je crois que nous sommes souvent taxés d’énervement, de rancœur, je peux comprendre pourquoi, ou d’amertume. Mais le sujet est aujourd’hui essentiellement économique. Canal+ a tenté face à Media pro, Amazon, de revenir dans le jeu de la compétition de la ligue 1. La LFP ne l’a pas souhaité. Canal+ n’a eu d’autre choix que d’allouer ses ressources sur d’autres compétitions, donc, nous n’avons plus les moyens d’intervenir dans ce dossier. Et nous espérons qu’il trouvera une issue positive pour le foot français car nous restons très investis, notamment dans la Ligue des champions et nous espérons que les clubs français pourront y prospérer ». |
Canal+ et la TNT : garantir l’homogénéité de son offre commerciale et surfer sur le regain du linéaire
S’agissant de la présence du groupe en TNT (sur laquelle il est candidat au renouvellement de ses sept autorisations), Maxime Saada rappelait lors de l’audition relative à Canal+ Sport que « la TNT est encore le seul modèle d’accès à la télévision pour près de 20 % de la population française, soit 6 millions de foyers », et vantait la robustesse de la plateforme (« ne subissant pas les pics d’audience, n’étant pas exposée comme Internet aux aléas et impacts des réseaux et infrastructures de télécommunications ou, comme le satellite, aux aléas climatiques »).
Mais plus encore, le dirigeant de Canal+ a mis en avant la volonté « d’homogénéité » de sa proposition commerciale (« une présence agnostique de nos offres sur l’ensemble des modalités de diffusion, satellites, ADSL, fibre, 3G, 4G, 5G, Internet et bien entendu TNT, sur toutes les plateformes de distribution et sur tous les équipements et tous les écrans »), et « un regain d’audience sur le linéaire » qui a même conduit à lancer « pour la première fois de notre histoire, une chaîne exclusivement linéaire avec l’opérateur Free, Canal+ live ».
Sur l’offre qui résultera des décisions de l’Arcom, Canal+ plaide pour le maintien « d’un maximum de stabilité, dans un contexte ultra-concurrentiel, en conservant l’équilibre actuel entre autorisation de la TNT payante et gratuite », et mettant en garde l’Autorité contre les « sirènes de la nouveauté », rappel des tentatives avortées CFoot et SelectTV à l’appui.
Interrogé par le président de l’Arcom, Maxime Saada n’a pas souhaité communiquer publiquement sur le nombre d’abonnés actuels de Canal+ à la TNT payante, y compris quand Roch-Olivier Maistre rappelait le chiffre de 303 000 qu’il avait évoqué en juin 2022, lors de l’audition conduite dans une précédente procédure de reconduction.
140 M€ de budget de programmes et 1,7 million d’abonnés pour Canal+ Sport
Les dirigeants de Canal+, finalement, ont apporté peu d’informations sur le projet Canal+ Sport lui-même, si ce n’est le fait que « le groupe y investit près de 140 M€ en programmes » et que la chaîne qui « rassemble la plus belle offre de droits sportifs après celle de la chaîne Canal+ », compte plus de 1,7 millions d’abonnés, tous réseaux de diffusion confondus.
« Canal Plus Sport leur donne l’opportunité de suivre les plus grandes compétitions mais aussi de retrouver ou découvrir les championnats moins exposés comme la Pro D2, deuxième division de championnats de rugby, les compétitions de Formule 2, de FA Academy, courses automobiles 100 % féminines, ou encore récemment de l’Open Riviera de tennis-fauteuil, dont certains en exclusivité », indique Gérald-Brice Viret, Directeur Général des Antennes et des programmes du groupe Canal+. Ce dernier a également indiqué que Canal+ Sport programmerait à partir de la saison prochaine « du football le mardi, le mercredi et le jeudi », dans le cadre du contrat de diffusion de l’ensemble des coupes européennes dont bénéficie Canal+ à partir de la rentrée 2024.
Il s’est engagé également à ce que 100 % des programmes de la chaîne fassent l’objet d’un sous-titrage à destination des sourds et mal entendants à partir du 1er janvier 2025 (contre 42 % aujourd’hui).
Après que Roch-Olivier Maistre ait rappelé que Canal+ n’avait pas souhaité s’engager au-delà de trois ans en 2020 et dix-huit mois en 2022, lors des dernières procédures de renouvellement, Maxime Saada n’a pas confirmé qu’il était aujourd’hui prêt à signer pour une autorisation de dix ans, mais a assuré au président de l’Autorité être « candidat pour une durée longue [dont] nous discuterons sans doute lors de la convention ».