Créé par le Français Benoît Raphaël, Flint est un robot doté d’une intelligence artificielle dont le but est de proposer à ses usagers une veille média de qualité et personnalisée, sous la forme d’une newsletter. Ce nouveau projet voit le jour à la suite des phénomènes des « fake news » et des bulles de filtres qui ont été pointés du doigt à l’issue de l’élection présidentielle américaine. L’intelligence artificielle, un bon moyen d’y remédier ?
Sélection et personnalisation au cœur de l’offre
Un robot éduqué par ses utilisateurs : En ce début d’année 2017, Benoît Raphaël crée Flint, un robot doué d’une intelligence artificielle qui recommande à ses abonnés des articles susceptibles de les intéresser. Avec ce projet, l’expert en innovation digitale qui a auparavant créé les deux médias collaboratifs Le Plus de l’Obs et Le Lab d’Europe 1 a cette fois souhaité créé un média faisant collaborer humains et robots. Le travail de Flint consistant à déterminer des articles de qualité sélectionnés sur plusieurs supports en français et en anglais et qui sont aussi personnalisés pour chaque utilisateur, prend la forme d’une newsletter quotidienne. Chaque matin, Flint envoie à ses abonnés une liste d’une quinzaine d’articles de médias comme Le Monde, The Guardian, The New York Times mais aussi du Siècle Digital et du Blog du Modérateur.
Les résultats du robot s’affinent et se perfectionnent au fur et à mesure grâce au procédé de l’apprentissage automatique (« machine learning »). C’est donc à ses abonnés de l’éduquer et de lui dire par quel genre d’articles ils sont intéressés. Ainsi, au début de chaque newsletter, est précisé en en-tête : « Je suis ton assistant robot personnel. Je t’envoie des articles de qualité sélectionnés juste pour toi. Pour m’éduquer, si tu n’aimes pas un article, ne clique pas sur les liens, ça m’aidera à améliorer ma sélection pour toi. »
Question modèle économique, l’outil est proposé de manière gratuite pour l’instant. Pour son créateur, il est question que « les robots s’améliorent et que le projet soit bien compris avant de vendre un service ». Pour l’année 2017, Flint sera rentable grâce à un partenariat signé avec de grands groupes médias pour fournir une veille en interne.
Le succès d’initiatives similaires à l’étranger : Si l’initiative n’a pas de précédent en France, des projets similaires ont vu le jour à l’étranger et notamment au Royaume-Uni et en Allemagne.
Signal Media, fondée à Londres en 2012, propose à ses clients, une veille média qui repose également sur une intelligence artificielle et sur le « machine learning ». L’ambition de ce projet est de transformer la manière dont les professionnels recherchent leurs informations pour ainsi les aider dans leur prise de décision au sein de leur entreprise. Le robot de Signal Media est ainsi capable de scanner et d’analyser plus de 2 millions d’articles par jour écrits dans 40 langues différentes et provenant de plus de 2,7 millions de sites, mais aussi de chaînes de télévision et de radio. Signal Media a réussi à lever 6,9 millions euros de fond fin 2016 et l’entreprise emploie plus d’une cinquantaine de personnes à travers le monde. Pour un de ses investisseurs , « Signal est une des entreprises les plus prometteuses dans le domaine de la tech au Royaume-Uni, grâce à ses procédés technologiques d’avant-garde ».
En Allemagne, Pressrelations GmbH, leader national dans la veille et l’analyse des médias, a décidé d’intégrer dans ses serveurs une intelligence artificielle, nommée iCon, pour ainsi aider l’analyse humaine et fournir une information de qualité. Ainsi, l’intelligence artificielle est capable de faire une sélection d’articles, de les regrouper par thématiques, de les catégoriser, et de dégager le sentiment général de l’article.
« L’information, ce n’est pas Netflix » (1)
Un bouclier contre les fake news et les bulles de filtres. En sélectionnant les sources et utilisant le machine learning pour proposer le contenu le plus pertinent à ses utilisateurs, Flint poursuit un double objectif de lutte contre les fake news et éviter le phénomène des bulles de filtres, un concept théorisé par Eli Pariser et qui désigne l’état dans lequel se trouve un internaute lorsque les informations auxquelles il accède sur Internet sont le résultat d’une personnalisation mise en place à son insu.
La personnalisation au cœur des problématiques des medias. La personnalisation est ce vers quoi tendent de plus en plus les médias. Par exemple, le New York Times a annoncé qu’il allait revoir son site et ses applications pour aller vers plus de personnalisation. Cette annonce a suscité un tollé chez ses abonnés qui l’ont accusé de se « Facebooker » et de vouloir flatter ses lecteurs plutôt que de leur donner les informations qu’ils ont besoin de connaître.
Une démarche qui n’est pas sans limites. Tout d’abord, l’intelligence artificielle peut encore difficilement remplacer le travail que fait le cerveau humain pour détecter une « fake news ». Richard Socher, directeur du département de recherche chez Salesforce, assure qu’une intelligence artificielle ne peut vaincre les « fake news » puisque « le but des informations est notre capacité à recroiser les informations pour les analyser». Pour lui, seul un cerveau humain peut faire ce travail de « fact-checking ». « La vérification des faits est le meilleur des services que nous offrons à nos lecteurs » selon Carolyn Ryan, rédactrice au New York Times, en rappelant que le fact-checking est le cœur du travail des journalistes. De plus, la décision de choisir un corpus de titres et supports à la base peut générer un certain manque de diversité. Enfin, l’utilisation de machine learning peut s’avérer peu propice à la découverte de nouveaux sujets. Autant d’écueils que Flint devra savoir contourner pour assurer le succès de son service.
[1] Benoît Raphaël dans une interview donnée au Blog du Modérateur – 24/03/2017