Positionné sur des cases stratégiques, d’une longévité impressionnante pour les grandes marques, le jeu télévisé tente toujours de se renouveler afin de surprendre et de séduire, même s’il s’appuie largement sur des mécaniques éprouvées. Aujourd’hui, ce ne sont plus tout à fait les mécaniques qui évoluent mais bien plus l’ambiance, le ton.
NPA analyse les nouveaux ressorts des jeux TV à l’étranger et l’adaptation française du jeu américain The Wall diffusée sur TF1.
Stress, conflit et fun : les derniers ressorts des jeux TV à l’étranger
Depuis septembre 2016, 68 formats de jeux ont été lancés en Europe et aux Etats-Unis dont les trois quarts sont des formats originaux[1] et pour la majorité d’une durée de 50/60 minutes. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont les principaux créateurs (10 nouveaux formats chacun). Programme incontournable des chaînes de télévision, le jeu est le format télévisuel qui s’exporte le plus à l’international. Véhiculant pour la plupart des valeurs positives et peu segmentant, c’est un programme fédérateur qui trouve facilement sa place en day-time dans une fonction de lead-in et même pour les plus ambitieux en Prime time, et ce sur les chaînes du monde entier.
De plus en plus spectaculaire, et permettant d’obtenir des gains toujours plus importants, le jeu de plateau actuel est à la fois fondé sur les bases qui ont fait son succès tout en cherchant à renouveler le genre. Ainsi, si beaucoup de jeux mettent encore en avant un côté bon enfant voire déjanté, la tendance est à l’affrontement, à l’angoisse et au jugement : de quoi s’intégrer parfaitement dans l’image qu’on peut se faire de la société actuelle et des faits politiques récents.
- Le stress et la tension se développent dans les mécaniques du jeu : outre le risque de perdre sa cagnotte, les jeux mettent en scène les candidats dans des contextes de plus en plus « anxiogènes », de la musique aux sièges éjectables qui expulsent les candidats en cas de mauvaises réponses (Ejector Seat – ITV, Grande-Bretagne), le stress du hasard et du choix à l’aveugle (The Wall), etc. Ainsi, la tension et le « show » sont davantage mis en valeur plutôt que les questions posées dont le nombre se réduit selon le potentiel de tension de l’émission (The Wall s’attarde davantage sur les candidats et la mécanique des boules).
- La force de persuasion et le conflit s’ajoutent à l’ascenseur émotionnel recherché dans les nouveaux jeux. Divided, diffusé depuis le 19 janvier 2017 sur GSN aux USA et adapté du format initialement diffusé sur ITV (développé par Aurélien Lipiansky pour Talpa), reprend certains codes des jeux de télé-réalité dans lesquels les participants doivent nommer un leader ou se mettre d’accord sur un choix tactique. Ainsi, dans Divided, quatre personnes qui ne se connaissent pas doivent s’arranger pour accumuler un jackpot puis se mettre d’accord sur la façon de le diviser.
- Le fun et l’humour, sous toutes ses formes, demeure un des registres principaux du jeu. L’ambiance y est sympathique, les épreuves loufoques. Shotgun, diffusé sur NBC Sports, se déroule en extérieur et propose des épreuves de culture générale tout en roulant sur le siège passager d’une voiture de course professionnelle autour de quatre parcours à Irwindale en Californie. The almost impossible game show (format anglais diffusé sur MTV USA depuis octobre 2016) offre également aux téléspectateurs de nouvelles épreuves déjantées et hilarantes. Enfin, moments drôles ou gênants, le nouveau jeu original diffusé sur Spike TV depuis le 11 octobre, That Awkward game show oppose des parents et leurs enfants adolescents pour gagner un prix, tout en apprenant des vérités choquantes, des secrets embarrassants de leur coéquipier.
Ces ressorts sont néanmoins encore bien loin de ceux qui sont utilisés dans les jeux TV en Asie, particulièrement au Japon. Ces jeux, dont voici quelques exemples, repoussent bien souvent les limites de la sécurité et de la décence :
- AKBingo diffusé sur Nippon Television, met au défi chaque semaine les membres d’un groupe de musique très connu au Japon dans des épreuves sans limite.
- Let’s go to the end of the world, également sur Nippon Television, envoie des candidats dans différents pays du monde pour leur faire faire des épreuves étranges déguisés en animaux …
- Spread your legs: les jambes d’une femme sont sanglées dans une machine qui les écarte en fonction des résultats d’une autre candidate, jusqu’au grand écart si elle y arrive.
The Wall : le jeu de culture générale mêlant hasard et tension
Inspiré d’une épreuve du Juste prix (The Price is right toujours diffusé sur CBS aux Etats-Unis), The Wall est diffusé depuis le 19 décembre dernier sur NBC, tous les lundis soir à 20h. Produite par Lebron James, célèbre basketteur de la NBA, la version américaine a très vite attiré l’attention de TF1 et Endemol pour une adaptation en France.
Pour annoncer l’arrivée de ce nouveau jeu sur à l’antenne, TF1 a mis les bouchées doubles avec une communication qui a débuté par la publication de la première bande-annonce sur le compte Twitter de la chaîne dans la nuit du 12 au 13 janvier (soit plus d’un mois avant la première diffusion du jeu). C’est également à cette date que la presse spécialisée a commencé à relayer l’arrivée du jeu à l’antenne, d’abord sur le web, puis progressivement dans la presse print pour atteindre un total de 40 citations le jour de la diffusion de la Première (17 citations print et 23 citations web). A l’antenne, la première bande-annonce a été diffusée pour la première fois dès le 22 janvier, juste avant la diffusion du film Bienvenue chez les Ch’tis (8,7M de téléspectateurs pour 34,3% de PdA). Progressivement, le nombre de bandes annonces et de teasers diffusés a augmenté jusqu’à atteindre le nombre de 12 par jour la veille de la Première, sans compter les habillages dynamiques présents lors des grands rendez-vous de la chaîne tels que The Voice ou des jingles publicitaires aux couleurs de The Wall.
Le jeu The Wall se déroule en 3 étapes et dure une quarantaine de minutes, que ce soit aux Etats-Unis ou en France :
- En premier lieu, un couple de candidats se présente devant le mur. Ce-dernier, d’une douzaine de mètres de haut, est personnifié par l’animateur que ce soit dans la version américaine ou française comme s’il était le véritable juge du jeu (« Le mur donne, mais le mur reprend », « Qu’est-ce que dit le mur ? »). Les candidats vont alors devoir répondre à 3 questions avant que les boules n’atteignent le bas du mur qu’elles vont descendre au gré du hasard. Celles-ci tomberont dans des cases symbolisant des sommes d’argent. Soit la réponse est bonne et les sommes dans lesquelles sont tombées les boules iront dans la cagnotte des candidats ; soit la réponse est mauvaise et les sommes seront déduites de la cagnotte.
- Lors de la seconde manche, un des candidats est isolé dans une pièce insonorisée et doit répondre successivement à des questions de culture générale sans savoir ce qu’il se passe sur le plateau ni si sa réponse est correcte ou non. Selon les réponses, les boules seront rouges ou vertes et augmenteront ou diminueront la cagnotte.
- Lorsque l’intégralité des 10 questions a été posée, la cagnotte ne peut plus évoluer. Il est proposé alors au candidat isolé, un contrat dans lequel on lui propose une somme d’argent correspondant à ce qui avait été gagné lors de la première manche. Soit celui-ci accepte et la somme reviendra aux 2 candidats mais la cagnotte accumulée tout au long du jeu est perdue, soit il refuse le contrat et accepte la cagnotte sans qu’il ne sache son montant exact. Les deux candidats se rejoignent alors en plateau afin de savoir quelle décision a été prise, accentuant le stress et la tension pouvant naître entre eux.
Tout au long de l’émission, la tension est omniprésente, celle-ci résidant principalement dans la chute des boules le long du mur avec une mise en scène qui peut être poussée à l’extrême. Le public, criant les directions que doit prendre la boule pour atteindre la plus grosse somme, tout comme l’animateur et le candidat en plateau, renforce cette tension avec comme instant libératoire, l’arrivée de la boule dans la case d’une somme élevée. La version américaine renforce encore davantage cette tension avec des candidats très expressifs et qui prennent véritablement leur temps pour réfléchir à voix haute, relayant les questions au second plan. Malgré la présence de ces questions de culture générale, toute la mécanique de The Wall repose sur le hasard. En effet, même si une réponse est exacte, la boule, selon la façon dont elle tombe du mur, peut faire gagner des sommes très basses comme 1 ou 10 euros. C’est pourquoi, une bonne réponse n’est pas forcément bien récompensée, à l’inverse de ce qu’il peut se passer dans des jeux de questions plus traditionnels.
[1] Source : NPA sur données NOTA – Eurodata TV. Pays étudiés : Belgique, Finlande, France Allemagne, Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Royaume-Uni, Etats-Unis