Pendant près de 2 semaines, les principaux acteurs de la vidéo en ligne se sont donné rendez-vous du Digital Content Newfronts à New-York. Cette édition 2016 a été marquée par l’annonce de résultats très encourageants pour les acteurs de la vidéo digitale mais également par la multiplication des partenariats avec les acteurs traditionnels de l’audiovisuel.
Le triomphalisme des pures-players face aux médias traditionnels
Du 2 au 13 mai, 39 sociétés se sont succédées sur la scène des NewFronts pour présenter leurs dernières innovations, leurs nouveaux contenus et leurs résultats dans le domaine de la vidéo digitale. L’édition 2016 a rassemblé des participants très variés : des pures-players, des MCN, des câbloopérateurs ou encore des groupes médias traditionnels. L’objectif de ces présentations reste de persuader les annonceurs d’augmenter leurs investissements sur les plateformes digitales et ainsi de modifier le mix média au profit de la vidéo en ligne.
Cette édition 2016 a été placée sous le signe du triomphe affiché des nouveaux médias sur les médias traditionnels. Les NewFronts se sont ainsi ouverts par la présentation de l’étude annuelle de l’IAB sur les dépenses publicitaires dans l’audiovisuel qui insiste cette année sur les progrès de la vidéo digitale au détriment de la télévision traditionnelle. Dans cette étude l’IAB affirme que désormais 72% des directeurs marketing vont déplacer des fonds auparavant alloués à la publicité TV vers la vidéo digitale et que deux tiers d’entre eux estiment même que la vidéo digitale va devenir un médium aussi important que la télévision dans les 3 à 5 ans à venir. L’IAB a ajouté en outre que les investissements publicitaires dans la vidéo digitale ont progressé de 85% en deux ans.
Cet optimisme a également servi de fil rouge pour les nombreuses présentations des participants. Ainsi, cette édition 2016 a souvent pris des accents d’autosatisfaction pour les intervenants qui n’ont pas hésité à opposer leurs excellents chiffres d’audience à ceux des chaînes linéaires. C’est le cas par exemple de Buzzfeed dont la présentation a beaucoup attiré l’attention. Le co-fondateur du site, Jonah Peretti, a notamment annoncé en grande pompe que Buzzfeed générait désormais plus de 7 milliards de vues par mois et que certains de ses livestreams vidéo attiraient des audiences comparables à celle des grandes chaînes de télévision linéaire. Il a ainsi particulièrement insisté sur une vidéo diffusée en direct sur Facebook Live au mois d’avril et qui avait attiré plus de 10 millions de spectateurs un vendredi après-midi . YouTube a également tenu a démontré la puissance de son service en comparaison de la télévision et Susan Wojcicki, présidente du service, a affirmé pendant sa présentation que YouTube touchait désormais plus de 18-49 ans que n’importe quelle chaîne de télévision.
Il est évidemment difficile de comparer l’audience de la télévision en ligne et celle de la vidéo en ligne. Les deux mesures d’audience sont radicalement différentes et les acteurs de la vidéo digitale en sont conscients. En se comparant, même de façon biaisée, à la télévision linéaire, il s’agit surtout pour eux de convaincre les annonceurs d’investir sur leurs plateformes à un niveau comparable à celui de leurs investissements dans la télévision qui continue à attirer la majorité des revenus publicitaires. Le discours très offensifs des acteurs de la vidéo digitale ne doit pas cacher la situation actuelle de ces acteurs qui peinent malgré leurs audiences à dégager des profits.
Des partenariats avec les médias traditionnels pourtant indispensables aux pure-players
L’autre grande tendance de ces NewFronts a justement été la place réservée aux partenariats entre pure-players et acteurs des médias traditionnels. Alors que les NewFronts font généralement la part belle à la présentation des nouveaux contenus de chaque participant, cette édition 2016 a vu les acteurs insister non plus seulement sur les dits-contenus mais également sur leur capacité à multiplier les partenariats avec d’autres acteurs. En particulier, les NewFronts ont fait office de vitrines pour les nombreux rapprochements qui ont eu lieu ces derniers mois.
Une grande partie des pure-players présents ont ainsi profité de l’évènement pour annoncer des partenariats ou pour présenter les premiers résultats d’accords signés auparavant. Vice par exemple a non seulement présenté les résultats de sa chaîne Viceland, conçue en partenariat avec A+E, mais le réseau en a profité pour annoncer un partenariat avec le groupe Disney dans le cadre duquel Vice va co-créer et co-promouvoir des contenus sportifs avec ESPN. Mashable pour sa part a annoncé qu’il avait conclu des partenariats de création de contenus avec Telemundo (NBC) et Univision mais a également détaillé le futur de sa collaboration avec le groupe Turner annoncée en mars . Enfin, autre exemple notable, au cours de sa présentation le MCN Whistle Sports a annoncé deux partenariats dans le domaine des contenus sportifs, l’un avec NBC et l’autre avec Sky .
La multiplication de ces accords peut sembler paradoxale alors même que les pure-players ont simultanément orienté leur discours sur le déclin des médias traditionnels au profit de la vidéo digitale. Ce double-discours s’explique par une dépendance mutuelle de la vidéo digitale et de la télévision linéaire malgré une apparente concurrence entre les deux médiums.
En effet, les médias traditionnels ont besoin des pure-players pour leur capacité à créer des contenus attractifs pour les millenials, des marques à identité très forte et de nouvelles formes de storytelling. Lors des NewFronts, John Skipper, président d’ESPN, a ainsi reconnu l’importance de l’accord avec Vice pour le groupe Disney : « Vice fait un travail extraordinaire pour présenter des histoires avec un angle très particulier, travailler avec eux devrait nous permettre de redéfinir notre propre storytelling ». Les partenariats avec les acteurs du digital permettent donc à ces groupes d’avoir accès à l’innovation de façon beaucoup plus simple que par la création de structure en interne. Mais l’attraction est mutuelle, puisque si les pure-players peuvent encore garder une attitude dédaigneuse vis-a-à-vis des médias traditionnels dans leurs discours, la place accordée aux partenariats dans leur projet de développement démontre un réel changement d’attitude. En effet, malgré des résultats d’audience encourageants pour le digital, la télévision continue d’attirer plus de dépenses publicitaires que tous les autres types de médias. Les acteurs du digital peinent donc toujours à dégager des profits et BuzzFeed par exemple a dû revoir ses prévisions de chiffres d’affaires à la baisse alors même que le site enregistre des audiences records. Les acteurs de la vidéo digital reconnaissent donc qu’ils ont besoin des acteurs traditionnels qui sont capables d’une part de leur fournir des ressources financières à la place des venture capitalists et d’autre part de leur donner accès à des marques audiovisuelles extrêmement fortes pour attirer une audience encore plus nombreuse.